Par Moon of Alabama – Le 14 septembre 2022
Les médias « occidentaux » sont euphoriques à propos de la contre-attaque ukrainienne « réussie » dans l’oblast de Kharkov.
Les forces ukrainiennes reprennent des villages clés alors que la contre-offensive progresse, écrit le Washington Post. Le New York Times explique comment l’Ukraine a pris de l’élan contre la Russie et s’est emparée d’un carrefour critique. Encore le WaPo : Les renseignements indiquent un tournant potentiel dans la guerre en Ukraine. Nouvelles d’Ukraine : Dans les villes reconquises, les Ukrainiens racontent une retraite russe effrénée, titre le NYT. La Russie est-elle en fuite ? s’interroge The Economist.
Tout le monde se laisse prendre à croire que l’avancée rapide des Ukrainiens a provoqué une défaite russe. Ce n’est pourtant pas le cas.
Les principales forces russes avaient déjà quitté la région. Il ne restait que des sentinelles de la République populaire de Louhansk et quelques compagnies de la Garde nationale russe, qui est plus ou moins une force de police. C’est pourquoi le responsable « occidental » qui s’est entretenu avec Reuters est assez prudent dans son évaluation :
« Il y a un débat en cours sur la nature du retrait russe, cependant il est probable qu’en termes strictement militaires, il s’agisse d’un retrait, ordonné et sanctionné par l’état-major, plutôt que d’un effondrement pur et simple. »
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« Évidemment, ça a l’air vraiment dramatique. C’est une vaste étendue de terrain. Mais nous devons tenir compte du fait que les Russes ont pris de bonnes décisions en raccourcissant leurs lignes et en les rendant plus défendables, et en sacrifiant des territoires pour ce faire« , a déclaré le fonctionnaire, ajoutant qu’il ne s’attendait pas à ce que la Russie cherche immédiatement à regagner les territoires perdus.
La principale raison pour laquelle la Russie s’est accrochée à Izium, au sud-est de Kharkov, était de l’utiliser comme tremplin pour attaquer Sloviansk et Kramatorsk le long de l’autoroute M-03. Cependant, au cours des derniers mois, plusieurs tentatives russes de traverser la rivière Siverski Donets au sud et à l’est d’Izium et d’établir une tête de pont sur le côté sud ont échoué.
Situation à la fin du mois d’août, avec Izium dans le coin supérieur gauche :
Les Ukrainiens étaient bien établis dans la « forêt de Sherwood » du côté sud et avaient déjoué toutes les tentatives des forces russes de s’installer durablement dans la région. (Selon Yves Smith, Alexander Mercouris avait fait cette remarque et prédit un retrait russe d’Izium dans l’une de ses émissions avant le début de la « contre-offensive » de Kharkov). J’avais moi-même manqué ce point.
La région, qui est peu peuplée (Izium avait une population d’environ 40 000 habitants avant la guerre), a peu de valeur ajoutée. Les forces russes qui s’y trouvaient peu après le début de la guerre ont été retirées au fil du temps pour être affectées à d’autres zones.
Selon le colonel Markus Reisner, de l’armée autrichienne, l’Ukraine a utilisé six brigades complètes (vidéo) dans son attaque. Si les chiffres du ministère russe de la Défense sont à moitié exacts, les forces ukrainiennes ont perdu plus de 4 000 soldats, soit près de deux brigades, lors de l’attaque. Ces troupes ont couru dans des zones que l’artillerie russe avait préenregistrées. Elles ont reçu tirs de missiles après tirs de missiles et ont été détruites.
Les forces aériennes russes ont causé des dommages supplémentaires. Des centaines de chars et de véhicules blindés que l' »Ouest » avait livrés à l’Ukraine ont été détruits. Les discours sur les importantes pertes matérielles russes et sur les milliers de Russes faits prisonniers de guerre n’ont aucun sens.
Un article du Washington Post cite aujourd’hui une organisation partisane en « source ouverte » au sujet des pertes :
Selon les estimations préliminaires de Jakub Janovsky, analyste militaire et contributeur au décompte des pertes en matériel du blog Oryx, la Russie a perdu 40 chars, 50 véhicules d’infanterie, 35 véhicules blindés et deux avions à réaction.
Cependant, d’autres journalistes du Washington Post ont examiné les preuves :
Selon Hodges, l’équipement laissé sur place dans la vidéo correspond à environ une compagnie de chars, qui est généralement équipée de 10 ou 11 chars.
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Une autre vidéo, prise le long d’une rue du centre d’Izyum, montre un obusier automoteur 2S19 Msta abandonné. Le système ne présente pas de signes évidents de mise hors service.
D’autres images prises à Izyum montrent des dégâts plus importants sur les équipements militaires russes, indiquant qu’ils ont été touchés lors de la bataille. Un véhicule blindé est visible dans une station-service de la ville, avec des impacts de balles, des brûlures et des pneus dégonflés.
Les forces ukrainiennes ont publié une vidéo montrant la coque d’un TOS-1A, un lance-roquettes multiple, sous son surnom de « Solntsepyok« .
Compte tenu de l’immensité des zones, cela ne ressemble pas à des pertes importantes. Les affirmations des services de renseignements britanniques selon lesquelles la 1ère armée de chars de la Garde a été détruite lors de l’attaque sont grotesques. La 1ère Garde a l’équivalent d’environ 20 brigades avec quelques centaines de chars et de véhicules blindés dans chacune d’elles. Ses unités n’étaient même pas dans la région lorsque l’attaque a eu lieu.
