Guerre Hybride 8. L’Afrique de l’Atlantique Sud – Angola 2/2


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Par Andrew Korybko – Le 10 février 2017 – Oriental Review

Complot contre l’Angola

Hybrid Wars 8. South Atlantic AfricaAyant constaté que l’Angola est un pays stable et fiable qui fait des efforts pour prendre le leadership à la fois en haute mer (le SLOC Lusophone) et à l’intérieur du continent (sa participation au RDC et son rôle de terminal du STAR), on peut conclure que le pays est bien en voie de devenir une pierre angulaire de la multipolarité en Afrique. Malgré les risques structurels encore présents dans son économie en raison de sa dépendance excessive aux exportations d’énergie en terme de revenus, le pays a, dans l’ensemble, conservé la trajectoire positive des vainqueurs de la guerre civile du MPLA.

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Isabel dos Santos

Même si le vieux président Jose Eduardo dos Santos n’a pas d’héritiers politiques clairs, il est possible que sa fille Isabel, femme d’affaire milliardaire (qui est également la femme la plus riche d’Afrique et l’actuelle patronne de la compagnie pétrolière d’État Sonangol), puisse prendre les rênes et assurer la continuité stratégique qui, dans ce cas, renforcerait la position russe en Angola en raison du fait qu’elle est née en URSS d’une mère de souche russe et conserve sans doute une attitude positive envers sa patrie maternelle. Comme on peut prédire que l’influence de Moscou ne fera que continuer à augmenter au sein de ce pays avec celle de la Chine, les États-Unis pourraient chercher à exploiter sa réserve de proxies sur le terrain, issus de plusieurs années de guerre froide dans ce pays pour encourager une série de guerres hybrides à la base d’une contre-attaque.

En ce qui concerne la menace toujours présente d’une Révolution de couleur, éventuellement précédée ou en coordination, elle pourrait prendre la forme de la relance d’une insurrection de l’UNITA, du séparatisme de Cabinda et du révisionnisme du Royaume du Kongo.

UNITA 2.0

Contexte

Ce groupe rebelle de l’ère portugaise n’a jamais cessé de se battre après le départ des colonialistes, tournant ses fusils sur ses rivaux du MPLA qui étaient alors à la tête du pays nouvellement indépendant. Cela a immédiatement jeté l’Angola dans les affres de la guerre civile avant qu’il ait même eu une chance de connaître la paix. L’UNITA a été largement soutenue par les États-Unis et l’Afrique du Sud de l’apartheid, alors que le MPLA a été soutenu par l’URSS et Cuba, qui a mené une intervention militaire dramatique de plusieurs années en envoyant des dizaines de milliers de troupes pour aider son allié socialiste assiégé en Afrique. La guerre civile entre l’UNITA et le MPLA s’est poursuivie même après la fin de la guerre froide, bien qu’au milieu des années 1990, les États-Unis aient officiellement désavoué leurs proxis seigneurs de la guerre et se soient joints au reste du CSNU pour les sanctionner pour violation des accords de cessez-le-feu.

Cela a marqué un tournant dans la guerre civile et pourrait avoir été influencé par l’acceptation par les États-Unis que l’UNITA ne gagnerait pas et qu’il serait beaucoup mieux pour Washington de faire équipe avec le MPLA au lieu de s’y opposer infructueusement en soutenant le côté perdant. Les États-Unis ont peut-être souhaité un accès fiable au vaste secteur pétrolier angolais. Est-ce que oui ou non, cela a été la motivation de la décision de renoncer à l’UNITA ? Cela s’est avéré justement favorable à Washington pendant plus de deux décennies. Suite à la neutralisation par l’armée angolaise du fondateur de l’UNITA, Jonas Savimbi, en 2002 et à la fin de la guerre civile cette année, les États-Unis ont supprimé les sanctions contre le groupe de guérilla qui s’est alors légalement transformé en parti d’opposition. Mais leur soutien diplomatique au gouvernement lors des dernières étapes de la guerre et leur abandon de l’UNITA ont conduit à une percée dans les relations bilatérales qui s’est manifestée le plus clairement dans le secteur de l’énergie avec la déclaration de 2009 d’un « dialogue de partenariat stratégique ».

