Par Andrew Korybko – Le 4 avril 2023
Tous ceux qui suivent les affaires étrangères ont vu la propagande occidentale mettant en garde contre la soi-disant « dangereuse dépendance » de la Russie à l’égard de la Chine, propagande qui a atteint son paroxysme pendant le voyage du président Xi à Moscou pour consolider l’Entente sino-russe. L’ancien ambassadeur américain Michael McFaul a affirmé que cela transformerait la Russie en un « vassal » chinois, l’intelligentsia libérale-mondialiste indienne a imaginé que l’on ne pouvait plus compter sur la Russie, et Asia Times a fait allusion à l’expansionnisme chinois imminent vers l’Extrême-Orient russe.
Aucun de ces récits de guerre de l’information n’est vrai, ce que le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, vient de réexpliquer dans une riposte intelligente lors de sa dernière interview avec le journal « Argumenty i Fakti« , mardi, en partageant l’idée suivante :
« Au plus fort de l’approvisionnement énergétique de l’Europe par la Russie, aucun analyste occidental n’a essayé d’effrayer la Russie au sujet de sa dépendance à l’égard de l’UE. À l’inverse, les États-Unis mettaient en garde l’Europe contre les approvisionnements en hydrocarbures en provenance de notre pays dans le but de les remplacer par leur propre pétrole et gaz de schiste. Maintenant que nous réorientons nos exportations vers l’Asie, ils ont soudain décidé de s’occuper de nous et de nous rappeler « amicalement » notre dépendance potentielle à l’égard de la Chine. Merci pour le conseil, mais nous utiliserons notre propre jugement et nous nous fierons uniquement aux intérêts nationaux et à nos fiables amis chinois dont les actes ont été éprouvés dans la durée ».
Tout ce qu’il a dit est vrai, même s’il est prévisible que cela sera nié par des observateurs malhonnêtes dont l’objectif est d’enfoncer un coin dans l’Entente naissante entre ces deux grandes puissances multipolaires. Il est vrai que les seules mises en garde formulées par ces propagandistes à l’époque concernaient la « dépendance » de l’UE à l’égard de la Russie.
Toutefois, comme le prouve l’année écoulée, Moscou n’a jamais utilisé ses exportations d’énergie vers ce bloc comme moyen de pression, malgré les politiques inamicales dans le contexte de la guerre par procuration entre l’OTAN et la Russie en Ukraine. Certains prétendent a posteriori que le Kremlin aurait dû le faire pour punir l’UE, mais le fait est que ses décideurs politiques n’ont jamais eu de telles intentions, sinon cela se serait déjà produit. Il est clair que tous les avertissements occidentaux antérieurs n’étaient que pure propagande.
Il en sera de même pour leurs nouvelles mises en garde contre la « dangereuse dépendance » de la Russie à l’égard de la Chine. Il n’existe aucun scénario crédible selon lequel la République populaire utiliserait ses achats croissants de ressources pour manipuler Moscou, car tout mouvement dans ce sens mettrait immédiatement fin à leur entente mutuellement bénéfique. Cela permettrait au milliard doré occidental dirigé par les États-Unis de les diviser et de les gouverner pour encore longtemps.
En outre, c’est le summum de l’hypocrisie pour l’Occident que de mettre en garde contre cette séquence irréaliste d’événements, compte tenu de la « dépendance » croissante de l’UE à l’égard de la Chine, à laquelle le président Poutine a fait référence avec ironie à la fin du mois dernier. Il a déclaré que « la dépendance de l’économie européenne à l’égard de la Chine […] augmente beaucoup plus vite que celle de la Russie […] le volume des échanges entre la Chine et l' »Europe unie » augmente à un rythme très élevé […] Ils [l’UE] devraient plutôt s’occuper d’eux-mêmes« .
Personne ne devrait interpréter ses propos comme une allusion à un risque crédible que la Chine utilise ses liens commerciaux avec l’UE comme une arme, puisque le seul point qu’il essayait de faire valoir était qu’il n’est pas sincère pour le bloc d’avertir que la Chine manipulera ses liens commerciaux avec la Russie, alors que les siens sont beaucoup plus susceptibles de faire l’objet d’un tel scénario. Ces observations objectives et facilement vérifiables, partagées par le président russe et son ministre des affaires étrangères, démystifient totalement les fausses craintes concernant la « dangereuse dépendance » de leur pays à l’égard de la Chine.
Andrew Korybko
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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