Freddie Gray serait-il mort s’il avait été Blanc ?


Par Mike Whitney – Le 4 mai 2015 – Source counterpunch

Si vous êtes noir au États-unis, les règles sont différentes.

«Dans sa réponse à la vague de violence policière qui a donné lieu au meurtre de Freddie Gray, le pouvoir politique établi, représenté par le premier président américain noir, s'est montré exactement pour ce qu'il est : corrompu, intéressé, parfaitement hostile aux intérêts et aux souhaits des pauvres et des travailleurs.»

Andre Damon et Joseph Kishore, L'éruption sociale à Baltimore, Maryland

Freddie Gray, âgé de 25 ans, n’est pas mort en essayant de se débattre à l’arrière d’un fourgon de police. C’est un pur mensonge. Il a été tué par des policiers assassins qui étaient déterminés à le faire taire et à lui donner une leçon. C’est ce que je pense. Et c’est pourquoi le rapport officiel de la police n’a pas encore été révélé au public. C’est pourquoi la police nie que le fourgon de police a fait un quatrième arrêt à un «carrefour désert … entouré de maisons vides». C’est aussi pour cela que les enregistrements entre le conducteur et le poste de police n’ont pas été révélés (à chaque fois qu’un officier de police effectue un arrêt, il doit le signaler via la radio). C’est pour cela que le fonctionnaire de police a refusé de répondre aux questions concernant les vidéos prises par le propriétaire de l’épicerie Jung Hyun Hwang, qui avait ses caméras de vidéo surveillance en fonction quand le fourgon de police à fait un dernier arrêt imprévu pendant que Gray était encore dans le fourgon.

Voyez par vous même :

«Le propriétaire du magasin… a répondu à la presse officielle que l’officier de police était venu dans son magasin dans la semaine du 20 avril et ensuite a fait une copie de la vidéo de surveillance.» Depuis, l’enregistrement vidéo original a mystérieusement disparu.

Bien sûr qu’il a disparu, comme toutes les preuves qui ,elles aussi, vont disparaître. Vous vous attendiez à quoi : la justice?

Bien sûr que non. Comme le scénario ridicule «Gray s’est suicidé» qui a déjà été largement discrédité par les experts. Lisez ce qu’en dit le journal Daily Beast :

«Je n’ai jamais vu quelqu’un s’infliger des lésions à la moelle épinière de cette façon, dit Anand Veeravagu, un spécialiste des traumatismes du cerveau et des lésions de la colonne vertébrale au centre médical de l’université de Standford… Il est difficile pour moi d’imaginer comment une personne puisse essayer de se faire ça. Il faudrait concrètement qu’elle se pende elle même dans un véhicule où il n’y a rien pour se pendre», explique t-il.

Veeravagu raconte qu’il n’y a que peu de façon de se blesser ainsi et de causer le type de blessures qui a provoqué la mort de Gray. Il n’y a qu’une seule façon, dit-il, une blessure infligée par un objet tranchant, qui pénètre directement. Soit quelqu’un avec un couteau qui sait exactement ce qu’il fait ou quelque chose d’autre capable de passer au travers, comme une balle de revolver … Quelquefois des personnes essaient de se suicider par pendaison. C’est une des seules façons où j’ai pu constater une fracturation de la colonne vertébrale. Ils poussent la chaise avec les pieds, ils tombent, et ils se brisent le cou. Le résultat est une lésion de la moelle épinière. Mais c’est très difficile de comprendre comment quelqu’un peut se suicider par lésion de la moelle épinière sans utiliser autre chose.

Mais même dans ces cas, dit-il, les patients ne meurent pas souvent de lésions de la moelle épinière.

Et la plupart de ceux qui souffrent de lésion de la moelle épinière – auto-infligée ou non – survivent à leur blessures s’ils sont amenés à temps à l’hôpital .

 Les experts : Il est impossible de se briser la colonne vertébrale comme Freddie Gray, Daily Beast)

La raison pour laquelle il est difficile d’imaginer quelqu’un s’infligeant des blessures à la colonne vertébrale à l’arrière d’un véhicule roulant, c’est parce que ça n’est jamais arrivé. C’est parce que toute cette histoire est une arnaque, un canular, un mensonge, voilà pourquoi.

Et voici autre chose : la vraie raison pour laquelle Gray n’a pas été transporté à l’hôpital, c’est parce que la vie de Gray n’a pas d’importance.C’est aussi simple que ça. S’il avait été blanc, il aurait obtenu le traitement dont il avait besoin parce que les flics auraient été préoccupés par les conséquences. Mais parce qu’il était noir, ils n’ont pas à se préoccuper. Rien n’allait arriver. La hiérarchie les couvrira, les séquences vidéo disparaîtront, les grands manitous des grandes villes concocteront une histoire bidonnée crédible, notre président afro-américain offrira son soutien à nos excellents hommes en bleu, et tout sera oublié. N’est-ce pas toujours ainsi ?

Cela ne veut pas dire que si Gray avait été blanc, il aurait obtenu justice. Bien sûr que non. Il aurait probablement été contraint de négocier une remise de peine à partir d’accusations forgées de toutes pièces qui l’auraient envoyé en taule pour un an ou deux. En d’autres termes, il aurait été maltraité, mais il serait encore en vie, voilà la différence. Ils ne l’auraient pas laissé mourir après lui avoir brisé le cou. Ce genre de traitement est réservé aux Noirs, pas aux Blancs.

