Des soi-disant «défenseurs des droits de l’homme» se réjouissent de la censure de Facebook et Twitter.


Toni Cartalucci, un journaliste basé en Thaïlande que nous avons souvent traduit pour le Saker Francophone vient de voir ses comptes Facebook et Twitter censurés. Des défenseurs des droits de l’homme s’en réjouissent. Serait-ce à cause de cet article ?


Par Joseph Thomas – Le 26 juillet 2019 – New Eastern Outlook

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Tous les comptes Facebook et Twitter associés à l’analyste géopolitique Tony Cartalucci, basé à Bangkok, ont été supprimés. La vigueur avec laquelle ces deux sociétés technologiques basées aux États-Unis sont allées cibler Cartalucci est visible dans un article récent de Reuters.

Écrit par la correspondante thaïlandaise de l’agence, Patpicha Tanakasempipat, l’article intitulé “Facebook supprime des faux comptes thaïlandais, russes, ukrainien, honduriens” et faisant référence au journaliste affirme :

Selon Gleicher, les comptes thaïlandais censurés utilisaient des "personnages fictifs" pour promouvoir des récits sur la politique thaïlandaise, les relations entre les États-Unis et la Chine, les manifestations à Hong Kong et la critique des militants pour la démocratie en Thaïlande.

"Nous avons pu déterminer de manière concluante que certaines des activités de ce réseau étaient liées à un individu basé en Thaïlande et associé à New Eastern Outlook, un site financé par le gouvernement russe et basé à Moscou", nous explique Gleicher.

L’article cite “un comportement inauthentique coordonné” et qualifie l’initiative de résistance à une “propagande politique trompeuse”.

L’article n’explique pas en quoi écrire sous un pseudo serait un “comportement inauthentique” et aucun exemple de ce qui a été considéré comme de la “propagande politique trompeuse” n’a été fourni ni expliqué.

Matthew Tostevin, un correspondant de Reuters également basé en Asie du Sud-Est et dont le profil Twitter invoque sans ironie le hashtag, “le journalisme n’est pas un crime”, a célébré cette censure systématique et coordonnée en déclarant dans un tweet :

Les comptes Facebook et Twitter de "Tony Cartalucci" sont inaccessibles depuis que Facebook a déclaré qu'il avait effacé les comptes d'un réseau lié à "un individu basé en Thaïlande et associé à New Eastern Outlook, un site financé par le gouvernement russe".

Le terme “associé à” est souvent utilisé pour laisser entendre qu’il s’agit d’un problème mais sans le dire vraiment. Dans sa défense de la censure de Facebook-Twitter, Tostevin n’explique pas en quoi le fait d’être payé pour écrire des articles est un problème, surtout si l’on considère que Tostevin lui-même gagne sa vie en faisant précisément cela pour l’agence Reuters de Londres.

Le représentant thaïlandais de Human Rights Watch, Sunai Phasuk, lui-même récipiendaire connu et vérifié de fonds provenant de gouvernements étrangers, a également célébré la censure coordonnée de Facebook et Twitter au lieu de s’y opposer.

Dans son tweet (traduit du thaïlandais), il déclare :

Fin de l'opération OI [opération d'information] ! Facebook et Twitter suspendent les comptes de Tony/Anthony Cartalucci (une source d'informations "minces") ainsi que les comptes connexes pour utilisation d'une fausse identité, diffusion de fausses informations, incitation à la haine envers les partis démocratiques et les militants des droits de l’homme / liés à des OI russes.

Le terme “mince” est un terme péjoratif utilisé par les partisans de Thaksin Shinawatra, un politicien milliardaire évincé, maintenant exilé comme un fugitif et coupable des pires violations des droits humains dans l’histoire thaïlandaise contemporaine.

Sunai montre là un manque totale d’impartialité pour un supposé défenseur des droits de l’homme mais surtout il est publiquement pour une censure de l’information lorsque cette dernière est qualifiée de «fausse» par lui-même et ses sponsors étrangers.

Quant à l’argument de l’utilisation d’une “fausse identité», Cartalucci lui-même a souvent expliqué ces dernières années que le nom de Toni Cartalucci n’est qu’un nom d’emprunt qui lui permet de garder un certain anonymat, comme beaucoup d’auteurs avant lui l’ont fait, en particulier ceux écrivant sur des sujets sensibles.

De Reuters aux employés de Human Right Watch, les tentatives de s’en prendre à Cartalucci, comme à tous ceux présentant un point de vue différent, sont en train de devenir une inquiétante tendance.

Que Facebook et Twitter censure les comptes d’auteurs anonymes ne fait que limiter une liberté d’expression qui serait pourtant censée être défendu par des « défenseurs des droits de l’homme » comme Sunai prétend l’être.
D’autres encore se félicitent de la censure des comptes de Cartalucci, comme le correspondant de la BBC, Jonathan Head.

Facebook et Twitter ont ciblé de nombreux autres individus ou sites internet alternatifs, en utilisant souvent l’accusation d’être «sponsorisé par la Russie» pour diffamer leur cible et justifier la censure. Par contre, si un gouvernement étranger ciblé par les États-Unis cherchaient à censurer des journaux, ils seraient qualifiés d’ «autoritaires» et accusé de «pratiquer la censure»

Une telle hypocrisie au sujet de la liberté d’expression, la liberté d’information et la censure est l’écho de la grande hypocrisie qui habite la politique étrangère occidentale.

Par exemple crier à “l’agression iranienne” alors que ce sont les États-Unis qui entourent l’Iran de bases militaires construites dans des pays illégalement envahis et maintenant occupés, ou quand les États-Unis protestent, sans fondements, contre des interférences russes sur sa politique intérieure alors qu’ils subventionnent publiquement des mouvements d’opposition ciblant le gouvernement de Moscou.

Les comptes d’organisations ou d’individus du monde occidental comme ceux de Reuters, la BBC ou Human Right World, coupables de diffuser de la fausse information au sujet des «armes de destruction massive» irakiennes, l’interférence russe dans les élections étasunienne, l’utilisation de gaz sarin en Syrie ou cachant les interférences occidentales dans la politique intérieure de nations du monde entier, non seulement ne sont jamais ciblés par les campagnes de Facebook ou Twitter contre les «fausses informations» mais sont même favorisés dans ce monde de l’information si concurrentiel où les médias alternatifs étaient en train de remettre en question leur monopole sur l’information.

Facebook et Twitter vont tous les deux souffrir sévèrement des tentatives de contrôler les flux d’information. La recherche de plates-formes alternatives est faite non seulement par les activistes politiques persécutés mais aussi par un nombre croissant d’individus ordinaires que sentent bien que ces deux médias sociaux sont devenus trop intrusifs.

Cartalucci va sûrement continuer à écrire et ceux qui vont rester sur Facebook et Twitter vont continuer à faire la promotion de ses articles. Tout ce à quoi va aboutir cette expulsion d’individus et d’organisations des médias sociaux va être d’accélérer la recherche pour des plates-formes alternatives.

Puisque Facebook et Twitter ne veulent pas parler des faiblesses et erreurs fondamentales de la politique étrangère occidentale que des gens comme Cartalucci abordent et qui a attiré de la censure de ces plates-formes, cette censure ne sera qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Au pire, elle ne fait que retarder l’inévitable fin d’une guerre de l’information qu’aucun média social (ni les intérêts qu’ils représentent) n’est en train de gagner.

Joseph Thomas

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

 

 

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