Le rapport de terrain du NYT réfute l’affirmation du même journal disant que les frappes auraient été menées contre des ” civils ukrainiens “.
Par Moon of Alabama – Le 11 juillet 2022
Presque tous les grands médias grand public fournissent actuellement des “mises à jour en direct” de la guerre en Ukraine. Il s’agit de rapports abrégés sur tel ou tel incident. Ils sont pratiques pour le lecteur mais omettent des détails importants qui démystifient souvent les affirmations qui y sont faites.
Dans les “mises à jour en direct” d’aujourd’hui, le Washington Post parle deux fois d’une frappe de missile sur la ville de Chasiv Yar :
Deux douzaines de personnes sont restées coincées sous les décombres de deux tours d’habitation à Chasiv Yar, une ville de la région de Donetsk, qui, selon les responsables locaux, ont été frappées par des missiles russes. Le gouverneur de Donetsk a qualifié les frappes russes sur la région au cours du week-end de “véritable enfer“.
Plus de détails sont mentionnés plus bas :
Les équipes de secours continuent de passer au peigne fin un complexe résidentiel après une frappe de missiles russes à Chasiv Yar ce week-end. Les photos montrent des corps retirés des décombres et les biens des résidents ensevelis sous des tas de briques et de poussière.
Parmi les débris, des cadres de photos, des meubles, des fenêtres et des portes explosées. Certains habitants sont retournés sur place pour tenter de récupérer leurs biens. Au moins 18 personnes ont été tuées, et deux douzaines sont portées disparues. Le bilan devrait s’alourdir.
Certains habitants ont regardé avec horreur en attendant des nouvelles de leurs proches.
“C’était une frappe de missile“, a déclaré dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky. “Et tous ceux qui donnent des ordres pour de telles frappes, tous ceux qui les exécutent en ciblant nos villes ordinaires, les zones résidentielles, tuent absolument délibérément“.
La frappe de missiles de samedi sur Chasiv Yar a également été mentionnée dans les ” mises à jour en direct ” du Washington Post d’hier, avec des détails similaires. Je n’ai trouvé aucun rapport indépendant sur cette frappe dans le site du WaPo.
Chasiv Yar est situé à l’ouest de Bakhmut, à environ 25 kilomètres de la ligne de front.
Les ” mises à jour en direct ” du New York Times mentionnent également cette frappe. Le résumé dit :
Le bilan du tir sur un complexe d’appartements dans le village de Chasiv Yar, à Donetsk, samedi dernier, s’est alourdi à 24 personnes, a déclaré lundi le service d’urgence de l’État ukrainien sur Twitter. Huit personnes ont été extraites des décombres et secourues jusqu’à présent, a-t-il ajouté.
Plus bas, l’incident est décrit plus en détail :
Les secouristes se sont démenés dimanche et lundi pour extraire les survivants des décombres d’un immeuble résidentiel de cinq étages dans le village de Chasiv Yar, dans l’est de Donetsk, qui a été visé par des missiles russes. Vingt-quatre personnes ont été tuées et neuf personnes ont été secourues.
Mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré dans un discours samedi qu’il espérait qu’un afflux d’armes fournies par l’Occident – notamment une aide militaire de 400 millions de dollars annoncée vendredi par l’administration Biden – contribuerait à redresser son désavantage et à “réduire les capacités d’attaque russes.”
Le Times a cependant une journaliste, Carlotta Gall, en Ukraine qui a visité la ville et dans son rapport indépendant, nous trouvons des détails importants que les résumés ont en quelque sorte esquivés :
CHASIV YAR, Ukraine – L’offensive russe dans l’est de l’Ukraine s’intensifie dans la province de Donetsk, avec une série de villes et de villages bombardés la semaine dernière, alors que les troupes russes tournent leur puissance de feu plus à l’ouest après avoir pris le contrôle de la dernière ville sous contrôle ukrainien dans la province de Luhansk.
