La « guerre sourde » entre Kiev et le Donbass va continuer, pour l’instant sans s’intensifier


Par Andrew Korybko – Le 11 septembre 2018 – Source orientalreview.org

Andrew Korybko

Andrew Korybko

Le temps écoulé depuis l’assassinat d’Alexandre Zakharchenko nous le révèle : cet événement n’a pas déclenché la relance des hostilités conventionnelles entre Kiev et les Républiques du Donbass que certains avaient craint sur le moment ; ce qui bien sûr, ne signifie pas que les commanditaires de ce crime ne l’aient pas souhaité.

Petro Porochenko

On peut reconnaître aux autorités de Donetsk d’avoir gardé la tête froide et d’avoir pratiqué la retenue, de par leur choix de n’avoir pas pris de mesures de réplique envers Kiev, à qui la majorité des observateurs imputent le crime, non sans l’aide de Washington. Cela ne signifie pas qu’aucune réponse n’est à attendre, mais plutôt que celle-ci relèvera sans doute encore à ce stade du registre de la « guerre sourde ».

Autre point à garder à l’esprit, l’assassinat a été pensé pour maintenir une atmosphère de peur et de suspicion dans les rangs des rebelles, et pour porter un coup à la foi que la population a dans les autorités. Dontesk s’est retrouvée forcée à connaître une transition soudaine dans son gouvernement, et ce dans la situation la plus difficile, et il reviendra aux nouvelles autorités de stabiliser la situation sur le front local avant de pouvoir envisager une quelconque réponse conventionnelle, comme le redémarrage d’un conflit à grande échelle contre Kiev. Les armées rebelles ont conservé leur état de vigilance malgré la crise politique qui a secoué leur république auto-proclamée, ce qui a empêché le gouvernement central de tirer parti militairement de la situation ; ce n’est pas à cela que Kiev s’attendait.

Le calendrier marqué par l’assassinat de Zakharchenko mérite également que l’on s’y attarde : l’événement coïncide avec la prochaine cérémonie d’ouverture de l’assemblée générale de l’ONU ce mois-ci, dans laquelle Porochenko pourrait faire usage de son pupitre pour tâcher de rallier l’Occident contre la Russie et les rebelles. Cela constitue une raison supplémentaire pour laquelle une réponse conventionnelle à cet assassinat serait soumise à une surveillance accrue, elle se verrait dénommée « agression » et exploitée pour modeler de nouvelles sanctions, qui pourraient certes se voir promulguées sous n’importe quel autre prétexte relevant de la guerre de l’information, mais pour lesquelles la Russie préfère rester aussi éloignée que possible de la guerre civile ukrainienne, au moment où elle commence timidement son rapprochement avec la France et l’Allemagne, ses partenaires de l’accord de Minsk.

De fait, il se pourrait même que la Russie fasse usage de ses canaux de communication avec les rebelles du Donbass pour les inciter à retenir toute réaction militaire imprudente en réponse à la provocation terroriste, comprenant bien que toute réponse conventionnelle dans les circonstances présentes (c’est le mot clé) ne ferait qu’ajouter des cartes aux jeux des USA et de Kiev. Au risque de nous répéter, cette évaluation de la situation n’est pas du tout à considérer comme gravée dans le marbre, il faut plutôt la prendre comme la perception qu’a la Russie de la situation internationale à ce moment précis, et que le résultat dans un futur proche en sera probablement une poursuite de la « guerre sourde » entre Kiev et les républiques du Donbass, et pas une intensification de ce conflit outre mesure.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le 7 septembre 2018

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

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