Le siège pour réduire le Yémen à la famine a commencé


Moon of Alabama

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Par Moon of Alabama – Le 13 juin 2018

La nuit dernière, la coalition saoudienne a lancé son attaque contre la ville de Hodeidah au Yémen. Hodeidah est le seul port yéménite sur la mer Rouge qui peut accueillir de gros navires. Il est aux mains des Houthis qui, en 2014, ont pris le contrôle de la capitale Sanaa et se sont débarrassés du gouvernement installé par les Saoudiens à Hadi. 90% de la nourriture des 18 millions de personnes vivant dans les zones contrôlées par les Houthis provient de Hodeidah.

Les chaînes d’information par satellite saoudiennes et, plus tard, les médias d’État ont annoncé que la bataille avait commencé, citant des sources militaires. Ils ont également fait état de frappes aériennes de la coalition et de bombardements par des navires de la marine.

Le plan de bataille initial semblait impliquer un mouvement en pince. Quelque 2 000 soldats d’une base navale émiratie située dans la nation africaine de l’Érythrée ont traversé la mer Rouge et ont débarqué à l’ouest de la ville avec l’intention de s’emparer du port de Hodeidah, ont indiqué des responsables de la sécurité yéménite.

Les forces émiraties et leurs troupes yéménites sont remontées du sud jusqu’à l’aéroport de Hodeidah, tandis que d’autres troupes tentaient de couper les lignes d’approvisionnement des Houthis vers l’est, ont indiqué ces responsables.

Le port est maintenant classé zone de conflit militaire actif. Des combats prolongés pourraient détruire l’infrastructure portuaire. Même si les forces de la coalition saoudienne le prennent et le rouvrent, elles continueront à bloquer les approvisionnements alimentaires vers les hauts plateaux du centre du Yémen. Elles veulent affamer les Houthis pour les soumettre.

L’attaque par le sud est forte de 3 000 à 5 000 soldats commandés par Tariq Sale, le cousin de l’ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh récemment assassiné. Ils ont été équipés de camions et de nouvelles armes par les Émirats arabes unis. D’autres forces arrivent d’Aden et Taiz. Elles sont soutenues par l’artillerie, les chars et les bombardements aériens saoudiens. Les forces de la coalition saoudienne sont commandées par d’anciens officiers de l’Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni qui ont été embauchés par les Émirats arabes unis.

Les rédacteurs du New York Times font semblant de ne pas comprendre le vrai problème de cette attaque :

Une coalition dirigée par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite est sur le point d’attaquer le port de la mer Rouge d’Al Hudaydah, où habitent 600 000 Yéménites et où arrive l’aide humanitaire dont vivent la plupart des habitants du pays. (…)

Selon les experts, 250 000 personnes pourraient être tuées ou déplacées dans l’offensive.

Le NYT soutient l’attaque saoudienne. Il veut que les Houthis soient éliminés. Il est aligné sur le lobby sioniste :

Cependant, l’inaction à Hodeidah entraîne des coûts élevés. (….) Si le port est libéré, sa capacité pourrait être rapidement augmentée, surtout si la libération est rapide et sans trop de dégâts. Les habitants des zones contrôlées par le gouvernement sont mieux lotis que les habitants des zones contrôlées par les Houthis, précisément parce qu’ils sont connectés à des ports opérationnels et parce que certains d’entre eux touchent de l’argent du gouvernement. Il serait donc avantageux pour les habitants de Hodeidah d’être libérés.

Le problème n’est pas que 250 000 personnes pourraient être déplacées ou même tuées à cause des combats. Le problème n’est pas que les habitants de Hodeidah manquaient de nourriture. Jusqu’à aujourd’hui, ils la recevaient grâce au port.

Le problème est que les Saoudiens prévoient d’assiéger le territoire tenu par les Houthis et leurs alliés jusqu’à ce qu’ils meurent tous de faim.

Environ dix-huit millions de personnes vivent dans ces territoires. Huit millions d’entre elles sont déjà au bord de la famine. Les Saoudiens veulent prendre Hodeidah pour bloquer l’accès des habitants de Sanaa à la nourriture. S’ils réussissent, ou si les infrastructures portuaires sont endommagées par les combats, ces huit millions de personnes mourront probablement et dix autres millions pourraient rapidement les suivre dans la tombe.

