La CIA et d’autres préparent une nouvelle résistance afghane contre les talibans


Par Moon of Alabama – Le 14 mai 2021

Le 9 septembre 2001, Ahmad Shah Massoud, le commandant d’un front anti-taliban dans le nord de l’Afghanistan, était tué par deux kamikazes. Massoud, d’ethnie Taijik, avait combattu contre l’occupation soviétique, puis contre des seigneurs de guerre rivaux et enfin contre les Talibans. Massoud et les groupes sous son commandement contrôlaient moins de 10 % de l’Afghanistan. Ils étaient financés par les services secrets américains, français et britanniques. (Amrullah Saleh, le chef du renseignement de Massoud, avait reçu une formation de la CIA à la fin des années 1990).

Après le 11 septembre, la CIA et les forces spéciales américaines ont rencontré les alliés de Massoud, leur ont donné beaucoup d’argent pour engager davantage de combattants et ont soutenu leur marche sur Kaboul par des frappes aériennes massives. Deux mois plus tard, les talibans battaient en retraite, en rentrant chez eux ou se retirant au Pakistan. Les États-Unis ont installé les différents seigneurs de guerre et criminels qui avaient combattu sous Massoud comme nouveau gouvernement.

C’était une erreur. C’est le comportement criminel de ces seigneurs de guerre qui avait conduit le public à soutenir la prise de pouvoir des talibans. L’installation au gouvernement des chefs de guerre qui avaient pillé le pays garantissait le retour des talibans.

En 2006, les talibans étaient de retour. Depuis lors, ils ont repris le contrôle de plus de la moitié de l’Afghanistan. Malgré l’énorme puissance de feu « occidentale » utilisée par les États-Unis et leurs alliés, ils n’ont trouvé aucun moyen d’empêcher le rétablissement du pouvoir des talibans. Finalement, le président Trump a négocié un cessez-le-feu avec eux qui permettait aux États Unis de se retirer d’Afghanistan sans subir de nouvelles pertes.

Hier, les derniers soldats américains ont quitté l’aéroport de Kandahar, autrefois la plus grande base américaine du sud de l’Afghanistan :

Les États-Unis ont achevé leur retrait de l'aérodrome de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan, qui était autrefois la deuxième plus grande base militaire du pays pour les forces américaines, ont indiqué des responsables vendredi.

La province de Kandahar était le berceau des talibans et a connu ces derniers mois d'intenses affrontements entre les militants résurgents et les forces afghanes.

Des frappes aériennes américaines ont été lancées depuis la base la semaine dernière pour aider les forces afghanes à repousser une offensive majeure des talibans.

"Ils ne nous ont pas officiellement remis la base, mais je peux confirmer qu'ils l'ont quittée mercredi", a déclaré Khoja Yaya Alawi, porte-parole de l'armée afghane à Kandahar.

"Ils ont remis toutes les installations aux forces afghanes", a ajouté Massoud Pashtun, le directeur de l'aéroport de Kandahar.

Ce retrait d’Afghanistan ne convient pas à la CIA et aux autres services secrets. Ils savent que les talibans vont bientôt écraser le gouvernement afghan et régner à nouveau sur le pays. Mais ils veulent garder un pied en Afghanistan pour continuer leurs ingérences et agir contre divers ennemis présumés, qu’il s’agisse de l’Iran, du Pakistan ou de la Chine. Il y a aussi le commerce de la drogue qui permet à l’agence d’obtenir des fonds hors comptabilité.

Ils envisagent donc maintenant de revenir à la situation de septembre 2001 et de recommencer :

Les agences d'espionnage occidentales évaluent et courtisent des dirigeants régionaux extérieurs au gouvernement afghan qui pourraient être en mesure de fournir des renseignements sur les menaces terroristes longtemps après le retrait des forces américaines, selon des responsables américains, européens et afghans. ...

