Par Caitlin Johnstone – Le 7 juillet 2023
John Bolton a écrit un article publié par The Hill intitulé « L’Amérique ne peut pas permettre l’expansion militaire chinoise à Cuba » qui, par inadvertance, explique exactement ce qui ne va pas avec la façon dont l’empire américain continue d’amasser des forces par procuration lourdement armées aux frontières de ses grands ennemis asiatiques.
Citant un rapport du Wall Street Journal du mois dernier dans lequel des fonctionnaires américains anonymes affirmaient que La Havane avait entamé des négociations avec Pékin en vue d’un éventuel futur centre d’entraînement militaire commun à Cuba, Bolton affirme que les États-Unis doivent recourir à toute forme de rétorsion nécessaire pour empêcher la construction de ce centre, jusqu’à une intervention militaire dans le but d’y changer le gouvernement en place.
« L’éventualité d’installations chinoises importantes à Cuba constitue une menace pour l’Amérique« , écrit Bolton, qui estime que de telles activités « pourraient bien camoufler des armes offensives, des systèmes de tir ou d’autres capacités menaçantes« . « Par exemple, les missiles de croisière hypersoniques, plus difficiles à détecter, à suivre et à détruire que les missiles balistiques, sont des candidats naturels à l’installation à Cuba, une perspective que nous ne pouvons tolérer, tout comme de nombreux autres risques, tels qu’une base de sous-marins chinois« , ajoute-t-il.
Autant d’arguments que la Russie et la Chine pourraient faire valoir, pratiquement mots pour mots, sur la manière dont les États-Unis menacent leurs intérêts en matière de sécurité en installant des machines de guerre dans leur environnement immédiat.
Soutenant que les États-Unis ne sont « liés par aucun engagement limitant un recours à la force« , Bolton préconise « la révocation des relations diplomatiques avec Cuba, l’augmentation des sanctions économiques à l’encontre de la Chine et de Cuba et une mise en œuvre beaucoup plus stricte des sanctions existantes » comme réponse immédiate à ce développement, préconisant une intervention pour y changer le régime comme solution ultime au comportement désobéissant de Cuba.
« Si les présidents Eisenhower ou Kennedy avaient agi avec plus de force et d’efficacité contre Castro, nous aurions pu éviter de nombreuses crises périlleuses durant la guerre froide, nous épargnant ainsi des décennies de préoccupations stratégiques, sans parler de la répression du peuple cubain« , écrit Bolton, qui ajoute : « Avec la menace croissante de Pékin, nous ne devrions pas manquer le moment présent sans reconsidérer sérieusement la manière de remettre cette île géographiquement critique entre des mains plus amicales venant de son propre peuple« .
Bolton note aussi que Guantanamo Bay « reste entièrement à notre disposition aujourd’hui » pour toute opération que les États-Unis choisiraient de mettre en œuvre pour renverser le gouvernement de La Havane.
Il s’agit du même John Bolton qui, en 2002, accusait mensongèrement Cuba d’avoir un programme d’armes biologiques dans le but d’entraîner l’île dans la même poussée guerrière qu’il alimentait, [parmi bien d’autres néoconservateurs, NdT] avec une agressivité extrême pour pousser les États-Unis à attaquer l’Irak.
Chaque fois qu’il y a le moindre murmure d’une puissance étrangère établissant une présence militaire à proximité de Washington, les va-t-en-guerre commencent immédiatement à battre les tambours de la guerre et à exposer l’hypocrisie de l’empire américain qui insiste sur son droit à former des alliances militaires et à amasser des forces par procuration aux portes de ses rivaux géopolitiques. Les apologistes de l’empire rejettent toujours les réclamations de la Russie et de la Chine, quand elles disent que les empiètements militaires américains dans leur environnement constituent un risque inacceptable pour leur sécurité, en rétorquant qu’aucune nation n’a le droit à une « sphère d’influence » dans laquelle ses ennemis n’auraient pas le droit de pénétrer. [ Dans le genre « C’est le droit de l’Ukraine de rentrer dans l’OTAN », « c’est le droit de Taiwan de s’armer », NdT]
Au début de l’année, le sénateur Josh Hawley a posé une question inquiétante à son auditoire : « Imaginez un monde où les navires de guerre chinois patrouillent dans les eaux hawaïennes et où les sous-marins chinois rôdent le long des côtes californiennes. Un monde où l’Armée populaire de libération dispose de bases militaires en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Un monde où les forces chinoises opèrent librement dans le golfe du Mexique et l’océan Atlantique« . C’est pourtant exactement le jeu que l’armée américaine joue avec la Chine.
La chose la plus stupide que l’empire américain nous demande de croire est que l’encerclement militaire de ses deux principaux rivaux géopolitiques est une action défensive, plutôt qu’un acte d’agression extrême. L’idée que l’encerclement militaire de la Russie et de la Chine par les États-Unis est un acte de défense plutôt que d’agression est si manifestement idiote que quiconque y réfléchit de manière suffisamment critique la rejetterait immédiatement pour l’absurdité écervelée qu’elle est, et pourtant, à cause de la propagande, c’est le récit dominant dans le monde occidental, et des millions de personnes l’acceptent comme étant la vérité.
US presidential candidate Marianne Williamson when asked about reports of China helping train Cuban troops:
"Do you know how many military bases we have surrounding China? 313. Americans need to wake up."
I actually didn't know it was SO many. Insane…https://t.co/OLt6v34Q4K
— Arnaud Bertrand (@RnaudBertrand) July 4, 2023
L’intérêt de mettre en évidence l’hypocrisie n’est pas que le fait d’être hypocrite constitue un crime particulier en soi, mais de montrer que l’hypocrite ment sur ses motivations et son comportement, et de démonter les arguments qu’il avance pour défendre ses positions. Si les États-Unis interprètent une présence militaire chinoise à Cuba comme une provocation incendiaire, alors logiquement la présence militaire bien plus importante que les États-Unis ont amassée aux frontières de la Russie et de la Chine est une provocation bien plus importante selon ce même raisonnement, et les États-Unis le savent. Il n’existe aucun argument contraire qui ne reposerait pas sur des affirmations du type « oui, mais nous avons le droit de le faire« .
Exiger que la Russie et la Chine tolèrent de la part des États-Unis un comportement que les États-Unis ne toléreraient jamais de la part de la Russie ou de la Chine, c’est simplement exiger que le monde se soumette à l’empire américain. Ceux qui affirment que la Russie aurait dû tolérer que l’Ukraine devienne un membre de l’OTAN ou que la Chine devrait accepter l’encerclement militaire des États-Unis, au nom de la liberté et de la démocratie, ne font en réalité qu’affirmer que les États-Unis devraient être autorisés à régner sans partage sur chaque centimètre carré de la planète.
Et si vous voulez vraiment que les États-Unis dominent chaque centimètre carré de cette planète de manière totalement incontestée, alors n’essayez pas de me dire que vous vous préoccupez des peuples d’Ukraine, de Taïwan ou de n’importe quel autre pays. Ne me pissez pas sur la jambe en me disant qu’il pleut. Soyez juste honnête sur ce que vous êtes et sur votre position.
Caitlin Johnstone
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.