Politiques énergétiques

Les États-Unis sont aujourd’hui le deuxième plus grand marché d’exportation de pétrole d’Angola seulement derrière la Chine, et l’État de l’Atlantique Sud est la 10e source d’importation des États-Unis en mai 2016. En outre, lorsque l’industrie de fracturation hydraulique domestique des États-Unis a sous-performé dans le passé, Washington a opté pour le remplacement d’une partie de sa production perdue par une augmentation des importations angolaises. Les deux pays sont évidemment très proches dans ce domaine, mais il est clair que la relation n’est pas assez intégrée pour les États-Unis, car le pays serait irrémédiablement endommagé si elle était perturbée. Cela pourrait signifier que quelles que soient les motivations de l’Angola qui ont permis aux États-Unis de devenir leur deuxième acheteur de pétrole, cet état de choses ne garantit en aucun cas que le pays soit protégé d’une déstabilisation soutenue par les Américains. Il est vrai que l’opportunité de fournir aux États-Unis une source de pétrole de secours fiable a été avantageuse pour les deux parties – les États-Unis ont pu diversifier leurs importations alors que le parti au pouvoir du MPLA d’Angola pouvait « faire le beau » avec son ancien ennemi et apporter des recettes nécessaires directement à partir de la source du dollar – mais rien dans cette relation ne peut être remplacé par un autre acteur, comme les États-Unis qui dépendent encore plus du Nigeria que la Chine de l’Angola, par exemple.

Ni l’un ni l’autre côté n’ « a besoin » de l’autre, même si leur partenariat énergétique est pour l’instant un accord gagnant-gagnant qui pourrait durer indéfiniment tant que les États-Unis le souhaitent. Il n’y a pas de raison raisonnable pour que les États-Unis veuillent changer cette relation, sauf dans le cas où la production nationale de fracturation hydraulique reprendrait et que les importations angolaises ne seraient plus nécessaires à leur niveau actuel. Mais même alors, les USA seraient sans doute plus enclins à simplement diminuer leurs achats sans renverser le gouvernement. Toutefois, lorsqu’elles sont analysées d’un point de vue stratégique plus large, les relations américaines avec l’Angola sont positives (notamment dans le secteur de l’énergie). Elles n’ont pas suffisamment d’influence pour que Luanda utilise ses exportations vers la Chine comme instrument de pression des Américains contre Pékin. Par conséquent, en dehors de la loi déjà présumée des motivations de la guerre hybride pour déstabiliser l’Angola comme un moyen de perturber le projet multipolaire d’infrastructures transnationales connexes (STAR) en cours d’exécution à travers son territoire, l’autre raison que les États-Unis ont pour cela est de créer une occasion pour voir une force politique alliée s’emparer du pouvoir et exercer par la suite une influence indirecte américaine sur la principale source africaine de pétrole de la Chine.

En soi, ce n’est pas un coup de grâce contre Pékin, mais combiné avec d’autres guerres hybrides liées à l’énergie dans le monde entier, cela pourrait contribuer à élaborer un avenir où les États-Unis, sous une forme ou une autre, acquièrent le pouvoir de perturber, de contrôler et d’influencer la plupart des sources d’énergie de la Chine à l’étranger. Ce qui, dans ce cas, donnerait à Washington un effet de levier impensable sur Pékin, et cela pourrait même se finir par une Nouvelle Guerre froide avec une victoire unipolaire. C’est pourquoi les États-Unis pourraient chercher à appuyer une deuxième insurrection de l’UNITA en Angola – non pas pour « voler » le pétrole en lui-même, mais pour y imposer un certain contrôle pour pouvoir le refuser à ses concurrents à l’avenir. On retrouve le même schéma pour expliquer, entre autre, la raison pour laquelle les États-Unis ont lancé la guerre contre l’Irak. Derrière les polémiques rhétoriques sur la « démocratie » et les « armes de destruction massive », l’une des justifications de la realpolitik n’était autre que la réorganisation géostratégique du Moyen-Orient pour permettre aux États-Unis, ou à un gouvernement allié, de contrôler directement ou indirectement le pétrole de leurs rivaux. Cette guerre, de ce point de vue, n’a pas donné les résultats escomptés pour un large éventail de raisons. En dépit d’un échec coûteux de l’affaire irakienne [6 000 milliards de dollars, NdT], le « raisonnement » stratégique derrière la guerre est encore attractif pour les esprits des décideurs de l’État profond américain qui pensent jeu à somme nulle, ce qui explique pourquoi ils peuvent être tentés de mener une guerre hybride en Angola.