Depuis plusieurs jours, les attaques semblent aléatoires et sans but, mais dans l’ensemble, elles montrent clairement que la Russie se prépare à s’emparer d’une autre partie de Donetsk, l’autre province de la région du Donbass.
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L’attaque la plus meurtrière a eu lieu samedi dernier, lorsque des roquettes ont frappé un complexe d’appartements dans le village de Chasiv Yar, à une dizaine de kilomètres du front. Au moins 15 personnes ont été tuées.
Tout au long de la journée de dimanche, les soldats et les équipes de secours se sont efforcés de secourir les habitants du complexe bombardé, sortant un sixième survivant des décombres près de 24 heures après le tir des roquettes russes. Néanmoins, les autorités ont déclaré samedi dernier qu’un certain nombre de personnes pourraient encore se trouver sous les débris.
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Sur le front de la province de Donetsk, un habitant du village de Chasiv Yar, Oleksandr, 31 ans, observe les opérations de sauvetage dans le complexe d’appartements sinistré, tandis que des machines arrachent des dalles de béton et que des secouristes jettent des briques sur le côté. “Ma grand-mère était ici“, dit-il. “C’est son lit“, ajoute-t-il en montrant le tas de décombres. “J’espère qu’ils la retrouveront et que je pourrai lui offrir des funérailles“.
Il a précisé qu’une dizaine de civils, pour la plupart des femmes touchant une pension, vivaient dans le bâtiment au moment de la frappe, mais que des militaires étaient venus s’y loger deux jours plus tôt. Il avait essayé de persuader sa grand-mère de s’installer chez lui, a-t-il dit, mais elle avait refusé.
Deux soldats qui logeaient dans le bâtiment figurent parmi les morts, selon un autre soldat qui est arrivé avec des collègues de la ligne de front près de Bakhmut pour récupérer des affaires. Il n’a donné que son prénom, Dyma, et son âge, 28 ans, conformément aux règles militaires. Des gilets et des sacs à dos militaires ainsi qu’un fusil cassé, couvert de poussière de brique, gisaient sur le sol sous les arbres.
Il a dit qu’un avion avait frappé le bâtiment avec des roquettes. Les bombardements aériens ont été les plus éprouvants, selon Dyma. Un avion a largué une bombe parachutée sur leurs positions près de Bakhmut, causant des dommages dévastateurs. “Ils ne l’annoncent pas mais nous subissons de lourdes pertes“, a-t-il déclaré. “Nous devons bloquer le ciel“, a-t-il ajouté, répétant une demande que de nombreux Ukrainiens formulent pour que les alliés occidentaux leur fournissent des avions et des systèmes de défense aérienne plus puissants afin de lutter contre les attaques aériennes russes.
Ainsi, selon Oleksandr, habitant de Chasiv Yar, 10 vieilles femmes vivaient dans l’immeuble. Mais au total, 24 personnes ont été retrouvées mortes, selon la dernière mise à jour du NYT, deux douzaines sont toujours portées disparues et 8 ont été secourues.
Cela fait un total de 56 personnes touchées par la frappe, dont peut-être 10 étaient les retraités résidents. Les 46 autres étaient donc des “membres de l’armée [qui] étaient venus s’y loger deux jours plus tôt“.
Appeler cela une “frappe sur des civils” est pour le moins incorrect. Il s’agissait d’une frappe sur une cible militaire qui avait malheureusement utilisé une structure résidentielle civile, les habitants devenant des boucliers humains et, plus tard, des “dommages collatéraux“.
Le ministère russe de la défense est donc en grande partie correct lorsqu’il rapporte l’attaque comme ceci :
Des armes terrestres de haute précision près de Chasov Yar, en République populaire de Donetsk, ont détruit le point de déploiement temporaire de la 118e brigade de défense territoriale des FAU. L’attaque a entraîné l’élimination de plus de 300 nationalistes.
