La Syrie a déjoué les manœuvres de l’Occident et regagne sa légitimité


Par Moon of Alabama – Le 14 juillet 2023

Depuis 2014, les Nations unies acheminaient des fournitures humanitaires dans la région « rebelle » du nord-ouest de la Syrie, infestée de membres d’Al-Qaïda (en vert sur la carte ci-dessous). Une décision du Conseil de sécurité de l’ONU qui permettait de fournir le soutien nécessaire.

En provenance de Turquie, les convois de l’ONU passaient principalement par le point de passage de Bab al-Hawa, à l’est de Hatay, dans le sud de la Turquie. Les « autorités » de la zone nord-ouest, c’est-à-dire Al-Qaïda, utilisaient la distribution des marchandises pour garder le contrôle de la population.

Après le tremblement de terre de février, le gouvernement syrien a ouvert deux autres points de passage depuis la Turquie. Mais la plupart des marchandises des Nations unies continuaient à transiter par Bab al-Hawa.

Le gouvernement syrien a déclaré que toutes les marchandises devaient passer par le territoire qu’il contrôle et non par la Turquie. Les membres d’Al Qaida vivant au nord-ouest ont largement boycotté cette décision et bloqué les passages des zones contrôlées par le gouvernement syrien vers leur enclave.

La Syrie et la Fédération de Russie ont insisté pour que la décision du Conseil de sécurité des Nations unies soit modifiée ou abrogée et non renouvelée.

Mardi, la nouvelle tentative de renouvellement a échoué. La Russie a opposé son veto à la résolution soutenue par l’Occident et en a proposé une autre qui n’a pas obtenu le quorum nécessaire.

Sans l’autorisation du Conseil de sécurité, l’ONU n’avait aucun moyen légal de poursuivre les convois. Aujourd’hui, le gouvernement syrien a créé la surprise et a donné son accord pour que Bab al-Hawa reste ouverte aux convois de l’ONU :

Dans une lettre soumise aux Nations Unies et au Conseil de sécurité, la Syrie a déclaré qu’elle autoriserait les Nations Unies à accéder au point de passage pendant six mois « en totale coopération et coordination » avec le gouvernement syrien.

Les Nations Unies ont déclaré jeudi qu’elles étudiaient la lettre de la Syrie et les effets potentiels sur leurs opérations d’acheminement de l’aide.

« La coordination et la coopération avec l’ONU ont toujours existé et existeront toujours« , a déclaré à la presse Bassam al-Sabbagh, ambassadeur de Syrie auprès des Nations unies. Il n’a pas donné de détails sur les exigences de son gouvernement, mais a déclaré que l’ONU ne devait pas travailler avec les « terroristes » du nord, une référence apparente aux groupes d’opposition qui contrôlent la région.

L’ONU ne voudra pas mettre fin aux convois. Grâce à cette mesure, le gouvernement syrien pourra au moins exercer un certain contrôle sur les marchandises entrant dans le pays et sur leur distribution.

La Syrie et la Russie ont ainsi déjoué les manœuvres de l’Occident et garder le contrôle sur l’approvisionnement de cette zone :

« Le président Assad a déclaré qu’il ouvrirait Bab Al-Hawa pendant six mois. Mais sans surveillance de l’ONU, le contrôle de cette ligne de vie essentielle a été confié à l’homme responsable des souffrances du peuple syrien« , a déclaré Barbara Woodward, ambassadrice du Royaume-Uni auprès des Nations unies, qui assure la présidence mensuelle tournante du Conseil ce mois-ci.

Andrew Tabler, ancien directeur du Conseil national de sécurité pour la Syrie, a qualifié la décision de la Syrie d' »échec et mat de la part de Moscou » pour les États-Unis et leurs alliés, et d’un nouveau coup porté à la politique syrienne de l’Occident.

Les pays arabes, qui ont récemment fait la paix avec le gouvernement syrien qu’ils avaient longtemps tenté de renverser, soutiendront la décision de la Syrie.

L’Occident ne peut pas faire grand-chose. Retenir les convois de l’ONU sous tel ou tel prétexte serait certainement perçu comme une hypocrisie et une vengeance qui n’a rien à voir avec les convois prétendument humanitaires pour lesquels ils ont plaidé pendant toutes ces années.

Non pas qu’ils ne l’aient jamais pensé sérieusement. Il suffit de lire ce qui suit, rédigé par le Conseil de l’UE :

Syrie : L’UE prolonge de six mois l’exemption humanitaire

Le 23 février 2023, le Conseil a introduit une exemption humanitaire supplémentaire dans le régime des sanctions au vu de la situation en Syrie afin de faciliter l’acheminement rapide de l’aide humanitaire, à la suite du tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Turquie et la Syrie.

Afin de continuer à répondre en temps utile à l’urgence de la crise humanitaire en Syrie et de continuer à faciliter l’acheminement rapide de l’aide, le Conseil a décidé de prolonger la durée de cette exemption humanitaire de six mois supplémentaires, jusqu’au 24 février 2024.

L’exemption du gel des avoirs et de l’interdiction connexe de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et entités figurant sur la liste vise à faciliter davantage les opérations des organisations internationales et de certaines catégories définies d’acteurs participant aux activités humanitaires en Syrie.

Comme le souligne à juste titre Aaron Maté :

Aaron Maté @aaronjmate – 13:48 UTC – Jul 14, 2023

Si vous devez prolonger une « exemption humanitaire » en Syrie pour une durée déterminée, cela confirme que vous êtes anti-humanitaire en Syrie toutes les autres fois.

En gardant Bab al-Hawa ouvert pour l’ONU, la Syrie renforcera sa position mondiale. La Syrie, avec l’aide de la Russie, continuera probablement à faire des démarches diplomatiques qui lui permettront, très lentement, de retrouver une position plus normale dans le monde.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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