Des « locaux » de Hong Kong made in Washington


Par Joseph Thomas – Le 7 septembre 2016 – Source New Eastern Outlook

Les médias occidentaux se sont réjouis des maigres gains réalisés dans de récents sondages, par ce qu’ils ont décrit comme des «militants anti-Chine» du mouvement  «local», des groupes politiques à Hong Kong qui préconisent  «lindépendance» à l’égard de la Chine.

Au Royaume-Uni, l’ancien administrateur colonial de Hong Kong, la BBC rapportait dans son article (Hong Kong election : Anti-China activists set to take LegCo seatslections à Hong Kong : les militants anti-Chine emportent des sièges au Conseil législatif) :

Les résultats préliminaires indiquent qu’une nouvelle génération de militants anti-Chine a gagné des sièges au Conseil législatif de Hong Kong.

Parmi eux, Nathan Law, l’un des jeunes leaders des manifestations massives en faveur de la démocratie de 2014, est maintenant sur la bonne voie pour gagner un siège de circonscription.

C’est un avant-goût de pouvoir politique réel pour les jeunes leaders de la contestation.

Mais les politiciens pro-Beijing conserveront une majorité des sièges, en partie à cause du système électoral. 

Ce que la BBC omet opportunément de dire, c’est qu’alors que les politiciens pro-Beijing conserveront une majorité des sièges, «en partie à cause du système électoral», les politiciens anti-Beijing ont obtenu les leurs, presque entièrement grâce au financement et au soutien étasunien. Cela comprend Nathan Law lui-même, prêt à prendre un siège de circonscription, comblé de récompenses par le Département d’État américain pour son rôle dans les manifestations de 2014 soutenues par les États-Unis.

Comble de l’ironie, dans une tentative d’ajouter encore plus de sérieux à ces gains électoraux mineurs, la BBC a encensé ce qu’elle appelle un «taux de participation record» de 58%, tandis que les journalistes de la BBC annonçaient le mois dernier seulement qu’un taux de 60% en faveur du référendum sur la Charte en Thaïlande, «affaiblissait la légitimité du résultat». La seule différence étant que les gains obtenus à Hong Kong favorisaient les intérêts occidentaux, tandis que ceux obtenus en Thaïlande favorisaient le peuple thaï aux dépens des intérêts occidentaux.

Le parti-pris politiquement motivé de la BBC s’explique facilement, alors que ceux qui s’expriment ou les discours sont expurgés et que les réseaux étrangers qui ont créé et soutiennent actuellement le supposé mouvement pour «lindépendance» sont mis en valeur.

L’«indépendance» de Hong Kong, fabriquée à et pour Washington

La BBC et les autres organes de presse occidentaux dépeignent les sondages récents comme une poursuite de ce qu’on a appelé la «Révolution des parapluies». À cet égard, ils ont en partie raison.

Ce qu’ils oublient de dire, est que les manifestations de 2014 étaient organisées et menées par des groupes d’opposition financés par les États-Unis, qui représentaient une infime minorité de la population de Hong Kong et qui ont été finalement retirés des rues lorsque les habitants de Hong Kong eux-mêmes ont perdu patience devant le comportement perturbateur des manifestations.

Au cours des mois précédant les manifestations de 2014, deux des leaders du mouvement étaient littéralement à Washington D.C : à faire pression sur le Département d’État pour obtenir à l’avance un soutien pour les manifestations prévues. La propre fondation du Département d’État américain, le National Endowment for Democracy (NED) a admis, dans une déclaration intitulée «The National Endowment for Democracy and support for democracy in Hong Kong» [Le National Endowment for Democracy et le soutien de la démocratie à Hong Kong], que :

Le 2 avril 2014, Mme Greve a animé une commission accueillie par le NED, présentant les célèbres défenseurs de la démocratie Martin Lee et Anson Chan − la vidéo complète de cet événement est accessible en ligne. Ce fut l’une des nombreuses apparitions et réunions prévues pour Lee et Chan, pendant leur visite aux États-Unis au printemps 2014 pour discuter de l’avenir de Hong-Kong.

Le NED tentait pourtant de nier l’implication de Lee et Chan dans l’organisation et la direction des manifestations, lors de manifestations ou d’assemblées avec les autres responsables élevés du mouvement.

Une fois les manifestations terminées, Freedom House, la filiale du NED, a même invité Martin Lee à un événement intitulé  «Three Hong Kong Heroes» [Trois héros de Hong Kong], qui incluait aussi les leaders de la contestation Joshua Wong et Benny Tai. Lee se dandinait sur la scène un parapluie à la main, une manière d’admettre son rôle dirigeant dans les manifestations et de confirmer que la déclaration précédente du NED était délibérément fausse.

Le NED a aussi nié avoir alloué des fonds au mouvement, en dépit du fait que chaque membre de sa haute direction est répertorié comme bénéficiaire du NED et de ses diverses filiales, dont Freedom House et le National Democratic Institute (NDI).

Vers la fin des manifestations de 2014, les organes de presse occidentaux ont commencé à avouer partiellement que, en effet, les États-Unis finançaient plusieurs éléments de la direction du mouvement. Dan Steinbock, dans un article d’octobre 2014 dans le South China Morning Post, énumérait les diverses accusations confirmées et concluait que «peut-être les tentatives d’interdire l’ingérence étrangère ne sont pas entièrement infondées».

Considérant cela, les affirmations selon lesquelles les «militants anti-Chine» de Hong Kong représentent la «démocratie» ou les «intérêts locaux», lorsqu’ils représentent des intérêts étrangers et non ceux des habitants de Hong Kong − et qu’ils ne sont pas soutenus localement − sont contradictoires, à première vue.

Il est aussi particulièrement surprenant que cette variété d’opposition politique affirme elle-même vouloir instaurer «lindépendance», alors qu’en réalité elle cherche à faire retourner Hong Kong sous l’influence de l’hégémonie anglo-américaine. C’est particulièrement évident lorsque l’on considère les appels répétés de ces groupes à «Un pays, deux systèmes», condition que les colonialistes eux-mêmes ont posé pour restituer le territoire saisi aux Chinois.

Nathan Law − le candidat de l’Amérique, pas de Hong Kong

La BBC a mentionné particulièrement Nathan Law, président de Demosisto, un parti politique né de la Révolution des parapluies financée par les États-Unis. Selon la BBC, il s’attend à emporter un siège de circonscription, mais ce que la BBC ne réussit pas à dire, ce sont ses liens avec le Département d’État américain et les conflits d’intérêts préoccupants que cela pose, si l’on considère son rôle potentiel dans le gouvernement de Hong Kong.

Sur le site Internet «Mouvement mondial pour la démocratie» du NED, le Département d’État américain a écrit à propos des récompenses offertes à Nathan Lee, dans un billet intitulé  «Democracy Courage Tribute Award Presentation» [Démocratie, courage, hommage, présentation du prix] :

L’appel courageux du Mouvement des parapluies à l’automne 2014, pour un processus électoral libre et honnête pour choisir les dirigeants de la ville, a rassemblé des milliers de gens dans les rues, venus manifester pacifiquement. Les images de ces manifestations ont motivé les militants pour la démocratie sur le continent chinois et ont débouché sur la solidarité entre les champions de longue date de la démocratie à Hong Kong et une nouvelle génération de jeunes cherchant à améliorer leur ville. Le mouvement pour la démocratie de Hong Kong sera confronté à d’autres obstacles dans les années à venir, et son idéalisme et sa bravoure devront être soutenus, puisqu’ils œuvrent pour une représentation démocratique à Hong Kong.

Nathan Law a même posé pour des photos avec le président du NED Carl Gershman, apparemment inconscient des énormes conflits d’intérêts suscités par de telles associations compromettantes.

La couverture par la BBC des récentes élections législatives à Hong Kong tente de faire passer les percées opérées par les intérêts étrangers pour du «localisme» et de la «démocratie», qui s’enracineraient dans l’ancienne possession coloniale britannique. Tandis que la BBC fait allusion à l’influence de Beijing pour prévenir de futurs progrès de l’opposition, son omission intentionnelle des intérêts étrangers qui renforcent l’opposition révèle un parti-pris systématique et intentionnel dans les articles de la BBC. Ce parti-pris se retrouve aussi chez Reuters, CNN, AP et l’AFP.

La démocratie, théoriquement, est censée être l’expression du peuple. Hong Kong fait partie de la Chine, donc ceux qui participent à ses processus politiques devraient représenter les intérêts chinois. Un parti d’opposition qui passe son temps à Washington D.C. et maintient de plus en plus ses réseaux grâce à de l’argent étranger, ne représente pas la Chine ou les Chinois au sens large, et certainement pas Hong Kong et ses habitants, dans un sens plus local.

Les intérêts étrangers qui travaillent avec des collaborateurs ressemblent à une dictature de l’extérieur, davantage qu’à quelque chose comme une démocratie du peuple, même si cette dictature se drape dans les sondages publics, les élections et les manifestations de rue. Qu’avant, pendant et après la Révolution des parapluies, tous ses dirigeants soient liés à des intérêts étrangers discrédite totalement le récit selon lequel ils représentent davantage la « démocratie » que les intérêts étrangers qui les dirigent (puis les récompensent) à chaque étape du chemin.

Joseph Thomas est rédacteur en chef du magazine géopolitique basé en Thaïlande, The New Atlas, il contribue au magazine en ligne New Eastern Outlook.

Traduit par Diane, vérifié par Ludovic, relu par Cat pour le Saker francophone

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