La Russie prend de nouvelles mesures pour sécuriser sa frontière occidentale


Par Moon of Alabama – Le 21 décembre 2022

Face à l’expansion de l’OTAN et son attitude belliciste, la Russie se devait de réagir. L’une de ces mesures consiste à intégrer la Biélorussie dans sa sphère de défense. L’autre est une augmentation de sa force militaire pour couvrir de nouvelles menaces dans sa zone nord-ouest.

Le Belarus semble être un petit pays par rapport à la Russie.

Mais il s’agit en fait d’un pays de taille assez décente, avec un diamètre d’environ 500 kilomètres de frontière à frontière. Il possède des industries lourdes bien établies et quelques matières premières intéressantes comme la potasse. Sa population de 9,5 millions d’habitants est très instruite. Pour la Russie, il s’agit d’un important État tampon et de la voie d’approvisionnement vers son enclave de Kaliningrad.

En juin 2020, nous avons vu les premiers signes d’une “révolution de couleur” orchestrée par les États-Unis en Biélorussie. Début août, les manifestations avaient pris de l’ampleur. Mais à peine deux semaines plus tard, la tentative de renverser le dirigeant du Belarus en place depuis longtemps, Alexander Lukashenko, a pris fin. La Russie était venue à sa rescousse après que celui-ci eut accepté de mettre enfin en œuvre l’État d’union :

En 1999, la Russie et le Belarus ont signé un traité visant à former un État de l’Union entre la Russie et le Belarus. Ce traité prévoyait la libre circulation, une défense commune et l’intégration économique, ainsi qu’un parlement de l’Union. Mais depuis lors, Loukachenko a traîné les pieds sur ce sujet. À la fin de l’année dernière, Poutine l’a à nouveau pressé d’exécuter l’accord. Lorsque Loukachenko a refusé, Poutine a coupé la ligne de vie économique du pays avec la Russie. Le Belarus ne recevait plus le pétrole russe subventionné qu’il pouvait raffiner et vendre au prix du marché à l'”Ouest”. Loukachenko a alors essayé d’être gentil avec l'”Ouest”. Il a acheté du pétrole de schiste américain. Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo est venu à Minsk. En mars, les États-Unis ont rouvert leur ambassade au Belarus.

Mais maintenant, l'”Occident” que Loukachenko avait essayé de dorloter tente de le faire tuer. Chaque ambassade des États-Unis est aussi une base pour un changement de régime à l’américaine. Il aurait mieux fait de s’en passer.

Étant donné qu’il était la cible d’une opération de changement de régime menée par les États-Unis et qu’il subissait des pressions économiques, Loukachenko avait évidemment besoin d’aide. Aujourd’hui, il a finalement pris conscience et capitulé devant Moscou sur la question de l’État de l’Union.

Il n’a pas fallu longtemps à Poutine pour réagir. Environ 6 heures après le rapport de Reuters ci-dessus, le Kremlin a publié une note sur une conversation téléphonique avec le président du Belarus Alexandre Loukachenko (c’est nous qui soulignons) :

Vladimir Poutine a eu une conversation téléphonique avec le président de la République de Biélorussie Alexandre Loukachenko à l’initiative de la partie biélorusse.

Alexandre Loukachenko a informé Vladimir Poutine des développements qui ont suivi l’élection présidentielle en Biélorussie. Les deux parties ont exprimé leur confiance dans le fait que tous les problèmes existants seront bientôt réglés. L’essentiel est d’empêcher les forces destructrices d’utiliser ces problèmes pour porter atteinte aux relations mutuellement bénéfiques des deux pays au sein de l’État de l’Union.

En ce qui concerne le retour en Russie de 32 personnes qui étaient auparavant détenues en Biélorussie, une évaluation positive a été faite de l’étroite coopération des agences compétentes à cet égard.

Ils ont également convenu de poursuivre les contacts réguliers à différents niveaux et ont réaffirmé leur engagement à renforcer les relations entre alliés, ce qui répond pleinement aux intérêts fondamentaux des nations fraternelles de Russie et de Biélorussie.

Il me semble que Poutine a accepté l’accord. Loukachenko, et sa police, ne seront pas pendus à un poteau. La Russie s’occupera du problème et l’État de l’Union sera enfin établi.

Cela ne signifie pas que toute tentative de révolution de couleur est terminée. Les États-Unis et leur laquais polonais ne vont pas simplement plier bagage et partir. Mais avec le soutien total de la Russie assuré, Lukashenko peut prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux émeutes.

Depuis lors, il y a eu plusieurs réunions entre Loukachenko et Poutine et des parties importantes de l’accord d’État d’Union ont été mises en œuvre. Il y a deux jours, un sommet a eu lieu à Minsk. Lors de la conférence de presse, les deux dirigeants ont mis l’accent sur leur coopération économique, mais ont également évoqué les questions de défense. Avec la guerre en Ukraine et l’implication potentielle de l’OTAN, ces questions sont devenues de plus en plus importantes.