Le déclencheur de l’insurrection

Les circonstances les plus réalistes dans lesquelles l’UNITA pourrait tenter de revenir sur la scène de la politique intérieure devraient évidemment se faire après la mort ou la démission du président dos Santos. Cela parce que la Constitution de 2010 stipule que le président n’est plus élu directement par le vote populaire, mais que c’est le chef du parti gagnant aux élections parlementaires qui assume immédiatement ce poste. On s’attend à ce que le transfert de pouvoir de dos Santos à son futur successeur serve de catalyseur au déclenchement d’une Révolution de couleur planifiée poussée par des revendications pour un « vote démocratique » et autre rhétorique libérale et progressiste au rabais conçue pour être facilement manipulable par une colère populaire contre les autorités. Peu importe que ce soit dirigé contre des épouvantails comme Isabel sa fille ou peut-être même un apparatchik du parti au pouvoir, car ce qui est important, c’est que l’UNITA et ses alliés pro-occidentaux affiliés travailleront dur pour canaliser l’énergie « pré-fabriquée » de la société civile afin d’améliorer leurs chances de se saisir « démocratiquement » du pouvoir.

Inutile de dire que le gouvernement ne fera pas une exception à la Constitution uniquement pour plaire à l’opposition, donc il est peu probable qu’il rétablira les élections présidentielles. Mais, suivant les circonstances de la succession de Dos Santos (s’il meurt inopinément en poste ou s’il entame une transition progressive en matière de leadership), il pourrait y avoir des élections législatives anticipées (ce qui conduirait à son tour à un nouveau président). L’UNITA n’a aucune chance de les gagner, même si elle essaiera de manière agile de surfer sur la vague de mécontentement social au milieu de la crise économique (sur les produits énergétiques) en cours afin de stimuler son précédent score de 18% en 2012. Malheureux de ne pas gagner la présidence, certains de ses membres peuvent alors utiliser la défaite du parti et les élections indirectes à ce poste comme « justifications » pour retourner dans la brousse et mener une insurrection de bas niveau pour laquelle ils espèrent bien sûr recevoir un gros soutien américain (directement reconnu ou indirectement et secrètement fourni). Il est plus que probable que ce sera le cas, mais il ne semble pas prévisible que les États-Unis à l’heure actuelle, consacrent trop de ressources ou d’attention à une telle campagne sauf pour garder une option sur le feu pour y revenir à l’avenir si le besoin subjectif se présente (comme la possibilité d’un grand bazar contre la Chine pour perturber son approvisionnement énergétique angolais et le projet STAR).

Afin de ne pas être mal interprété, l’auteur ne prédit pas nécessairement que l’UNITA reprendra les armes, mais postule plutôt le scénario sous lequel cela pourrait être possible. En tout état de cause, on ne s’attend pas à ce que la deuxième insurrection de l’UNITA ressemble à celle de la RENAMO du voisin lusophone, le Mozambique. Les deux groupes rebelles diffèrent pour pas mal de raisons, dont la plus importante est que le fondateur de l’UNITA a été tué en 2002, tandis que le chef le plus en vue de la Guerre froide de la RENAMO continue à vivre, à mener son groupe et à se battre. Un autre facteur qui ne peut être négligé est que l’UNITA ne contrôle ni ne revendique aucun territoire physique malgré son histoire de soutien dans les régions de l’Est (où il peut revenir en cas de deuxième conflit, contrairement à la RENAMO qui opère dans six provinces et contrôle des portions de territoire hors de la portée des forces gouvernementales. Le dernier point à mentionner sur ce sujet est que l’Angola est déjà un géant de l’énergie tandis que le Mozambique n’est qu’en devenir sur ce plan. En conséquence, Luanda dispose de beaucoup plus d’argent pour acheter des armes ultramodernes, ce qui renforcerait considérablement sa capacité à défendre sa souveraineté et à mener des opérations antiterroristes contre les insurgés futurs de l’UNITA. Maputo, relativement plus pauvre, n’est pas assez fort pour faire tout cela et se trouve donc dans une position beaucoup plus vulnérable et plus facilement exploitable.

