Par James Howard Kunstler – Le 4 février 2019 – Source kunstler.com
Il est concevable, dans un pays qui n’arrive absolument plus à se comprendre, que le rapport annuel de M. Trump au Congrès soit aussi incompréhensible que le spectacle à la mi-temps du Superbowl de cette année. Même la météo à Atlanta était un mystère total avec la tête d’affiche, Adam Levine alias Maroon 5, à moitié nu enveloppé de ses tatouages au milieu de feux de joie artificiels, puis l’entrée triomphale du héros rappeur local Big Boi dans une limousine, presque perdu dans ce qui semblait être la peau d’un paresseux géant – une idée qui aurait mûri 8 ans donnant une idée de ce que cela signifie être important. Ou peut-être n’était-ce qu’un code pour les deux côtés du débat sur le changement climatique.
Vous pouvez être sûr que l’atmosphère sera absolument glaciale lorsque le Golem d’or de la grandeur se glissera dans l’allée centrale du Congrès mardi soir. Je ne serais pas surpris si la majorité démocrate lui tournait le dos pendant les préliminaires toujours atroces et sortait de la salle. Ne vous attendez pas non plus aux applaudissements excessifs habituels du propre parti du président, cette fois-ci, dans la grande salle à moitié vide. Ils ne savent pas quoi faire à son sujet en ce moment… ni quoi faire d’eux-mêmes, d’ailleurs.
Le thème courant des discours sur l’état de l’Union (SOTU), qui remontent à Ronald Reagan, est l’Amérique est Formidable, alors attendez-vous à au moins quarante minutes de thérapie sur l’estime de soi nationale, que personne ne croira. Ajoutez à cela dix autres minutes d’histoires sanglotantes sur les « invités spéciaux » en tribunes. Mais laissez un peu de temps à M. Trump pour faire rouler quelques pétards dans les allées. Il doit être au taquet avec tous les ragots qu’on lui a jetés à la figure pendant deux ans.
Le point clé de toute l’histoire sera de savoir à quel point l’économie américaine est fabuleuse. M. Trump a fait des miracles comme Moïse en Égypte. L’économie manufacturière qui a fait la grandeur de l’Amérique dans les années 1950 est de retour (ou pas). Le chômage a été vaincu (ou pas). Nous sommes « indépendants sur le plan énergétique » (ou pas). La hausse du marché boursier, qui s’est répétée une fois de plus, est une preuve de vie pour les perspectives des entreprises américaines (ou pas). Nous avons les meilleurs soins médicaux et une éducation supérieure au sommet des normes internationales (je rigole). Ce serait une surprise pour les gens qui mangent de la nourriture pour chiens avec du ketchup dans les États pauvres du centre, mais ils ne sont pas exactement du genre à écouter Don Lemon et Jeffrey Toobin disséquer le discours après le match.
Suivant la nouvelle tradition d’un contradicteur désigné dans l’opposition au SOTU, la perdante démocrate Stacy Abrams (à la course au poste de gouverneur de la Géorgie en 2018), signalera la vertu et le dévouement de son parti à la politique identitaire, dissimulant son lien obscur avec Wall Street, la machine à arnaquer et avec les faucons de guerre néocons si désireux de fabriquer des États faillis dans des coins du monde trop reculés pour s’en préoccuper. Je suppose qu’elle tentera également de faire revivre l’angle d’attaque de la collusion russe en expliquant comment les élections de 2018 en Géorgie ont été truquées par des forces malveillantes pour empêcher sa victoire.
Mais surtout, Mme Abrams vantera les merveilles de la gratuité des soins de santé et de de l’université pour tous au programme de la prochaine campagne du Parti démocrate en 2020, un glissement de terrain déjà prévisible, avec un avenir confortable et coquet de soins et de partage dirigé par des femmes, plus la promesse d’impôts punitifs à venir pour les super-riches comme M. Trump. Les médias vont avaler. Mme Abrams sera ensuite promue au poste de prochaine vice-présidente. La stratégie du parti est d’obtenir l’adhésion de toutes les électrices américaines ainsi que de l’armée supplémentaire des gens-de-couleurs-et-LBGTQ pour une victoire électorale certaine. J’entends que cela peut fonctionner, mais est-ce une bonne chose que le pays soit littéralement divisé entre un parti de femmes et un parti d’hommes ? Cela me semble être la recette d’une tragédie grecque.
Quoi qu’il en soit, les deux côtés marinent dans la même illusion ces jours-ci. Peu importe ce que M. Trump clamera au sujet de l’économie mardi soir, tout se déroulera à merveille dans les mois à venir. En privé, il le sait probablement, et je suis sûr qu’il se prépare à présider une sorte de plan national de redressement en cas de faillite. Mais même cela n’empêchera pas le train grondant du nirvana « socialiste démocratique » d’advenir. La nouvelle religion de la théorie moderne de la monnaie (TMM) à laquelle ils souscrivent dit que le gouvernement peut dépenser autant d’argent qu’il en a envie parce que, d’une façon ou d’une autre, ils créent l’argent. Bien sûr, c’est Karl Marx sans son humour. Et quand il s’agira vraiment de rouler sur les rails, ce ne sera plus aussi drôle.
Mise à jour le 6 février après le SOTU
Apparemment, la nouvelle classe de congressistes démocrates femmes pense qu’elles sont de retour au collège, puisqu’elles ont toutes décidé de s’habiller de la même façon en costumes blancs austères qui signifiaient… quoi ? Qu’elles viennent d’arriver de la chorale ? Qu’elles sont toutes vierges ? Que tout doit être cru ? Et à propos de quoi ? Tout. Pour sa part, M. Trump, d’une manière maladroite comme à l’habitude, a proposé l’idée, au moins, d’une conciliation, avec une couche d’amour vache. Nancy Pelosi, la « House Speaker », brillait de tourments et de désespoir derrière la tribune, comme si elle jouait un tableau d’Edvard Munch. À en juger par leur comportement, les dames en blanc pensent qu’une politique d’immigration cohérente est la chose la plus ridicule qu’elles n’aient jamais entendu. Il est évident que le Golem d’Or de la Grandeur pense business pour le coup. Il a été clair : « Dix jours ». Chacun campe sur ses positions là-dessus. Et puis il y avait le sénateur Chuck Schumer (D-NY), qui ricanait entre ses doigts – Où est le représentant Preston Brooks quand on a vraiment besoin de lui ? Enfin, l’ancienne législatrice géorgienne Stacey Abrams, qui a donné la soi-disant « réplique » de l’opposition lors du SOTU, a fait son tour de poney pour faire la promotion d’une question qui intéresse les Démocrates : voter tôt et souvent. Je suppose qu’elle n’a pas remarqué que le DNC l’avait déjà fait lors de son congrès de 2016.
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Liens
Dedefensa – Trump : gare au socialisme
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
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