Par Moon of Alabama – Le 24 avril 2023
La semaine dernière, nous avons appris un nouveau fait concernant la fuite de courriels du Comité national démocrate (DNC), en 2016, et les événements qui ont probablement conduit au meurtre de Seth Rich.
Une page Wikipedia assez agressive traite du meurtre de Seth Rich :
Le meurtre de Seth Rich a eu lieu le 10 juillet 2016 à 4h20 dans le quartier de Bloomingdale à Washington, D.C. Rich est mort environ une heure et demie après avoir reçu deux balles dans le dos. Les auteurs n’ont jamais été appréhendés ; la police soupçonne qu’il a été victime d’une tentative de vol.
Âgé de 27 ans, Rich était un employé du Comité national démocrate (DNC), et son meurtre a donné naissance à plusieurs théories du complot de droite, notamment la fausse affirmation, contredite par les services de police qui ont enquêté sur le meurtre, selon laquelle Rich aurait été impliqué dans la fuite des courriels du DNC en 2016. Elle a également été contredite par l’inculpation, en juillet 2018, de 12 agents du renseignement militaire russe pour avoir piraté les comptes de messagerie et les réseaux de responsables du Parti démocrate, ainsi que par la conclusion de la communauté du renseignement américain selon laquelle les fuites de courriels du DNC faisaient partie de l’ingérence de la Russie dans les élections américaines de 2016. Des sites web de vérification des faits comme PolitiFact, Snopes et FactCheck.org ont déclaré que ces théories étaient fausses et sans fondement. Le New York Times, le Los Angeles Times et le Washington Post ont écrit que la promotion de ces théories du complot était un exemple de « fake news« .
Or, ce n’est pas ce qui s’est réellement passé.
Oui, Seth Rich travaillait comme administrateur informatique pour le Comité national démocrate. Il était un partisan de Bernie Sanders. Pendant les primaires de 2016, les fonctionnaires du DNC ont fait de leur mieux pour travailler contre Bernie Sanders et pour Hillary Clinton. Pour rendre cela public, Seth Rich a rassemblé une archive de tous les courriels du DNC, l’a copiée sur une clé USB et a cherché quelqu’un qui les publierait.
MISE A JOUR 20:00 UTC
L’ancien ambassadeur britannique Craig Murray a déclaré que la clé USB lui avait été remise par l’intermédiaire d’un lanceur d’alerte Démocrate dégoûté et qu’il l’avait apportée de Washington DC à Wikileaks, qui a fini par publier les courriels. Les données en question provenaient non seulement du DNC, mais aussi du président du bureau de campagne de Clinton, John Podesta :
WikiLeaks a rendu publics les messages du DNC en juillet et les courriels incriminés de Podesta ont été publiés en octobre. Les messages montrent essentiellement que les responsables de la DNC étaient déterminés à saboter la campagne présidentielle de Bernie Sanders en faveur d’Hillary Clinton. Murray a insisté sur le fait que les informations avaient été divulguées et non piratées par la Russie.
« Aucune des fuites ne provient des Russes. La source avait un accès légal aux informations. Les documents proviennent de fuites internes, pas de piratages […] les auteurs des fuites étaient motivés par le dégoût face à la corruption de la Fondation Clinton et le fait que les élections primaires aient été défavorables à Bernie Sanders« .
/Fin de la mise à jour/
Craig Murray n’a pas mentionné Seth Rich. Jusqu’à la semaine dernière, nous ne savions pas si Seth Rich avait réellement pris contact avec Wikileaks.
Mais nous savions que le DNC n’avait jamais été « piraté » par la Russie. La date et l’heure des fichiers ayant fait l’objet d’une fuite correspondent à une copie locale et ne correspondent pas à un transfert sur l’internet. La société Crowdstrike, qui a été engagée pour protéger les réseaux du DNC et qui a mené une enquête sur l’affaire, n’a jamais observé de véritable piratage « russe » ni d’exfiltration de données du réseau de la DNC. Comme l’a écrit ITwire en mai 2020 :
La société de sécurité américaine controversée CrowdStrike, qui a été appelée à enquêter sur le prétendu piratage russe des serveurs du DNC en 2016, n’avait aucune preuve que des courriels du système avaient été exfiltrés malgré les affirmations publiques à ce sujet, selon la transcription d’une interview publiée par le gouvernement américain il y a quelques jours.
La transcription provient d’un entretien mené avec Shawn Henry, président des services et responsable de la sécurité de CrowdStrike, par le Comité permanent du renseignement de la Chambre des représentants des États-Unis en décembre 2017, mais n’a été communiquée qu’au conseiller spécial Robert Mueller, qui a mené une enquête pendant deux ans sur la collusion présumée de la Russie lors du scrutin présidentiel de 2016.