Crises du séparatisme de la Cabinda

Contexte

L’enclave de la Cabinda (mal dénommée « enclave » par l’organisation séparatiste principale) n’est qu’une infime partie du territoire et de la population de l’Angola, mais elle produit de façon disproportionnée 60% du pétrole du pays. Luanda ne laissera jamais ce territoire s’autonomiser, quoi qu’il arrive, mais cela n’a pas empêché certains d’essayer de se battre pour l’indépendance. Le Front pour la libération de l’enclave de la Cabinda (FLEC) dont on a parlé plus tôt au sujet de la République du Congo est le principal groupe rebelle opérant dans la province et il est formé de plusieurs organisations insurgées qui se sont réunies en 1963 pour optimiser leurs efforts afin d’atteindre l’objectif commun de leur future souveraineté.

Perspectives

De leur point de vue, la petite province tellement riche en pétrole se voit refuser ce que certains locaux estiment être leur juste part du produit des recettes, qui est plutôt envoyé à Luanda et divisé entre les autres provinces beaucoup plus pauvres. Le FLEC souligne l’identité et l’unicité historique de la Cabinda par rapport au reste du pays et le fait que le territoire a été brièvement administré directement par le Portugal comme une colonie séparée. Ils insistent sur le fait que si les recettes pétrolières étaient concentrées en Cabinda, moins d’un million de citoyens qui habitent leur futur pays deviendraient inimaginablement riches et atteindraient le développement socio-économique dont ils se sentent privés depuis des décennies. Sous l’angle opposé, les autorités angolaises considèrent la Cabinda comme une partie intégrante de leur pays et une source de richesse irremplaçable pour l’État dans son ensemble. Elles pourraient soutenir de façon convaincante que les ressources de l’enclave ont contribué à la modernisation et au développement dans tout le pays, profitant ainsi au plus grand bien de la nation angolaise par opposition à seulement une poignée de personnes sur un petit bout de terre.

Escalades

Indépendamment de savoir quel côté est « juste » au sens normatif dans ce conflit, objectivement parlant, une recrudescence de l’activité séparatiste militante cabindaise, pour quelque motif que ce soit, aurait le potentiel le plus immédiat pour déstabiliser l’État. L’Angola dépend beaucoup trop de la Cabinda pour ne pas être touché par une vague de violences qui y règnerait, et même si les plates-formes pétrolières sont lointaines et apparemment intouchables, cela ne signifie pas que les perturbations dans la partie continentale de la province n’auraient pas d’impact sur sa contrepartie maritime. Il suffirait d’une ou de quelques attaques de piraterie ou de missiles visant un ou plusieurs des nombreux investissements énergétiques offshore occidentaux en Angola pour créer la panique parmi la communauté concernée et engendrer une répression militaire immédiate et sévère. L’État reconnaît à juste titre que l’instabilité à l’intérieur de la jungle pourrait ainsi conduire à l’inévitable excroissance du conflit sur la côte, c’est pourquoi ils ont absolument besoin de contenir toute violence qui pourrait éclater et l’empêcher d’interférer avec l’extraction de l’énergie au large de l’Angola.