Le Belarus a reçu un certain nombre de systèmes d’armement haut de gamme et, comme l’a annoncé Poutine, il sera bientôt en mesure d’utiliser les armes nucléaires russes :

Je voudrais vous rappeler que, dans le cadre de la mise en œuvre cohérente de la doctrine militaire russo-biélorusse, nous travaillons à la planification militaire conjointe et disposons d’un groupement de forces régional opérationnel russo-biélorusse. Les divisions et les unités militaires de nos pays suivent actuellement une formation coordonnée en Biélorussie. Nous avons créé un système commun de défense aérienne qui est déjà en service. Nous sommes convenus de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de nos pays, en donnant la priorité à la formation des troupes, en améliorant leur aptitude au combat et en poursuivant la pratique d’exercices conjoints réguliers et d’autres événements d’entraînement opérationnel et de combat, l’approvisionnement mutuel en armes essentielles et la production conjointe de nouveaux équipements militaires.

Je pense qu’il est également possible de continuer à mettre en œuvre la proposition du président Lukashenko concernant la formation des équipages des avions de combat de l’armée biélorusse qui ont été rééquipés pour l’utilisation potentielle de munitions lancées par voie aérienne avec des ogives spéciales. Je tiens à souligner que cette forme de coopération n’est pas notre invention. Les États-Unis, par exemple, mènent des activités similaires avec leurs alliés de l’OTAN depuis des décennies. Ces mesures coordonnées sont extrêmement importantes compte tenu des tensions aux frontières extérieures de l’État de l’Union.

Lukashenko a été un peu plus précis :

Je vous remercie tout particulièrement, et pas seulement en mon nom ou au nom des militaires, d’avoir tenu votre promesse. Aujourd’hui, un complexe S-400 que vous avez transféré au Belarus a été mis en service. Plus important encore, nous avons reçu un complexe Iskander que vous nous aviez promis il y a six mois.

Vous venez de soulever une question très sensible, en l’abordant avec une grande prudence. Cependant, vous avez eu raison de noter que ce n’est pas nous qui avons commencé. Je parle de la formation des équipages de nos forces aériennes au maniement des armes spéciales et des ogives spéciales. Je dois vous dire que nous avons préparé nos avions. Il se trouve que nous avons ces avions depuis l’ère soviétique. Nous les avons testés dans la Fédération de Russie et nous travaillons maintenant avec les Russes pour former nos équipages au pilotage d’avions transportant des ogives spéciales. En agissant ainsi, nous ne menaçons personne. Je vous ai informé à plusieurs reprises, notamment lors de nos rencontres à Saint-Pétersbourg, à Moscou et à Sotchi, que nous sommes très préoccupés par ce que vous appelez les tensions le long des frontières de l’État de l’Union, principalement à l’ouest. Nous avons ressenti le besoin d’assurer la sécurité de l’État biélorusse. Vous avez fait un pas résolu et très important pour soutenir la Biélorussie. Encore une fois, merci beaucoup.

Le Belarus est désormais protégé par un système de défense aérienne à longue portée de première classe, le S-400. Il dispose de capacités de frappe de précision à moyenne portée grâce aux missiles Iskander. Les forces aériennes et terrestres des deux armées sont désormais sous un commandement commun. Les avions biélorusses pourront bientôt utiliser des missiles à charge nucléaire et des missiles de croisière contre des cibles terrestres de l’OTAN.

L’armée biélorusse est assez petite. Son armée ne compte que 40 000 soldats, dont moins de la moitié sont des unités potentielles de première ligne. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est peu probable que le Belarus se joigne à la guerre en Ukraine. Il a de longues frontières avec les pays de l’OTAN qui ont besoin de protection et, sans activer les réservistes, le nombre de troupes dont il dispose est à peine suffisant à cet effet. Mais un missile Iskander tiré depuis le Belarus peut couvrir toute la Pologne, qui sera désormais la principale zone de concentration de l’OTAN en cas d’escalade.

Avec le soutien de la Russie, le Belarus peut se sentir en sécurité. Pour la Russie, l’État de l’Union signifie qu’elle a obtenu une zone tampon supplémentaire de 500 kilomètres entre les frontières de l’OTAN et Moscou.

Cette décision sera accueillie favorablement en Russie, mais elle ne résout pas tous les problèmes entre la Russie et l’OTAN. L’entrée de la Suède et de la Finlande dans cette organisation mandataire des États-Unis en a créé de nouveaux. C’est la raison pour laquelle le ministre russe de la défense a annoncé aujourd’hui une expansion significative de l’armée russe :

Au cours d’une réunion du ministère russe de la défense mercredi, M. Shoigu a proposé un certain nombre de mesures visant à renforcer la sécurité de la Fédération de Russie, notamment la création d’un groupement spécial de troupes à la frontière nord-ouest du pays et l’expansion des forces armées russes pour atteindre un total de 1,5 million de militaires, dont quelques 695 000 sont des soldats sous contrat.

Les commentaires de M. Shoigu interviennent alors qu’Helsinki et Stockholm ont soumis des offres d’adhésion à l’OTAN, invoquant une menace perçue de la part de la Russie à la lumière de son opération militaire en cours en Ukraine.

Shoigu a ensuite suggéré la création d’un certain nombre de nouveaux groupements militaires, dont cinq nouvelles divisions d’artillerie, huit régiments d’aviation de bombardement et un régiment de chasseurs, ainsi que six brigades d’aviation militaire.

Auparavant, l’armée russe comptait environ 1 million de soldats. Au total, il s’agit d’une augmentation très importante, avec une grande puissance de frappe. Une telle croissance des effectifs et l’acquisition des équipements nécessaires prendront au moins cinq ans.

Je doute sérieusement que l’OTAN soit en mesure de l’égaler.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

   Envoyer l'article en PDF