Alors que l’exfiltration des courriels du serveur de la DNC a été acceptée comme un fait avéré, les réponses de Henry aux questions des membres de la commission montrent clairement que ce n’était absolument pas le cas.
Lors d’un échange typique, on a demandé à Henry : « Qu’en est-il des courriels dont tout le monde est si bien informé ? Y avait-il également des indicateurs montrant qu’ils avaient été préparés, mais pas de preuve qu’ils avaient effectivement été exfiltrés ? » Ce à quoi Henry a répondu : « Il n’y a pas de preuve qu’ils ont été exfiltrés. Il y a des preuves circonstancielles – mais aucune preuve qu’ils ont été réellement exfiltrés.«
PolitiFact, Snopes et FactCheck.org se sont, sans surprise, trompés dans leurs affirmations.
Mais comment les courriels se sont-ils retrouvés entre les mains de Julian Assange, de Wikileaks ? Assange ne l’a jamais expliqué. Mais Wikileaks a offert une récompense de 20 000 dollars pour trouver l’assassin de Seth Rich. Il était donc évident qu’il y avait un lien entre les deux, mais personne n’a donné d’autres explications.
Il a fallu attendre la semaine dernière pour que le monde en apprenne davantage sur ce qui s’est réellement passé. Le 21 avril, Pekka Kallionniemi, un activiste de l’OPANO plutôt piquant, a lancé sur Twitter une attaque contre une personne bien connue dans les milieux de l’informatique :
Pekka Kallioniemi @P_Kallioniemi – 10:09 UTC – Apr 21, 2023
Dans le #vatniksoup d’aujourd’hui, je vais vous présenter un entrepreneur germano-finlandais, théoricien du complot et propagandiste, Kim Dotcom. Il est surtout connu pour ses activités et projets illégaux en ligne, pour sa haine envers les États-Unis et pour son soutien indéfectible à l’impérialisme de Poutine.
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[…]
En 2017, Dotcom a affirmé avoir travaillé avec Seth Rich, un citoyen américain et employé du Comité national démocrate qui a été assassiné lors d’un vol présumé. Sa mort a engendré…
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…plusieurs théories du complot affirmant qu’il s’agissait d’un lanceur d’alerte qui avait divulgué des documents accablant Hillary Clinton et son directeur de campagne, John Podesta. L’opération de piratage et de fuite a en fait été menée par le groupe de pirates informatiques du service de renseignement russe GRU, appelé Fancy Bear.
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Mais qui est Kim Dotcom ?
Kim Dotcom (né Kim Schmitz ; 21 janvier 1974), également connu sous les noms de Kimble et Kim Tim Jim Vestor, est un entrepreneur Internet germano-finlandais et un activiste politique qui vit à Glenorchy, en Nouvelle-Zélande.
…
Dotcom est le fondateur et l’ancien PDG du défunt service d’hébergement de fichiers Megaupload (2005-2012). En 2012, le ministère de la justice des États-Unis a saisi le site web de Megaupload et a engagé des poursuites à l’encontre de Dotcom, notamment pour violation du droit d’auteur, blanchiment d’argent, racket et fraude électronique. À l’époque, Dotcom résidait en Nouvelle-Zélande ; à la demande des autorités américaines, la police néo-zélandaise a effectué une descente à son domicile en 2012 et l’a arrêté. Dotcom a payé une caution et, depuis, il a entamé une procédure judiciaire pour éviter d’être extradé vers les États-Unis.
…
En 2017, Dotcom a joué un rôle dans la diffusion de théories du complot sur le meurtre de Seth Rich.
En mai 2017, le Washington Post écrivait :
Lorsque le compte Gmail de Seth Rich a reçu cette semaine une alerte de Mega.com, tentant de créer un nouveau compte sur un site web créé par l’homme d’affaires néo-zélandais et pirate informatique condamné Kim Dotcom, sa famille a su que quelque chose ne tournait pas rond.
En sept jours de frénésie, Dotcom est devenu l’un des principaux promoteurs de la théorie selon laquelle Rich, employé du Comité national démocrate abattu près de son domicile dans le nord-est de Washington l’été dernier, aurait fourni des documents du Comité national démocrate à WikiLeaks et aurait été tué pour cette raison. De nombreux analystes en sécurité et une enquête du FBI ont établi un lien entre la diffusion des documents et des pirates informatiques ayant des liens avec la Russie. La police de Washington a déclaré à plusieurs reprises qu’elle pensait que Rich avait été tué lors d’une tentative de vol.