Il existe déjà des preuves qu’une nouvelle vague d’insurgés est sur le point de frapper la Cabinda, comme en témoignent les attaques surprises de la FLEC contre l’armée angolaise à la fin juillet 2016. Selon les séparatistes, ils ont tué neuf soldats du gouvernement et blessé 14 autres dans une embuscade dans la jungle, et ils ont également demandé aux travailleurs pétroliers internationaux de quitter la province. Il s’agit d’une déclaration d’intention claire indiquant que des plans sont déjà en cours pour une offensive rebelle ou un retour à la guérilla dans un futur proche, même si les entrepreneurs étrangers resteront probablement à leur poste et ne suivront pas l’appel de la FLEC. Il semble inévitable que certains d’entre eux seront pris en otage, kidnappés ou tués dans le cadre d’une poussée dramatique qui attirerait l’attention dans la région. Même avec l’augmentation des armées privées et de la sécurité fournie par l’État angolais, les travailleurs pétroliers, leurs chantiers et les casernes sont trop d’objectifs secondaires pour être adéquatement protégés à tout moment, donc l’Angola et ses partenaires doivent se préparer à la possibilité que les civils soient pris sous le feu croisé d’un nouveau conflit sécessionniste cabindais.

Internationalisation

Dans les circonstances actuelles, nationales et régionales, l’armée angolaise est plus que capable de faire face à une nouvelle insurrection cabindaise, mais si celle-ci atteint son apogée parallèlement à d’autres crises dans le pays, comme une révolution de couleur au cours des élections législatives l’été prochain (et par extension indirecte les présidentielles), les autorités pourraient être dépassées et prises au dépourvu. En outre, si les États-Unis réussissent une opération de changement de régime en République du Congo (étant donné que son plus récent coup d’éclat a échoué) ou en RDC voisine, l’un ou l’autre de ces pays pourrait passer sous le contrôle de régimes clients influencés par l’Amérique et « manipulés dans l’ombre », qui deviendraient ainsi des participants à la campagne militante pour l’indépendance de la Cabinda. Cela permettrait non seulement d’accroître les chances de succès des rebelles, que ce soit pour parvenir à leur indépendance, pour attirer l’armée angolaise dans un bourbier ou pour constituer un territoire « libéré » (peu importe sa taille), mais cela pourrait aussi déboucher sur des violences inter-étatiques entre Luanda et l’un des deux gouvernements voisins qui fournirait une aide au FLEC. Cela aurait pour conséquence d’internationaliser la crise sécessionniste et de compliquer fortement l’ascension pacifique de l’Angola au leadership régional.

Révisionnisme du royaume Kongo

Contexte

Le dernier scénario de guerre hybride en Angola est le moins susceptible de se produire à court terme, mais il pourrait être le plus déstabilisant s’il survenait soudainement au milieu d’une révolution de couleur, d’une seconde insurrection de l’UNITA, d’une intensification de la campagne séparatiste cabindaise ou d’une combinaison de celles-ci. Pour l’expliquer, il faut savoir qu’environ 8% des Angolais sont d’origine Bakongo, la plupart étant concentrés dans les provinces septentrionales du Zaïre (qui est côtière et dotée de réserves de pétrole offshore et d’une installation de traitement de GNL) et dans la province d’Uige où ils forment une majorité de la population. Ces deux régions faisaient autrefois partie du Royaume pré-colonial du Kongo, qui s’étendait également à la Cabinda, dans la province du Bas-Congo de la RDC, et des régions de la République du Congo (composées pour moitié de Bakongos).

Concept fondateur

Il est très difficile pour les observateurs extérieurs de mesurer le sentiment d’identité transnationale que ces populations éprouvent et leur potentiel de politisation dans un mouvement séparatiste, mais on peut généralement supposer que les ONG dirigées par des étrangers joueront un rôle dans la consolidation de ce sentiment pour le manipuler en vue de gains géopolitiques. L’un des points de départ les plus probables de la campagne d’information sur les armes du nationalisme Bakongo serait l’expérience historique du groupe rebelle du Front national pour la libération de l’Angola (FNLA) pendant la période de la guerre civile. Cette organisation a joué un rôle beaucoup moins important que celui de l’UNITA, mais il est néanmoins pertinent dans ce contexte de rappeler qu’il a réuni de nombreux Bakongos sous une bannière militante partagée. Associée à la mémoire historique du Royaume Kongo, la FNLA sert d’outil politico-militaire pour actualiser ce projet territorialement révisionniste, qu’il soit organisé dans la région aux trois États ou concentré dans les zones frontalières angolaises-congolaises.