Parmi les candidats envisagés aujourd'hui pour la collecte de renseignements se trouve le fils d'Ahmad Shah Massoud, le célèbre combattant afghan qui a mené la lutte contre les Soviétiques dans les années 1980, puis contre les talibans en tant que chef de l'Alliance du Nord la décennie suivante. Le fils - Ahmad Massoud, 32 ans - a passé ces dernières années à essayer de faire revivre l'œuvre de son père en rassemblant une coalition de milices pour défendre le nord de l'Afghanistan.

Les Afghans, les Américains et les Européens affirment qu'il n'y a pas de coopération officielle entre M. Massoud et les services de renseignement occidentaux, même si certains ont tenu des réunions préliminaires. Si la C.I.A. et la D.G.S.E. française s'accordent à dire qu'il pourrait fournir des renseignements, les avis divergent quant à savoir si M. Massoud, qui n'a pas fait ses preuves en tant que dirigeant, serait capable de commander une résistance efficace.

Pourquoi diable les services secrets « occidentaux » veulent-ils une « résistance efficace » contre le régime taliban en Afghanistan ? Pourquoi, après plus de 40 ans, ne peuvent-ils pas, au moins pour une fois, arrêter de mettre le bazar dans ce pays ?

Massoud junior a fait ses études en Iran et en Grande-Bretagne :

Après avoir terminé ses études secondaires en Iran, Massoud a suivi pendant un an un cours militaire à l'Académie militaire royale de Sandhurst. En 2012, il a commencé un diplôme de premier cycle d’études sur la guerre au King's College de Londres, où il a obtenu sa licence en 2015. Il a obtenu son master en politique internationale à la City, Université de Londres, en 2016.

Sandhurst et Kings College peuvent donner une bonne éducation quand on se prépare à être un caniche de haut niveau pour l’ancien empire. Mais ils ne permettent pas de diriger qui que ce soit en Afghanistan. Contrairement à son père, Massoud junior n’a jamais combattu dans une guerre ou même contre un chef de guerre concurrent. Il n’a aucune crédibilité dans la rue.

Pourtant, certains responsables « occidentaux » veulent soutenir Massoud dans la nouvelle guerre civile qu’il envisage :

Les différents gouvernements et responsables alliés ont des opinions différentes sur M. Massoud et la viabilité de son mouvement. Les Français, qui étaient des partisans dévoués de son père, considèrent que ses efforts sont pleins de promesses pour organiser une véritable résistance au contrôle des Talibans.

David Martinon, l'ambassadeur de France à Kaboul, a déclaré qu'il avait observé M. Massoud de près au cours des trois dernières années et l'a désigné pour un voyage à Paris afin de rencontrer des dirigeants français, dont le président. "Il est intelligent, passionné et c'est un homme intègre qui s'est engagé envers son pays", a déclaré M. Martinon.

Washington est plus divisé, et certains analystes du gouvernement ne pensent pas que M. Massoud soit capable de construire une coalition efficace.

Malgré cela, quelqu’un le finance secrètement :

Ces derniers mois, la rhétorique de M. Massoud s'est durcie, s'en prenant au [président Ashraf] Ghani lors d'une récente cérémonie à Kaboul, et ses efforts pour obtenir un soutien international sont devenus plus agressifs. En plus de tendre la main aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France, M. Massoud a courtisé l'Inde, l'Iran et la Russie, selon des personnes au fait de ses démarches. Des documents des services de renseignement afghans suggèrent que M. Massoud achète des armes - par le biais d'un intermédiaire - à la Russie.

Les services « occidentaux » n’ont-ils rien appris au cours des 20 dernières années ? Quel est le but du financement d’une résistance contre les Talibans ? Quel est, s’il vous plaît, l’état final souhaité pour l’Afghanistan et est-il même théoriquement réalisable ?

Nous pouvons ne pas aimer la façon dont les talibans vont diriger l’Afghanistan. Mais ils se sont avérés être la seule force capable de créer un environnement quelque peu stable et pacifique pour les habitants de ce pays.

Pourquoi ne pouvons-nous pas juste en rester là ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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