Guerre de l’information visant l’Iran: les USA déclarent le Hezbollah lié aux cartels


Par Andrew Korybko – le 24 octobre 2018 – source orientalreview.org

andrew-korybkoJeff Sessions, procureur général, a mis en place un groupe de travail d’élite pour enquêter spécifiquement sur les activités conjointes des cartels de la drogue mexicains et du Hezbollah en Amérique.

Cette décision intervient à quelques semaines des élections de mi-mandat de début novembre, et constitue l’une des suites données aux promesses de campagne de Trump quant aux enquêtes sur ces groupes ; mais un facteur différenciant est que les USA considèrent le Hezbollah comme une « organisation terroriste », alors que la Russie ainsi que de nombreux autres pays ne partagent pas cette position. En outre, l’administration américaine en place considère ce mouvement socio-politique du Moyen-Orient à égalité avec le MS-13 et d’autres gangs tristement célèbres de trafic de drogues – ce qui pourrait constituer l’indice que cette administration s’apprêterait à ajuster ses récits dans le cadre de la guerre de l’information pour y faire figurer le Hezbollah comme une soi-disant « menace de guerre hybride » contre les États-Unis, soutenue par l’Iran. La mise en place de ce type de discours coïncide d’ailleurs parfaitement avec la prochaine réimposition de sanctions américaines contre l’Iran.

On avait appris fin 2017 que l’administration Obama avait supprimé l’« Opération Cassandra », qui semble avoir constitué une enquête à large spectre sur les activités du Hezbollah dans l’ensemble de l’hémisphère occidental, et en particulier sur le sol des États-Unis. Que les accusations explorées à l’époque sur les implications du groupe dans le crime organisé soient avérées ou pas, la chose importante est que l’administration Trump semble y croire, ou à tout le moins veut en apporter des preuves aux yeux du public – réelles ou fabriquées. Si cette opération fonctionne, le président Trump pourra en effet « défendre » ses actions de déstabilisation envers l’Iran en invoquant l’excuse confortable des « ingérences » iraniennes dans les affaires intérieures américaines, y compris avant sa propre investiture.

Au delà des considérations rhétoriques et pour en revenir au domaine des politiques réellement applicables, la croisade de Sessions contre les cartels et le Hezbollah a pour but de faire progresser l’agenda « loi et ordre » de l’administration, ce qui pourrait avoir d’immenses retombées bénéfiques sur l’américain moyen si cette campagne résulte effectivement à la mise sous les barreaux de criminels dangereux, quels qu’ils soient. Il ne s’agit pas de montrer du doigt le Hezbollah en particulier comme entité criminelle, ni d’essayer de balayer au vu de la cause qu’il défend les arguments importants qui plaident pour le considérer comme tel, mais simplement que les membres de ce groupe doivent se soumettre aux mêmes lois que tout le monde, et ne devraient pas s’en prendre aux Américains innocents, que ce soit par des crimes financiers, de trafic de drogue, de violence ou autres, dans lesquels le groupe pourrait tremper pour financer son organisation.

Ceci étant dit, il est manifeste que Sessions a des raisons politiques pour cibler le Hezbollah aux États-Unis, où existent nombre d’autres organisations criminelles autrement plus influentes, et pour mettre ce groupe dans le même sac que d’autres, tristement célèbres, à l’image du MS-13 dans le contexte de mise en place de ce nouveau groupe de travail. L’un des motifs principaux de ces actions semble être le projet du gouvernement de populariser la notion qui voudrait que le Hezbollah soit équivalent aux cartels, pour ensuite s’appuyer sur cette narration comme « justification » pour s’ingérer ouvertement dans les affaires intérieures iraniennes, et adopter une approche encore plus stricte à l’égard des activités du Hezbollah au Moyen-Orient. Ces probables décisions politiques s’alignent parfaitement avec les intérêts des Israéliens, qui se considèrent comme existentiellement menacés par l’Iran et par ses alliés du Hezbollah.

Le groupe de travail monté par Sessions va donc servir les intérêts israéliens et américains, et l’on peut s’attendre à voir les deux pays travailler main dans la main dans les enquêtes qui viennent d’être annoncées.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 19 octobre 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

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