Le nombre indiqué dans le rapport russe est probablement exagéré (comme c’est le cas pour les rapports militaires de ce type). D’autre part, nous ne connaissons pas le nombre réel de victimes, car ces chiffres augmentent généralement au fil du temps, comme c’est déjà le cas ici. Le gouvernement ukrainien peut également vouloir cacher le nombre réel de victimes. La vérité se situe probablement quelque part au milieu des deux affirmations actuelles.
MISE A JOUR (17:15 UTC)
J’ai maintenant trouvé une vue d’ensemble décente de la maison. Avec 5 étages, elle est assez grande pour abriter les 300 soldats annoncés par le ministère de la défense russe. Nous ne savons cependant pas combien étaient réellement présents.
FIN DE LA MISE A JOIUR
Ignorant le rapport détaillé de son propre journaliste, le New York Times a ajouté aujourd’hui un article qui accuse l’armée russe de frapper à plusieurs reprises des civils :
La Russie a affirmé qu’elle ne visait que des cibles à valeur militaire – même si certaines se trouvaient à des centaines de kilomètres des lignes de front – et que chaque fois qu’une installation civile était touchée, il s’agissait d’une installation que l’armée ukrainienne avait cooptée pour l’utiliser comme poste de commandement, comme abri pour les combattants étrangers ou pour stocker des armes.
…
Pourtant, des journalistes, des organisations indépendantes et des responsables ukrainiens ont documenté des attaques russes sur des milliers de bâtiments, structures et véhicules civils. Dans certains cas, la Russie a utilisé des armes obsolètes qui auraient pu être dirigées vers une installation industrielle mais qui ont manqué leur cible, mettant ainsi les civils en danger. Mais dans de nombreux autres cas, les explications des Russes n’ont pas résisté à l’examen.
Voici quelques-unes des attaques les plus importantes, ainsi que la façon dont la Russie en a rejeté la responsabilité.
9 juillet : complexe d’appartements à Chasiv Yar
Selon les services d’urgence ukrainiens, au moins 24 personnes ont été tuées après que des roquettes russes se sont abattues sur un complexe d’appartements à Chasiv Yar, un village de l’est situé à une dizaine de kilomètres de la ligne de front. Selon les premières informations, un certain nombre d’autres personnes ont été piégées sous les décombres.
La réponse de la Russie : Les immeubles d’habitation étaient utilisés par les troupes ukrainiennes, a rapporté l’agence de presse russe TASS, citant un responsable russe anonyme des forces de l’ordre. Aucun civil n’a été tué, selon l’agence.
L’affirmation russe selon laquelle “aucun civil n’a été tué” est probablement fausse, mais l’affirmation du New York Times selon laquelle il s’agissait d’une attaque contre une cible “civile” est démentie par le rapport sur le terrain de son propre journaliste.
L’article accusateur mentionne également comme cible “civile” le centre commercial de Kremenchuck qui a brûlé après qu’une frappe de missile a touché l’usine de machines lourdes située juste derrière.
Les auteurs citent également la gare de Kramatorsk qui a été touchée par un missile ukrainien Tocka-U tiré depuis une direction tenue par l’armée ukrainienne.
Parmi les autres lieux “civils” mentionnés dans ce rapport, citons la maternité de Mariupol, qui aurait été vide avant d’être utilisée comme position de combat, les attaques contre des appartements de vacances à Odessa, qui auraient précédemment hébergé des combattants étrangers, et le prétendu massacre de Bucha, causé par l’artillerie ukrainienne et les nazis d’Azov, qui ont tué des civils pro-russes après le départ de l’armée russe.
L’ensemble du rapport accusateur, intitulé “La Russie frappe à plusieurs reprises les civils ukrainiens. Elle a toujours une excuse“, s’effondre lorsqu’on examine les détails qui se cachent derrière les affirmations propagandistes des médias “occidentaux” sur ces incidents.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.