Le gouvernement étasunien empêche un journaliste emprisonné, Barrett Brown, de jouir de ses droits constitutionnels de base


Par Grant Ferowich – Le 30 avril 2017 – Source SputnikNews

Trois jours après que le journaliste américain Barrett Brown a été de nouveau jeté « au trou », le gouvernement fédéral n’a pas encore fourni de rapport d’infraction détaillant son crime.

Les services de police des États-Unis ont mis Brown en garde à vue la semaine dernière après une visite de routine avec ses gestionnaires de cas. Le Bureau des prisons « exerce une influence technique sur ma vie jusqu’au 25 mai lorsque ma peine prend fin officiellement », a déclaré Brown à Sputnik dans un communiqué envoyé dimanche matin.

« Après 72 heures, je n’ai toujours rien reçu, a-t-il déclaré. Contrairement à la politique du Bureau des prisons (BOP) et, en fait, au droit fédéral, je n’ai pas reçu de rapport d’infraction écrit, et encore moins de compte rendu d’audience disciplinaire qui précède normalement toute punition. »

Bien sûr, ce ré-emprisonnement de Brown, sans en expliquer les raisons, pose la question : le BOP utilise-t-il son autorité exclusivement pour faire taire un adversaire politique ? Brown a été critique du BOP et du gouvernement fédéral des États-Unis ces dernières années et a rendu compte des efforts de Washington pour mener des opérations de surveillance discrètes sur les citoyens américains par l’entremise d’entrepreneurs privés tiers.

L’avocat Jay Leiderman a déclaré à Sputnik, vendredi, que c’est exactement ce que dénonce Barrett Brown qui se déroule devant nos yeux : c’est-à-dire que le gouvernement peut utiliser des tactiques juridiques rusées pour arrêter et faire taire les individus qu’il n’aime pas personnellement.

C’est précisément la raison pour laquelle la Bill of Rights a été incluse dans la Constitution des États-Unis : empêcher le gouvernement de porter atteinte aux droits fondamentaux et inaliénables. En plus des tentatives actuelles de faire taire Brown – il a été détenu un jour avant une interview prévue avec PBS – la tactique actuelle du BOP enfreint les procédures régulières de protection du citoyen, énumérées dans les 5e et 14e amendements constitutionnels.

Un jugement de la Cour suprême des États-Unis, datant de 1855 et nommé Murray contre Hoboken Land, a révélé qu’« il était évident » que la procédure régulière du droit « n’a pas été faite pour laisser le pouvoir législatif jouer avec cette procédure. Cet article de la procédure régulière est une contrainte pour le pouvoir législatif autant que pour les pouvoirs exécutif et judiciaire du gouvernement ». C’est ce qui est mentionné en droit comme « un procès substantiel et équitable », ce qui a clairement été refusé à Brown puisque le Bureau des prisons n’a pu fournir de fiche d’infraction.

Avant la publication de cet article, le BOP n’a pas répondu aux demandes de commentaires faites par Sputnik pour confirmer ou contredire l’allégation de Brown.

« Heureusement, dans les jours qui ont précédé mon arrestation, j’ai réussi à faire un enregistrement audio de la chef régionale du BOP, Luz Lujan, et de deux agents me menaçant de ‘refus’ ou de ‘refus d’obtempérer’ si j’avais fait d’autres interviews avec les médias sans chercher l’approbation préalable de Lujan », a expliqué Brown.

« Comme je l’ai expliqué à Lujan et aux agents dans ces enregistrements, il n’y a rien dans les programmes médias du BOP qui exigent, même des détenus en prison, de demander la permission de communiquer avec la presse, encore moins pour ceux comme moi qui sont déjà en résidence surveillée », a-t-il ajouté. Après examen du programme média du BOP, Sputnik n’a trouvé aucune loi exigeant que les personnes en liberté surveillée fassent l’objet de l’approbation du BOP avant de mener des interviews.

« Si cela se passait dans un autre pays, [le gouvernement des États-Unis] le déplorerait », a tweeté l’ancien agent de la CIA, Barry Eisley, la semaine dernière.

Les tentatives pour censurer le discours de Brown seront contrées par une résistance légale significative. « C’est un terrible affront au Premier amendement », a déclaré Jay Leiderman, l’un des conseillers juridiques de Brown à Sputnik News lors d’une interview exclusive, ce jeudi.

À la suite de son arrestation soudaine, Brown a déclaré qu’il « relancerait brièvement le Barrett Brown Review of Arts and Letters and Jail for D Magazine » en plus de contribuer à un article hebdomadaire pour The Intercept, « si seulement je trouve quelque chose sur quoi écrire ».

Brown a d’abord été récompensé pour avoir rendu compte des opérations de renseignement de Stratfor dirigées contre des civils américains. Le ministère de la Justice a déclaré à Bank of America que Stratfor serait idéalement adapté pour mener ces opérations. Au fur et à mesure que les histoires d’espionnage d’entreprise émergeaient, Brown a signalé les fuites, qui ont fait des vagues car ces actes d’espionnage domestiques coïncidaient avec l’époque du mouvement Occupy Wall Street.

Le gouvernement a essayé de faire passer Brown pour un pirate, bien qu’il n’a fait que de parler d’eux. Il a d’abord fait face à une peine de 100 ans. Après avoir plaidé coupable de deux accusations, l’une relatives à une entrave à la justice et l’autre de menaces envers un agent du FBI, la peine de Brown a été réduite à cinq ans et trois mois. En somme, le travail de Brown a contribué à déclencher la guerre contre les fuites, qui persistent à ce jour.

Grant Ferowich

Traduit par Wayan, relu par M pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone : Le 2 mai, un nouvel article de SputnikNews annonçait que Barrett Brown avait été relâché grâce à la pression des avocats du magasine auquel il avait donné l'interview. Aucun papier officiel n'a encore été délivré pour ces quelques jours d'emprisonnement.

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