Si vous êtes noir en Amérique, les règles sont simplement différentes. Tout le monde le sait. Comme tout le monde sait également que si vous êtes un homme noir, non armé, qui se fait tirer sept fois dans le dos en fuyant un flic avec lequel  il avait établi un contact visuel, eh bien, devinez quoi: vous venez de mourir de causes naturelles, mec!, parce que c’est ça que vous lirez dans les journaux le lendemain. Donc, débrouillez-vous avec ça!

Seulement, cette fois, les gens ne veulent pas juste se débrouiller avec ça. Ils en ont marre et ils veulent que les choses changent. Donc, ils ont envahi les rues à travers le pays pour exprimer leur frustration, leur colère et leur insistance pour que leurs voix soient entendues. Bien sûr, il y a eu un peu de violence, mais alors quoi? Ce n’est rien par rapport à la violence que Gray a subie  quand il a été collé au sol, la tête pliée jusqu’aux genoux, après quoi sa «colonne vertébrale était à 80% coupée au niveau du cou et le larynx écrasé».

Rien à voir non plus avec la violence à laquelle les Noirs urbains sont confrontés quotidiennement dans leurs rencontres avec les flics. Voici un extrait du site internet World Socialist Web :

«Un rapport du journal Baltimore Sun, l’an dernier, a révélé que la ville [de Baltimore] a déboursé $5,7 millions depuis 2011, à cause de poursuites liées à la violence policière.

Les agents ont battu des dizaines de résidents qui ont eu des os cassés : mâchoire, nez, bras, jambes, chevilles, traumatisme crânien, défaillance d’un organe, et même la mort, intervenus lors d’arrestations douteuses.»

Voilà ce que j’appelle la violence, pas quelques fenêtres cassées ou quelques voitures écrasées. Maintenant lisez-ça, publié par Interfluidity :

«En théorie, un processus politique pacifique est la seule bonne façon de résoudre les problèmes de la brutalité et de l’exclusion. Dans la pratique, il n’a pas eu lieu, il ne se produit pas, il n’y a aucun signe que cela va se produire… Les émeutes provoquent un mal sévère, immédiat, c’est une escalade, elles sont violentes, elles sont fondamentalement mauvaises. Pourtant, le fait que les émeutes arrivent parfois, la perspective inconfortable de leur possibilité, a déjà, historiquement créé l’urgence et motivé un changement politique qui est finalement bénéfique, cela peut encore se produire. (Steve Randy Waldman, Interfluidity)

Bien dit, mais ce qui est important à retenir est que la violence à Baltimore n’a pas émergé à partir de rien. Elle a ses racines dans l’injustice. Traitez les gens équitablement et le problème disparaîtra. Utiliser les émeutes comme une excuse pour mettre en œuvre des stratégies loufoques, telles la loi martiale, et récolter la tempête. Voilà le choix, n’est-ce pas?

Et nous savons de quelle manière le gouvernement a choisi de traiter avec elle, par la provocation, l’escalade et l’agression : de la même façon que les États-Unis traitent tous les problèmes. Le gouverneur a déployé deux mille hommes de troupes de la Garde nationale dans les rues pour accompagner les centaines de robocops qui ont transformé le centre-ville de Baltimore en zone de guerre afin qu’ils puissent voir l’efficacité de leurs nouveaux outils pour terrifier le public dans la soumission. Et qui aide le gouverneur et les barons de la ville dans leur répression contre les manifestants?

Les élites de l’établissement noir, ce sont elles. Un article sur le site de World Socialist Web le résume parfaitement :

«Dans sa conférence de presse de mardi, la maire de Baltimore Stephanie Rawlings-Blake a qualifié, à plusieurs reprises, les jeunes exprimant leur colère contre la violence de la police, de voyous en annonçant l’imposition d’un couvre-feu et l’appel à la garde nationale. Elle était flanquée du Chef de patrouille Darryl De Sousa, du président du Conseil municipal Bernard C. « Jack » Young, et du membre du Conseil municipal de Brandon, M. Scott, qui sont tous des noirs, les deux derniers traitant également les manifestants de voyous….

»Dans sa réponse à l’éruption de la violence policière au cours de l’assassinat de Freddie Gray, l’establishment politique noir, dirigé par le premier président afro-américain, s’est montré lui-même exactement pour ce qu’il est : corrompu, égoïste et totalement hostile aux intérêts et aux aspirations des pauvres et des travailleurs, noirs ou blancs. (L’éruption sociale à Baltimore, Maryland , André Damon et Joseph Kishore, World Socialist Web Site).

Sera-t-il un jour rendu justice à Freddie Gray?

Pas question! Les gens qui possèdent ce pays ne le permettront jamais.

Mike Withney vit dans l’État de Washington. Il est contributeur à Hopeless: Barack Obama et la politique de Illusion (AK Press). Hopeless est également disponible dans une édition Kindle. Il peut être atteint à fergiewhitney@msn.com.

Traduit par Pacôme et jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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