Comme Larry Johnson l’a expliqué, la planification du retrait d’une grande zone prend du temps. La décision russe de se retirer de la région de Kharkov a dû être prise avant le lancement de la contre-attaque ukrainienne. Ils savaient qu’elle allait être lancée. Depuis la mi-août, la carte de déploiement établie par Military Land montrait de fortes formations de chars au sud et à l’ouest de la région d’Izium. Les Russes rapportaient quotidiennement des attaques contre ces unités et d’autres. Dima, de la chaîne Military Summary, les avait mentionnées à plusieurs reprises.
Lorsque la contre-attaque a eu lieu, les forces russes se sont repliées sur le côté est de la rivière Oskol et sont maintenant protégées par celle-ci. À l’extrémité sud, près de Lyman, la rivière Siverski Donets est utilisée pour couvrir les forces russes. Ce sont des positions fortes, difficiles à attaquer, qui peuvent être tenues par une force limitée.
Situation actuelle :
Je m’attendais à ce que la Russie attire les forces ukrainiennes en attaque pour ensuite les diviser. Mais elle n’avait pas les forces, ou l’intérêt, de le faire maintenant. Elle a plutôt ordonné un retrait. L’utilisation de l’artillerie et des forces aériennes pour attaquer les forces ukrainiennes alors qu’elles étaient encore sur les routes, attaquant un ennemi qui n’était plus là, s’est avérée être une bonne décision.
Le colonel Reisner, dont le lien figure ci-dessus, affirme que la première « contre-offensive » dans le sud contre Kherson a été un échec majeur qui a coûté de nombreuses vies ukrainiennes. Un autre professionnel militaire, le lieutenant-colonel (retraité) Daniel Davis, est d’accord :
Lorsque Poutine a fait de la capture du Donbass son objectif principal, le Kremlin a mené ce que l’on appelle des missions d' »économie de force » au nord, autour de Kharkiv, et au sud, près de Kherson. L’objectif des missions russes dans le nord et le sud était d’utiliser le moins de troupes possible pour maintenir les FAU immobilisées, afin qu’elles ne puissent pas déplacer davantage de troupes vers le Donbass pour résister à l’offensive russe dans cette région. La Russie a ensuite aminci encore plus ses défenses à la fin du mois d’août afin de déployer davantage de troupes pour se défendre contre l’offensive médiatisée, sur le point de commencer près de Kherson.
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Les troupes russes supplémentaires à Kherson semblent avoir aidé les forces de Moscou à infliger de lourdes pertes aux assaillants ukrainiens dans la région de Kherson, mais ont affaibli de manière fatale les défenses russes dans la région de Kharkiv.
Lorsque les troupes ukrainiennes ont choqué les défenseurs russes au début de l’offensive de Kharkiv, les Russes ont commencé à céder rapidement du territoire. Non seulement il leur restait peu de troupes dans la région, mais ces troupes étaient principalement des volontaires. Moscou a commencé à envoyer frénétiquement des renforts pour tenter d’endiguer la marée, mais l’Ukraine a avancé plus vite que la Russie ne pouvait mettre des renforts en place. Les dirigeants russes ont été confrontés à un dilemme : ordonner à leurs troupes de contester chaque mètre de territoire pour tenter de gagner du temps pour l’arrivée des renforts, ou évacuer la zone et préserver leurs effectifs pour de futurs combats.
Ils ont choisi la seconde solution. Non seulement la Russie a cédé Izyum sans combattre, mais elle a ensuite évacué la quasi-totalité du territoire qu’elle occupait au nord de Kharkiv jusqu’à la frontière russe, soit au total 3 000 kilomètres carrés, qui sont repassés sous contrôle ukrainien. Nombreux sont ceux qui, en Occident, saluent ce geste qui prouve que l’Ukraine est en passe de gagner la guerre et qui pourrait même entraîner la chute de Vladimir Poutine. Un peu de contexte pourrait être utile avant de porter des jugements aussi catégoriques.
Daniel Davis affirme que « Moscou a commencé à envoyer frénétiquement des renforts pour tenter d’endiguer la marée« . Il doit faire référence à la vidéo, publiée par les Russes, qui montre des forces aéromobiles blindées débarquant dans d’énormes hélicoptères Mi-26. Mais le colonel Reisner affirme que ces hélicoptères ont atterri à l’est de la rivière Oskol. Les troupes qu’ils transportaient ne sont jamais allées au combat dans la région de Kharkov. La vidéo des hélicoptères était une tromperie car il n’y avait plus rien à renforcer dans la région de Kharkov.
Davis conclut :
L’Ukraine a probablement dépensé la majeure partie de sa puissance de frappe dans ces offensives jumelles, subi de nombreuses pertes et aura besoin d’une reconstitution et de remplacements considérables avant de pouvoir aller beaucoup plus loin (selon certaines informations, une attaque ukrainienne de moindre envergure pourrait être en préparation à Ougledar [au sud-ouest de Donetsk], mais à ce jour, aucune ne s’est concrétisée).
Je m’attends également à une nouvelle attaque ukrainienne dans le sud de la région du Donbass. Mais les forces russes y auraient été renforcées par le nouveau 3e corps russe. Il s’agit de quelque 30 à 50 000 vétérans russes appelés à former une nouvelle formation. Ils seront probablement capables de résister à tout ce que l’Ukraine pourra leur envoyer.
Ajout :
Yves vient de publier un article sur l’aspect plus politique des choses. Scholz continue d’être l’un des personnages les plus sombres de ce jeu :
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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