Les médias saoudiens n’ont même pas honte d’exposer le but de l’opération. La libération de Hodeidah est un must pour couper la ligne de ravitaillement des Houthis a titré Arab News. Et Asharq Al-Awsat a affirmé que cette opération était nécessaire pour « resserrer le siège » jusqu’à ce que les Houthis « se rendent sans conditions », « tombent les armes » et « quittent Sanaa ».

L’avocat yéménite Haykal Bafana souligne que les Saoudiens ont utilisé la même stratégie en 1934, lors d’un conflit frontalier avec l’Imamat du Yémen. À l’époque, les Saoudiens ont occupé Hodeidah et affamé la population de Sanaa, où siégeait l’Imamat, jusqu’à ce que le Yémen se rende. Ils veulent recommencer :

L’idée est d’enclaver les Houthis dans la capitale Sanaa, déjà bloquée par les airs. En 1934, la pénurie alimentaire à Sanaa a mis fin à la guerre. Le plan est le même aujourd’hui : Affamer les habitants des zones contrôlées par les Houthis jusqu’à ce qu’ils se rendent. Ergo : Hodeidah mettra fin à la guerre du Yémen.

Qu’il y ait ou pas une famine au Yémen dépend entièrement de ce que les Houthis décideront – se battre et mourir de faim, ou se rendre et manger. Les Houthis menacent de fermer TOUS les transports maritimes de la mer Rouge ? Cela n’aura qu’un seul résultat : TOUTES les puissances mondiales leur feront la guerre et beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de Yéménites mourront.

Personne – ni l’Arabie saoudite, ni les Émirats arabes unis, ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni, ni même les Nations unies – n’a rien proposé pour empêcher la fermeture du port de Hodeidah. Mais c’est le Yémen qui est sans foi ni loi, d’après certains.

Même si on déteste tous les Houthis, affamer les civils yéménites est un crime de guerre. Il est illégal d’avoir comme stratégie de guerre de faire mourir les Yéménites de faim.

Cette stratégie saoudienne a amené les Nations Unies à alerter le monde sur le fait que 18 millions de personnes qui dépendent des transferts de nourriture via Hodeidah pourraient mourir de faim. Le Comité international de la Croix-Rouge prévient que l’attaque de Hodeidah va aggraver la situation humanitaire déjà catastrophique. Le Famine Early Warning System (FEWS), qui est une organisation du gouvernement américain, sonne l’alarme

Si les importations commerciales  descendent en dessous des niveaux nécessaires et que les batailles coupent les populations des zones de chalandise et de l’aide humanitaire pendant trop longtemps, les conséquences en termes de  sécurité alimentaire s’apparenteront à une famine.

Dans les combats d’aujourd’hui, les forces soutenues par les Émirats arabes unis ont prétendu avoir atteint la périphérie sud de l’aéroport de Hodeidah. Elles vont probablement essayer d’avancer vers l’est pour isoler la ville et l’assiéger. La zone est assez plate et difficile à défendre contre une force de soutien aérien et contre de l’artillerie lourde. Il y a peu d’espoir que les Houthis puissent la tenir.

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Mais les Houthis vont continuer à se battre. S’ils abandonnent Hodeidah, ils auront perdu la guerre. Aujourd’hui, ils ont prétendu avoir tiré un autre missile balistique sur l’Arabie saoudite. Ils ont également dit avoir attaqué avec succès un vaisseau de la marine des Émirats arabes unis avec une force de débarquement. Les Saoudiens ont dit qu’ils avaient intercepté le missile. L’attaque du vaisseau n’a pas été confirmée.

Les Saoudiens et les Émirats ont le soutien actif de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Il est encore possible d’empêcher l’attaque sur Hodeidah, le siège de tout le territoire contrôlé par les Houthis et la famine. La Grande-Bretagne et les États-Unis, les Saoudiens et les Émirats sont sur le point de commettre un crime de guerre encore bien pire que ne l’a été la guerre contre l’Irak.

L’attaque doit cesser et le blocus doit être levé. Si cela n’est pas fait tout de suite, il y aura une immense famine au Yémen.

Traduction : Dominique Muselet

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