Par Ugo Bardi – Le 7 décembre 2016 – Source CassandraLegacy
Voici Matteo Renzi, le Premier ministre italien, caricaturé en Napoléon Bonaparte, sur la couverture d’un magazine italien il y a quelques années. Pour une raison quelconque, les dirigeants qui réussissent ont tendance à s’embarquer dans des entreprises risquées qui mettent leur leadership en jeu et, souvent, ils échouent complètement. C’est arrivé à Napoléon avec l’invasion de la Russie et c’est arrivé à Matteo Renzi avec le récent référendum constitutionnel, qui a fini par une défaite désastreuse pour lui.
Il existe un parallèle clair entre les résultats du référendum constitutionnel italien du 4 décembre 2016 et ceux du référendum du Brexit et de la défaite de Hillary Clinton aux États-Unis. Dans tous les cas, nous avons vu la défaillance dévastatrice des médias traditionnels. Les gens ont refusé d’écouter les messages transmis vers eux. Ils avaient le sentiment d’être escroqués et probablement ils savaient que, quand vous commencez à soupçonner que vous êtes escroqué, vous l’êtes très probablement. Et ils ont réagi en conséquence.
Quelque chose change profondément dans le monde. La propagande du haut vers le bas, contrôlée par le gouvernement, a été utilisée avec une grande efficacité pendant plus d’un siècle, mais maintenant, elle est brisée par des informations virales qui descendent et circulent sur le Web. Est-ce que c’est une bonne chose? Certes, la défaite de l’Empire des mensonges est une bonne chose, mais il est vrai aussi que le contraire d’un mensonge n’est pas nécessairement la vérité. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que cela se produit et que les anciennes méthodes ne fonctionnent plus.
Sur ce point, peut-être vaut-il la peine de relire Tolstoï, lorsqu’il évoque la surprise que Napoléon éprouva à la bataille de Borodino, au cours de la campagne russe, quand il trouva aussi que les anciennes façons ne fonctionnaient plus.
Alexandre Tolstoï: «Guerre et Paix», Livre 10, Chapitre XXXIV
Napoléon éprouvait une sensation pénible, semblable à celle du joueur constamment heureux, qui a toujours risqué follement son argent, a toujours gagné et qui, soudain, alors justement qu’il a mis toutes les chances de son côté, voit qu’il perd d’autant plus sûrement qu’il a mieux calculé son coup.
Les troupes étaient les mêmes, les généraux les mêmes, les mêmes mesures, le même ordre de bataille, la même proclamation courte et énergique; lui aussi était le même, il le savait; il savait qu’il était même beaucoup plus expérimenté et habile qu’autrefois. Et l’ennemi n’avait pas changé non plus : c’était celui d’Austerlitz, de Friedland. Mais son bras terrible retombait impuissant, ensorcelé.
Tous les moyens qui autrefois étaient immanquablement couronnés de succès – et la concentration de feu de l’artillerie, et l’attaque des réserves pour rompre les lignes, et la charge de la cavalerie, des hommes de fer – tous ces moyens avaient déjà été utilisés, et non seulement on n’obtenait pas la victoire, mais il s’agissait toujours, dans les renseignements qui affluaient de tous côtés, de généraux tués ou blessés, de besoins de renforts, de la résistance des Russes et de la désorganisation des troupes.
Autrefois, il suffisait de prendre deux ou trois dispositions, de prononcer deux ou trois phrases, les maréchaux, les aides de camp, le visage épanoui, apportaient leurs félicitations et annonçaient les trophées : des corps entiers de prisonniers, des faisceaux de drapeaux et d’aigles ennemis, et des canons, et des fourgons de bagages; et Murat demandait l’autorisation de lancer la cavalerie pour s’emparer des convois. Il en avait été ainsi à Lodi, à Marengo, à Arcole, à Iéna, à Austerlitz, à Wagram, etc. Et maintenant, quelque chose d’étrange était arrivé à son armée.
En dépit de la nouvelle de la prise des flèches, Napoléon voyait que ce n’était pas ainsi, pas du tout ainsi, que les choses se passaient dans les précédentes batailles; il voyait que ceux qui l’entouraient et qui avaient tous l’expérience de la guerre partageaient son sentiment. Les visages étaient sombres, on évitait de se regarder. Seul Beausset était incapable de comprendre la situation.
Napoléon, lui, savait fort bien, avec sa grande expérience, ce que signifiait une bataille où, après huit heures d’efforts, l’assaillant n’a pu obtenir la victoire, il savait que c’était une bataille presque perdue et que, maintenant, dans cette situation d’équilibre instable, le moindre incident pouvait lui être fatal, à lui et à son armée. [Léon Tolstoï, La Guerre et la Paix, Paris, Ed. Folio 1972, Traduction Boris de Schoelzer, p. 328-329]
Ugo Bardi
Puisqu’on parle de Napoléon, voici une critique de livre sur le personnage du très bon, le minarchiste
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone