Il n’y a pas si longtemps, peu d’Américains de l’opinion publique pensante auraient pu imaginer qu’une république aussi bien conçue, avec ses freins et contrepoids exquis, ses institutions solides et ses traditions éprouvées, finirait par se retrouver réduite à un amas visqueux de poix en fusion dans ce qui est devenu une usine nationale d’incinération de déchets, mais tel est le triste état de l’Union qui se dirige vers l’été 2019, l’année fatidique de sa chute. Le château de la bureaucratie permanente est sur le point d’être incendié par un soulèvement de paysans déplorables mené par un Golem d’or rendu furieux par des litiges incessants. C’est Game of Thrones qui rencontre la Convention Thermidorienne avec, comme cerise sur le gâteau, un relent de République de Weimar – vraiment gravé dans les mémoires pour l’éternité !
Il y a peut-être beaucoup à reprocher à Donald J. Trump, 45è président des États-Unis. Malgré tout le toilettage et ses costumes sur mesure, il a peu de savoir faire. Il ne twitte pas comme un oiseau au chant mélodieux, mais par des ronflements comme un oryctérope qui fouit le sol à la recherche de racines. Toute sa prédilection se résume à un affront dirigé vers l’establishment raffiné de Washington : l’histoire sombre autour de son business, son bronzage doré bien-aimé, ses cheeseburgers Mickey-D, sa toison mystifiante.
D’où la rage désespérée de la faction voulant la destitution, directement proportionnelle à sa connaissance secrète et honteuse que tout le mélodrame du RussiaGate était, en fait, un subterfuge séditieux de la campagne Hillary Clinton et d’un grand nombre de figures clés du gouvernement, dont l’ancien président Barack Obama, qui ne pouvait ignorer ce qui se tramait. Même avant l’ordre de déclassification, le véritable récit des événements a été clairement compris : que la « communauté » des services de renseignements aux États-Unis a fait du trafic de faux-documents fournis par Mme Clinton pour se « mêler » illégalement aux élections de 2016.
La plupart des faits sont déjà documentés. Seuls quelques détails restent à confirmer : par exemple, si l’artiste international Joseph Mifsud était un employé de la CIA, et/ou du MI6 britannique, et/ou de l’entreprise Fusion GPS de Mme Clinton (ou de la société Orbis Business Intelligence de Christopher Steele, un sous-contractant de Fusion GPS et du FBI). Des questions vont maintenant être posées – mais pas par le New York Times.
La preuve déjà publique indique que Robert Mueller devait savoir dès la date de sa nomination (et probablement avant) que la preuve à l’origine de son enquête était fausse. Après tout, son futur procureur principal, Andrew Weissmann, en a été informé sans équivoque par son collègue du Ministère de la justice, le sous-procureur général Bruce Ohr, en 2016. La justice voudra peut-être savoir pourquoi Mueller n’a pas informé la cible de son enquête qu’il en était ainsi. La réponse à cela est peut-être que la véritable mission de Mueller était de neutraliser Trump le plus longtemps possible tout en faisant obstruction à la justice, ce qui a également échoué sur le plan tactique.
Remarquez que Mueller a refusé de témoigner devant le Comité judiciaire de la Chambre la semaine dernière. Son président, Jerrold Nadler (D-NY), a été idiot de l’inviter. Ne savait-il pas que les membres minoritaires de son comité peuvent aussi poser des questions ?
Dans un tour de manivelle intéressant la semaine dernière, les sondages ont montré qu’une majorité des personnes interrogées étaient en faveur d’une enquête sur l’origine de l’histoire du RussiaGate. Le FBI, étant une agence sous la supervision directe du procureur général, sera à coup sûr copieusement arrosé. La CIA, d’autre part, a une histoire sordide d’actions en tant qu’État dans l’État – d’où la déviance de l’État profond. Ils sont réputés pour protéger les leurs. Rappelez-vous, le leader de la minorité sénatoriale, M. Schumer, a dit narquoisement au nouveau président Trump lors de son intronisation que la communauté des services de renseignements « a trente-six façons pour se venger de vous ». Je suppose qu’on va enfin voir ça parce que l’ancien directeur de la CIA, le méchant Brennan, est convoqué par un grand jury. Je soupçonne qu’il ne sera pas protégé par ses anciens collègues. Sa chute pourrait annoncer un nettoyage plus approfondi, et peut-être une réorganisation majeure, de cette agence monstrueuse.
L’inculpation de Julian Assange rajoute une couche à la procédure à venir. En dehors de ce que signifie la protection du Premier amendement pour une presse libre (ce qui n’est pas une mince affaire), Assange est la seule personne qui sait réellement qui a remis les courriels « piratés » du DNC à Wikileaks. C’est peut-être parce qu’il veut obtenir la réponse à cette question que le Ministère de la justice s’acharne sur lui. Le procès d’Assange sera d’enfer, assurément.
Personnellement, je suis convaincu que tout ce mélodrame se déroulera dans le contexte d’une explosion éruptive de l’ économie mondiale, de marchés financiers qui s’effondrent et d’une perturbation épique de l’ordre international établi. Envisagez de faire quelques provisions.
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone