Le nouveau modèle de relations internationales adopté par la Chine


Par Andrew Korybko − Le 13 mars 2021 − Source orientalreview.org

andrew-korybkoLe nouveau modèle de relations internationales de la Chine n’est en réalité pas si récent, mais il s’agit fondamentalement d’une reprise de l’ordre mondial originellement déployé par l’ONU depuis sa fondation ; ce modèle ne s’était pas matérialisé du fait de la guerre froide, puis des tentatives échouées menés par les États-Unis pour imposer leur hégémonie unipolaire.

Wang Yi, ministre chinois des affaires étrangères, a articulé le nouveau modèle de relations internationales de son pays, lors d’un entretien avec des journalistes, tenu dimanche à Pékin, dans le cadre de deux sessions. Il a porté au crédit du comité central du parti communiste de Chine (PCC) son guidage de la politique étrangère de la Chine, et promis qu’il ferait toujours tout son possible pour maintenir les principes de la charte de l’ONU quant à la démocratie, la justice, l’égalité et le multilatéralisme. Sur ce dernier point, Wang a rappelé à chacun que le multilatéralisme sélectif relève toujours de la pensée de groupe, chose qui ralentit la marche irréversible de l’humanité vers une communauté d’avenir partagé. Cela doit être évité, et tous les pays devraient adopter le vrai multilatéralisme tel que prévu par l’ONU.

Les relations de la Chine avec les États-Unis doivent être fondées sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. En particulier, les États-Unis doivent faire cesser leurs ingérences à Taïwan, Hong Kong, au Xinjiang, et en mer de Chine du Sud. La réunification de la nation chinoise est inévitable, a affirmé le ministre Wang. En outre, tous les pays, Chine y compris, doivent d’en tenir au principe que seules les forces patriotes devraient avoir le droit d’occuper des postes de direction tel que celui qui est actuellement ouvert pour la région autonome spéciale de Hong Kong. Quant aux fausses rumeurs de « génocide«  au Xinjiang, il a encouragé le monde entier à visiter la région pour voir que les gens s’y portent mieux que jamais. En référence à la mer de Chine du Sud, il a condamné les provocations constituées par les patrouilles étasuniennes de « liberté de navigation ».

Néanmoins, le ministre Wang a affirmé que la Chine espère que les États-Unis vont retirer tous les obstacles au dialogue et à la coopération. Il a réaffirmé que la compétition entre les deux pays est naturelle, mais doit rester saine, juste, équitable, et gérée de manière responsable dans une poursuite de l’amélioration mutuelle. Le diplomate a cité un dicton chinois, « rechercher l’harmonie sans l’uniformité », pour faire montre de son respect quant à la diversité systémique dans le monde. Tous les pays devraient rester libres de choisir quel modèle est le mieux adapté à leur propre fonctionnement, ce qui vaut pour les Chinois, les Étasuniens, et tous les autres. Aucun d’entre eux, cependant, ne devrait salir les autres, ou aspirer à la suprématie. Ce n’est qu’ainsi que le monde entier peut réellement adopter la philosophie d’une coopération gagnant-gagnant.

À ce sujet, l’engagement de la Chine avec le reste du monde est fondé sur sa vision d’une communauté d’avenir partagé pour l’humanité, qui est concrètement mis en œuvre au travers de la Belt & Road Initiative (BRI), ainsi que le nouveau paradigme de développement de la circulation double. Les principaux projets de la BRI, comme l’emblématique Couloir économique Chine-Pakistan (CPEC) ont progressé en dépit de la pandémie, allant jusqu’au stade de créer les routes de la soie complémentaires numérique, verte, et de la santé. Chacune de ces initiatives incarne le multilatéralisme et l’ouverture, qui sont en pleine conformité avec les principes de la pensée de Xi Jinping fondant le nouveau modèle de relations internationales de la Chine.

Le ministre Wang a également passé un temps considérable à discuter les relations de la Chine avec chaque région du monde. Il réfute les fausses affirmations voulant que la Chine essaye de séparer l’UE des États-Unis, et affirme que la Chine et l’UE ne sont pas des rivales systémiques, mais des partenaires civilisationnels partageant des intérêts. Le diplomate a également défendu l’accord étendu sur l’investissement (Comprehensive Agreement on Investment – CAI) et affirmé qu’il n’était destiné à s’opposer à aucune entité tierce. Quant à l’Afrique, le ministre Wang a fait l’éloge des liens avec ce continent, prenant ces liens comme modèle d’une coopération Sud-Sud. En outre, il a promis d’accord un soutien accru à son rétablissement économique, aux projets de la BRI, et aux vaccins contre la Covid-19. Au sujet de l’Asie occidentale, il a mentionné la proposition de la Chine pour une plate-forme de dialogue multilatéral dans le Golfe pour assurer la paix et la sécurité.

Le partenariat stratégique étendu de la Chine avec la Russie positionne un exemple de confiance stratégique mutuelle et a prouvé sa résilience dans la lutte contre les virus mixtes de la Covid-19 et politiques, y compris les révolutions de couleur et les campagnes de désinformation. Le ministre Wang a annoncé qu’ils allaient poursuivre les synergies de la BRI et de l’Union économique eurasiatique, et que les deux pays continueront de soutenir des lois et normes internationales, un ordre mondial et un multilatéralisme conformes à la vision de l’ONU. Les liens avec l’Inde sont également importants, a-t-il affirmé, car la coopération entre les deux nations en développement les plus grandes du monde constitue un composant crucial de ce qu’il a prédit être le Siècle asiatique. Quant aux liens avec l’ASEAN et l’Amérique latine, ceux-ci sont caractérisés par la coopération contre le virus de la Covid-19, l’amélioration des liens commerciaux, et la confiance.

Sur la base de tout ceci, on peut voir que le nouveau modèle de relations internationales de la Chine n’est pas si neuf que cela, mais constitue fondamentalement une remise sur la table de l’ordre mondial visionné par l’ONU depuis sa fondation, mais qui n’a pas encore pu se matérialiser du fait de la Guerre froide puis des tentatives échouées par les États-Unis d’imposer leur hégémonie unipolaire. Cette observation centrale réfute les fausses affirmations qui veulent que la Chine soit une soi-disant « puissance révisionniste ». Elle ne « révise » rien du tout, mais soutient plutôt un retour aux principes fondateurs de l’ONU de l’ordre qui succéda à la seconde guerre mondiale, complétée par des réformes progressives mises en œuvre de manière responsable, afin d’assurer une meilleure représentation des pays en développement. Ce modèle de relations internationales va inévitablement créer une communauté d’avenir partagé.

Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

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