Gabegie dans la sécurité des sous-marins nucléaires britanniques

Le 18 mai 2015 – Source Russia Today

Le HMS Victorious à l’amarrage à la base navale de Clyde en Ecosse (Reuters / Danny Lawson)

La Royal Navy a ouvert une enquête sur William McNeilly après qu’il a dévoilé d’effarantes failles de sécurité dans le programme nucléaire britannique Trident, qui font qu’il est plus facile pour un intrus d’accéder à certaines zones sécurisées que de franchir la porte de la plupart des nightclubs.

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Les autorités du Royaume-Uni «s’interrogent sur l’endroit où se trouve actuellement» le lanceur d’alerte âgé de 25 ans, qui s’est absenté sans permission et a coopéré avec WikiLeaks pour poster un rapport détaillé de 18 pages intitulé Les Secrets Nucléaires.

McNeilly, un ingénieur en armement qui aurait servi de janvier à avril de cette année à bord du HMS Victorious, affirme qu’un certain nombre de failles de sécurité et de défauts techniques affectant le vaisseau armé de missiles Trident expose la force de dissuasion britannique à de possibles attaques terroristes susceptibles de «tuer nos gens et détruire nos terres».

D’éventuels agresseurs disposent selon lui d’une «parfaite opportunité d’envoyer des têtes nucléaires s’écraser sur le Royaume-Uni».

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Dans ses révélations, le lanceur d’alerte relève quelques trente failles de sûreté et de sécurité sur les sous-marins Trident qui sont basés au large de Faslane, sur la rivière Clyde, en Ecosse. McNeilly s’est appliqué à souligner la facilité avec laquelle un terroriste potentiel pourrait infiltrer la base sécurisée.

«Lors d’un briefing de sûreté de la base, on nous a dit que des milliers de documents d’identité de la Royal Navy étaient perdus chaque année. Un terroriste peut les utiliser, ou en faire des contrefaçons et gagner facilement accès aux sous-marins. Compte tenu du fait que la plupart des gardes n’y jettent qu’un bref coup d’œil à plusieurs mètres de distance (ou plusieurs pieds [environ 30 cms] exceptionnellement), les faux n’auraient pas besoin d’être parfaits, explique le lanceur d’alerte. J’ai présenté une carte d’accès à ma chambre, voire rien du tout, au moins une fois à chaque point de contrôle», écrit McNeilly.

Un intrus pourrait emporter à l’intérieur d’un bâtiment sécurisé l’un ou l’autre engin électronique privé et tenter de voler des données top secret – voire même des armes et des explosifs, puisque d’après le lanceur d’alerte, les sous-traitants et leur équipement ne sont pratiquement jamais fouillés.

«Vous pouvez transporter n’importe quoi à travers les points de contrôle de sécurité sans que ce soit jamais contrôlé !», dit-il dans le rapport. Les appareils électroniques personnels sont censés être interdits, mais ce n’est jamais appliqué. Vous pouvez emporter n’importe quel appareil électronique à bord… Ils utilisent leurs propres appareils juste à côté des missiles.»

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L’absence de contrôles de sécurité n’était pas due au fait que McNeilly faisait partie du personnel de la Royal Navy, mais parce que «c’était la procédure standard».

«Des centaines de sous-traitants descendent dans le bateau quand il est à quai. Leur équipement n’est pas fouillé et ils ne sont pas palpés. Il suffirait que quelqu’un emporte une bombe à bord pour déclencher la pire attaque terroriste que le Royaume-Uni et le monde aient jamais connue», écrit-il.

Parallèlement aux failles de sécurité flagrantes, le technicien armurier fait la liste d’un certain nombre de problèmes d’équipement, parmi lesquels une infiltration d’eau de mer, un compartiment à torpilles inondé et des toilettes hors d’usage. Ses révélations incluent aussi un compartiment à missile utilisé comme salle de sport et un système de communication qui était difficile à comprendre.

«Il y avait plein d’étiquettes rouges sur le matériel dans la plupart des compartiments où nous nous sommes rendus. J’ai la très nette impression que nombre d’entre elles indiquaient une nécessité de réparation plutôt qu’un signalement de maintenance standard. Constater de visu les conditions de sécurité et d’équipement m’a rendu plus que préoccupé quant à la sécurité des gens», écrit-il.

Cette situation est tellement chaotique que McNeilly affirme que n’importe quel psychopathe peut pénétrer dans le site nucléaire britannique.

«Il ne s’agit que d’une question de temps avant que nous soyons infiltrés par un psychopathe ou un terroriste, dit-il. Certaines personnes avec lesquelles j’ai servi durant cette mission manifestaient clairement des tendances psychopathiques.»

Dans son témoignage, l’ingénieur en armements submersibles, en fuite, affirme également que les tests de lancement de missiles ont échoué à trois reprises durant la durée de son service, ce qui signifie que réussir un lancement semble pratiquement impossible.

«Fondamentalement, ils mettent le public en danger et dépensent milliards sur milliards de l’argent du contribuable pour un système tellement abîmé qu’il ne peut même pas passer les tests qui prouvent qu’il fonctionne», écrit-il.

McNeilly écrit également qu’il y a eu une opération massive de dissimulation d’une collision survenue entre le sous-marin HMS Vanguard et le sous-marin nucléaire français Le Triomphant dans l’Atlantique, en février 2009. Dans son rapport, il cite un officier senior qui se trouvait alors à bord du Vanguard, déclarant : «On a pensé, ça y est, on va tous mourir.»

La Royal Navy a ouvert une enquête sur le rapport de McNeilly, qualifiant ses affirmations de «subjectives and non-fondées», ajoutant que «les sous-marins ne prennent pas la mer sans être complètement sûrs».

Tout en reconnaissant que le rapport de McNeilly «ne pose aucun risque de sécurité pour notre personnel ou nos opérations», le ministère de la Défense n’en collabore pas moins avec la police pour le retrouver.

«La Navy s’inquiète de la localisation et de la santé du matelot McNeilly, et collabore de près avec la police civile pour le retrouver», a communiqué la Navy.
Le lanceur d’alerte, qui n’est pas rentré de sa permission depuis son départ la semaine passée, estime que «la sanction pour avoir dévoilé tout ça sera l’emprisonnement à perpétuité, si j’ai de la chance

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«Ma pire crainte n’est pas la prison ou d’être assassiné, c’est la peur de sacrifier tout ce que j’ai uniquement pour alerter le public et de n’être cependant jamais entendu», a écrit le jeune homme de 25 ans.

Des associations écossaises pour les droits civiques ont salué le geste courageux du marin.

«Il devrait être félicité pour son action, et non traqué par la Royal Navy. Il a révélé le fait que le programme Trident est une catastrophe annoncée – que ce soit en raison d’un accident, d’une action terroriste ou d’un sabotage», a déclaré au Herald John Ainslie, coordinateur de la Campagne écossaise pour le désarmement nucléaire.

Entretemps, le chef de file du SNP à Londres, le parlementaire Angus Robertson, a exigé des explications complètes ainsi que toute mesure de correction appropriée de la part de la Royal Navy.

«Ces révélations, si elles sont exactes, sont extrêmement inquiétantes. Ça se lit comme un catalogue cauchemardesque de graves failles de sécurité, a déclaré Robertson. L’incapacité à suivre des procédures de sécurité standard est inacceptable sur n’importe quel lieu de travail, mais sur un submersible en patrouille équipé de Trident, ça pourrait se terminer par une tragédie extrême, pas seulement pour ceux qui se trouvent à bord ,mais en vérité, pour la planète entière.»

Traduit par Jean-Marc pour le Saker Francophone

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