Troubles transfrontaliers

L’auteur n’a pas été en mesure de trouver des informations sur les groupes séparatistes bakongo actifs en Angola (à l’exception de la FLEC, les Cabindans faisant partie de cette civilisation), mais il a repéré pendant toute cette recherche une organisation en RDC comme groupe a surveiller. Le Bundu dia Kongo (BDK) a été impliqué dans plusieurs provocations violentes contre les autorités de Kinshasa et son objectif principal est de créer un État bakongo souverain dans la province du Bas-Congo. Il est évident que cela s’étendrait naturellement à l’Angola, tant dans les provinces du Zaïre et de l’Uige que dans celle de la Cabinda, de sorte que le groupe serait automatiquement considéré comme une menace pour la souveraineté angolaise aux côtés de la RDC. Le BDK est gênant pour les deux États parce qu’il pourrait provoquer un conflit entre eux dans le cas ou ceux-ci combattraient le même réseau allié d’insurgés transfrontaliers interdépendants ou avec le scénario d’une RDC pro-américaine utilisant ce groupe comme un levier par procuration pour déstabiliser l’Angola au nom de l’Amérique.

Scénarios

Les deux possibilités pourraient se produire, la première soit dans les conditions déjà existantes, soit en cas d’effondrement total d’un État (qui sera discuté dans le prochain chapitre sur le pays), tandis que la seconde pourrait se produire si la RDC décidait d’un « fédéralisme identitaire » (que ce soit de sa propre prérogative ou en réponse à une autre guerre civile). Si la reconstitution politique susmentionnée entre en vigueur, on pourrait en déduire que les Bakongos recevraient leur propre mini-État indépendant dans la province du Bas-Congo, qui pourrait servir de tremplin pour le retour du mouvement nationaliste FNLA des Bakongos en Angola. Cela fusionnerait naturellement avec la campagne séparatiste de la Cabinda décrite ci-dessus afin de mettre la plus grande partie de la frontière nord de l’Angola en conflit, compromettant ainsi les recettes pétrolières du gouvernement dans les provinces de Cabinda et du Zaïre. Ironiquement, ce serait un Shaba inversé dans le sens où ce ne seraient pas des rebelles angolais envahissant la province réticente du Katanga au Congo, mais les congolais de la RDC envahissant les frontières des Bakongos en Angola.

Même si le chemin de fer de Benguela ne traverse aucune des zones opérationnelles prévues, il serait probablement utilisé dans ce scénario comme un instrument de chantage par Kinshasa en raison de la future dépendance économique de Luanda sur ce parcours. Cela pourrait amener au blocage total du projet chinois de Route de la Soie trans-continentale pour cette partie de l’Afrique et réaliser l’objectif stratégique de la guerre hybride. En outre, en raison de la proximité de Luanda avec la frontière de la RDC et avec les régions habitées par la majorité Bakongo sur ses propres frontières intérieures, si les forces militaires de la RDC devenaient un jour assez puissantes, au niveau national ou régional comme au Bas-Congo avec le BDK (Guerre Hybride), elles pourraient alors menacer de façon décisive la capitale angolaise sous prétexte de mettre en place une « intervention humanitaire » pour les Bakongos et tenir ainsi indéfiniment, une épée de Damoclès de type changement de régime sur le MPLA. Rien n’indique que cela se produira dans le futur, mais c’est toujours un risque stratégique que les responsables politiques angolais devraient surveiller au cas ou, car les fondements géopolitiques de ce danger ne changeront jamais tant que les frontières et leurs données démographiques corrélées demeureront les mêmes qu’aujourd’hui.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Hervé, vérifié par Julie, relu par Michèle pour le Saker Francophone

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