Selon les experts et la famille de Rich, l’invitation envoyée par courriel par welcome@mega.nz semble être une tentative d’accès à la messagerie électronique de Rich. Joel Rich, qui surveille le compte Gmail de son fils décédé lorsque de nouveaux courriels arrivent, n’a pas cliqué sur le lien. Dotcom ne travaillait plus chez Mega depuis des années, mais il promettait sur Twitter de prouver que le jeune Rich avait été en contact avec WikiLeaks – et l’animateur de Fox News Sean Hannity avertissait ses 2,37 millions d’abonnés Twitter d’être prêts à une révélation.
Hannity avait invité Dotcom à participer à son émission pour ce qu’il avait déclaré sur Twitter être une interview « #GameChanger« . Le sous-entendu : Dotcom allait enfin fournir des preuves de son affirmation selon laquelle Rich avait envoyé des documents internes du DNC à WikiLeaks avant sa mort.
Tout cela a commencé à s’effondrer mardi après-midi lorsque Fox News a rétracté un article qui affirmait le même lien entre Rich et WikiLeaks, expliquant aux lecteurs que l’article n’avait pas été « initialement soumis au degré élevé d’examen éditorial que nous exigeons pour tous nos reportages« . Fox News n’a pas répondu à une demande de commentaire, mais Dotcom a écrit sur son site web qu’il ne s’exprimerait plus sur ses allégations.
Depuis lors, Kim Dotcom n’a plus donné signe de vie. Il n’a pas expliqué pourquoi il avait été impliqué dans l’affaire Seth Rich.
Mais après que l’attaque de Pekka Kallionniemi a été largement retweetée, Kim Dotcom l’a contestée :
Kim Dotcom @KimDotcom – 0:41 UTC – Apr 22, 2023
🧵 L’intimidation de l’OPANO dénoncée
Je réponds à une tentative d’assassinat de personnage par le troll de l’OPANO @P_Kallioniemi qui se targue d’avoir attaqué plus de 150 » acteurs et propagandistes pro-russes. »
Son problème est qu’il a choisi la mauvaise personne pour sa cyberintimidation.
Qui est Pekka ? Un chercheur à l’université de Tampere en Finlande et un autoproclamé expert en désinformation. C’est ironique, car la plupart des affirmations qu’il a formulées dans son attaque contre moi sont fausses. J’ai tagué le doyen de l’université de Tampere @SaariJuho pour l’informer de l’intimidation de Pekka par la NAFO.
Tout d’abord, je suis en bonne compagnie, car parmi les personnes que Pekka a intimidées sur Twitter figurent @ggreenwald, @mtaibbi, @rustyrockets et @jimmy_dore. Aucun d’entre eux n’est un « propagandiste russe » ou un « escroc cherchant à se faire de l’argent facile » comme le prétend Pekka. Ce sont des révélateurs de vérité, comme moi.
Fausse affirmation 1 : Kim a été expulsé de Thaïlande vers l’Allemagne.
Vérité : Je n’ai jamais été expulsé de Thaïlande. Je suis parti volontairement.
[…]
Fausse déclaration 6 : Dotcom a prétendu avoir travaillé avec Seth Rich.
Vérité : Seth Rich m’a contacté et m’a proposé des informations sur le DNC. J’ai refusé de recevoir les données personnellement et je l’ai transmis à un proche de Wikileaks. C’est ainsi que Wikileaks a obtenu les fuites sur le DNC et Hillary Clinton.
Faux argument 7 : L’opération de piratage et de fuite (du DNC) a été menée par les services de renseignement russes.
Vérité : Une analyse médico-légale des données du DNC ayant fait l’objet d’une fuite, réalisée par d’anciens responsables des services de renseignement américains, a prouvé qu’elles n’avaient pas été transférées à distance. Les métadonnées montrent que les fichiers ont été transférés localement.
La partie soulignée en gras est importante car c’est la première fois que nous apprenons :
- qu’il existait un lien direct entre Seth Rich et Wikileaks.
- Pourquoi Kim Dotcom s’est impliqué dans l’affaire Seth Rich après que ce dernier a été tué.
Vous pouvez dire que la première affirmation n’est pas nouvelle, car beaucoup l’avaient supposée. Mais aucune personne impliquée n’avait jamais fait cette déclaration publiquement. En revanche, l’affirmation de Kim Dotcom selon laquelle il y aurait eu un lien entre lui et Seth Rich est nouvelle.
Après avoir contacté Kim Dotcom, Seth Rich a été orienté vers une autre personne proche de Wikileaks. Wikileaks a finalement demandé à Craig Murray de prendre l’avion pour Washington et de lui apporter les fichiers. Les courriels du serveur Clinton ont été publiés par Wikileaks en mars 2016. Les courriels du DNC ont été publiés en juin et juillet 2016. Les courriels de Podesta ont été publiés en octobre 2016.
J’espère que Kim Dotcom écrira un jour la séquence complète des événements liés à Seth Rich et à la publication par Wikileaks des fuites concernant Clinton, Podesta et le DNC.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.