Par Alex Gorka – Le 27 octobre 2017 – Source Strategic Culture
Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a déclaré que l’Allemagne et la Russie avaient besoin d’améliorer leurs relations bilatérales qui étaient très endommagées. Il a rencontré le président russe Vladimir Poutine, à Moscou, le 25 octobre. Il s’agissait de la première visite en Russie d’un président allemand depuis 2010. M. Steinmeier a souligné qu’il était « très important » d’établir un dialogue avec Moscou, contrastant ainsi avec les déclarations des précédentes années. « Nous vivons ensemble en Europe et il est de notre devoir envers notre peuple de continuer à entretenir un lien malgré les désaccords existants », a-t-il déclaré, ajoutant : « Ces relations sont trop importantes pour les laisser sans dialogue ». Selon Steinmeier, le moment est venu de « trouver un moyen de sortir de cette spirale négative ».
Le président allemand estime que les contacts doivent être maintenus malgré certaines disputes au sujet de l’Ukraine. Les discussions ont porté sur les liens économiques, les conflits en Ukraine et en Syrie ainsi que d’autres crises internationales. Le président Poutine a pour sa part déclaré que Moscou était prêt à développer ses relations avec l’Allemagne, ajoutant que les entreprises allemandes étaient intéressées à étendre leur présence en Russie. « Malgré certaines difficultés politiques, les relations russo-allemandes ne sont pas bloquées », a-t-il ajouté.
Les investissements directs allemands en Russie augmentent pour atteindre 312 millions de dollars au premier trimestre 2017. Ils ont déjà largement dépassé le volume total des investissements allemands de 2016, qui s’élevait à 225 millions de dollars. Plus de 5 500 entreprises à capitaux allemands opèrent en Russie.
Steinmeier demande depuis longtemps que les relations avec Moscou soient améliorées, et a préconisé l’assouplissement des sanctions de l’UE envers la Russie à propos des événements en Ukraine. Le président allemand est également à l’origine d’une initiative de désarmement destinée à pousser la Russie et les États-Unis à réduire leurs arsenaux d’armes conventionnelles. En novembre 2016, il a présenté une proposition visant à lancer des discussions avec la Russie sur un nouvel accord de contrôle des armements. L’idée a été soutenue par quinze autres membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Avant cela, il a critiqué l’OTAN pour « ses bruits de bottes et ses cris de guerre », c’est à dire ses activités militaires provocatrices à proximité des frontières de la Russie.
Steinmeier n’est pas le seul politicien en Allemagne à demander que les relations avec Moscou s’améliorent. Christian Lindner, le dirigeant du Parti libéral démocrate (PLD), candidat probable pour rejoindre une coalition au pouvoir, a appelé à mettre de côté les problèmes liés à l’Ukraine pour faire progresser les relations avec la Russie. Selon lui, « la sécurité et la prospérité de l’Europe dépendent de ses relations avec Moscou ». La présidente du Parti socialiste au parlement allemand [en réalité du groupe parlementaire die Linke, NdT], Sahra Wagenknecht, soutient Lindner dans sa demande de rapprochement avec la Russie. « Nous devrions revenir à une politique de détente dans nos relations avec la Russie afin de préserver la paix et la sécurité en Europe », a déclaré Wagenknecht.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, préconise également de meilleures relations entre l’Occident et la Russie. Il estime que l’Europe doit améliorer ses relations avec la Russie, et ne plus suivre les décisions de Washington. Les pays d’Europe centrale et orientale (ECO) demandent aussi à ce que la politique européenne vis-à-vis de la Russie change.
Prenant la parole à la suite du Conseil OTAN-Russie du 26 octobre, Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’alliance, a déclaré : « Notre dialogue n’est pas facile, mais c’est exactement la raison pour laquelle notre dialogue est si important. » Le chef de l’OTAN a décrit la dernière session du Conseil OTAN-Russie comme étant une « discussion franche et ouverte » sur l’Ukraine, l’Afghanistan, la transparence et la réduction des risques. C’était la troisième réunion du conseil pour cette année. Malgré la détérioration des relations avec la Russie, l’Occident réalise le besoin de dialogue.
La Russie et l’Allemagne ont une longue histoire de relations spéciales. L’initiative de contrôle des armes de Steinmeier ne devrait pas être balayée sous le tapis. Les contours d’un document possible peuvent être élaborés. Le dialogue russo-allemand pourrait contribuer à l’élaboration de mesures progressives visant à résoudre les problèmes de sécurité européenne et à rétablir un climat de confiance et de coopération mutuelles.
Des experts non officiels russes et de l’OTAN pourraient explorer les grandes lignes de la future architecture de sécurité euro-atlantique et les moyens d’en relever les défis. Ils pourraient proposer un programme d’allègement progressif des tensions actuelles. Ils pourraient également discuter de la manière dont le Document de Vienne de l’OSCE pourrait inclure un programme plus élargi.
Avec État islamique en déroute, le problème de l’avenir de la Syrie est mis en évidence. La situation en Libye et ailleurs peut dicter la nécessité d’une action conjointe. La Russie et l’OTAN doivent coopérer en Afghanistan. Compte tenu de la volonté des pays d’Europe centrale et orientale d’améliorer leurs relations avec la Russie, il serait intéressant d’examiner la possibilité d’une zone dénucléarisée en Europe centrale (et orientale).
La Russie et l’OTAN pourraient lancer des discussions sur la transparence sous-régionale et les mesures de confiance, en particulier en mer Noire et dans la région baltique, où les tensions sont fortes. Les pourparlers pourraient se concentrer sur le développement de nouvelles mesures pour prévenir des incidents, établir des canaux de communication constants entre les militaires, et développer de nouvelles règles de conduite pour empêcher les activités militaires dangereuses. Pas d’exercice militaire ou de force stationnaire proche de la frontière de l’autre pourrait également être ajouté au programme de sécurité. Le fait même que le processus de discussion soit lancé devrait stabiliser la situation en Europe.
La Russie reste un élément indispensable de la sécurité européenne. Qu’on le veuille ou non, elle restera un État européen clé et donc un partenaire et un interlocuteur incontournable pour l’OTAN, malgré tous les problèmes persistants dans leurs relations. Il y a une prise de conscience croissante de cette réalité en Occident. La visite de M. Steinmeier et la reprise des réunions régulières du Conseil OTAN-Russie confirment ce fait.
Alex Gorka
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.
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