Par Ekaterina Blinova – Le 21 décembre 2017 – source Sputnik News
Le rôle de l’ancien président américain Bill Clinton et de ses associés dans la libéralisation économique de la Russie et de l’espace post soviétique, durant les années 1990, mériterait une enquête scrupuleuse, déclare un analyste de Wall Street, Charles Ortel, à Sputnik, ajoutant que même si des décennies ont passé depuis lors, la question n’a pas pour autant perdu de sa pertinence.
Il y a près de 20 ans, un article du Dr Janine Wedel, « Harvard Boys Do Russia » paru dans The Nation, faisait la lumière sur le rôle controversé joué par le Harvard Institute for International Development (HIID), soutenu par l’administration Clinton, dans les réformes économiques des années 1990 en Russie. L’analyste de Wall Street et journaliste d’investigation Charles Ortel estime que l’affaire mérite toujours que l’on s’y intéresse.
« Absolument » nous répond Ortel à la question de savoir si les activités du HIID dans l’espace postsoviétique et son assistance dans la privatisation totale des biens publics doivent être réévaluées de manière appropriée.
L’analyste de Wall Street souligne qu’« en théorie, la ‘privatisation’ ressemble à une bonne idée : reprendre en main une entreprise inefficace contrôlée par le gouvernement mais qui possède encore des actifs de valeur et n’a pas les moyens de contrôle et de gestion modernes, afin de la réformer pour qu’au lieu de ponctionner le trésor public elle devienne une source de recettes fiscales ».
« En réalité, nous observons que dans de nombreux pays où la privatisation a eu lieu (pas seulement dans l’ex-Union soviétique, mais aussi en Europe centrale et dans le reste du monde) les initiés se sont probablement approprié plusieurs milliards de dollars (bien plus que cela, selon toute vraisemblance) en s’accaparant des actifs de valeur à bas prix, ainsi que d’autres larcins, souvent avec le soutien et la connivence des nombreux politiciens qui participaient également au jeu » nous explique M. Ortel.
Le journaliste d’investigation souligne que « cette sale affaire a acquis le vernis de la respectabilité dans de nombreux cas grâce à l’intervention de ‘professeurs’, de ‘consultants’, et autres professionnels qui ont apporté leur ‘expertise’ ».
« Il est grand temps de rendre compte de ce qui s’est réellement passé ! » affirme-t-il.
Une série d’enquêtes menées entre 1996 à 2004 sur une fraude présumée de HIID en Russie et en Ukraine a abouti à une rupture de contrat entre Harvard et le gouvernement américain, tandis que les directeurs de HIID, le professeur Andrei Shleifer et Jonathan Hay, ont été accusés d’avoir réalisé des gains personnels grâce à des investissements en Russie alors qu’ils travaillaient sous contrat. Ils ont accepté de payer 31 millions de dollars au gouvernement américain pour régler l’affaire.
Après la publication en 2006 de l’article de David McClintick, auteur et journaliste d’investigation, qui a une fois de plus mis en lumière les efforts controversés de la HIID pour aider la Russie à privatiser son économie dans les années 1990, Lawrence Summers, qui a été haut fonctionnaire du département du Trésor américain (1993–2001) sous Bill Clinton, a démissionné de son poste à Harvard où il occupait le poste de directeur de l’Université.
À la même époque, l’ancien président américain Bill Clinton, son administration et l’ancien professeur Jeffrey Sachs de Harvard qui, selon M. Wedel, travaillait en étroite collaboration avec l’équipe russe de privatisation, ont réussit à éviter d’une manière ou d’une autre tout examen minutieux de cette affaire.
« La politique des États-Unis à l’égard de la Russie exige une enquête complète du Congrès, écrivait M. Wedel en 1998. Par exemple, l’équipe d’audit a conclu que le gouvernement américain avait fait preuve de favoritisme à l’égard de Harvard mais cette conclusion et les documents à l’appui ont été retirés du rapport final. »
Ce que les projets de « privatisation » et de lutte contre le VIH / sida ont en commun
Est-il possible que Bill Clinton et Jeffrey Sachs aient personnellement bénéficié des activités de HIID en Russie et en Ukraine ?
« C’est plus que possible, c’est certain, pense Ortel. Un exemple concret est le rôle joué par Sachs et d’autres professeurs et affiliés de Harvard dans la lutte contre le VIH / SIDA. »
L’analyste de Wall Street nous rappelle que, suite à la victoire de George Bush aux élections présidentielles américaines de 2000, Clinton et Sachs ont saisi l’occasion pour « redynamiser un effort massif de lutte contre le VIH / sida à l’échelle internationale, dans les pays pauvres ».
Se référant à l’article de l’International AIDS Society-USA, Ortel note que « l’analyse de Sachs (et du Dr. Paul Farmer de Partners In Health (PIH)) était extrêmement mauvaise. »
« Les hypothèses (en particulier les travaux sommaires de Farmer sur le traitement du VIH / SIDA en Haïti, un pays dont la situation déplorable est radicalement différente de celle de l’Afrique pauvre) sont risibles et ne permettent même pas d’étayer les calculs utilisés pour justifier le financement » souligne l’analyste.
Lors de ses entrevues précédentes avec Sputnik, Ortel, qui a mené une enquête privée sur les allégations de fraude de la Fondation Clinton au cours des dernières années, a révélé certains aspects controversés de l’initiative Clinton sur le VIH / sida.
« Dans les conditions difficiles [des pays pauvres] et face à une corruption endémique, on soupçonne que les sommes gigantesques qui ont finalement été recueillies pourraient bien ne pas avoir été dépensées pour soigner les patients et que des dizaines de milliards de dollars destinés à la lutte contre le VIH / sida ont plutôt été volés et utilisés pour corrompre » suggère l’analyste.
« Ainsi, comme dans le cas du travail de Sachs ‘privatisant’ l’ex-Union soviétique, l’Europe centrale et orientale, la ‘lutte’ contre le VIH / SIDA a non seulement alimenté encore plus la corruption mais a aussi entaché la réputation, autrefois forte, de nombreuses universités prestigieuses, et pas seulement celle de Harvard » déclare Ortel.
Quant à Bill Clinton, il faut se rappeler que « l’un des importants donateurs de la Fondation Clinton et mécène de la famille Clinton était Marc Rich, un homme qui a joué un rôle central dans les plans de ‘privatisation’ » fait remarquer l’analyste de Wall Street.
Comme le Washington Post l’a révélé en 2001, dans les années 1990, Rich n’était, pendant un certain temps, rien de moins que « le plus important trader occidental exerçant en Russie ». Il y a créé plus de 100 sociétés écrans, bénéficiant de la privatisation et de la « libéralisation » de l’économie du pays.
Rich, qui a été inculpé pour 51 cas de fraude fiscale aux États-Unis, a été gracié par le président Clinton au dernier jour de son mandat, le 20 janvier 2001, créant une controverse qui persiste encore aujourd’hui. Le 1er novembre 2016, le Federal Bureau of Investigation a publié des documents issus d’une enquête menée en 2001 sur la grâce présidentielle controversée de Clinton.
« Grâce à ces contacts et à bien d’autres, dont un ami de longue date [de Bill Clinton], Strobe Talbott, les Clinton ont entretenu de nombreux liens avec des oligarques et d’autres bénéficiaires de la ‘privatisation’, estime Ortel. Si les Clinton voulaient bien faire une liste honnête de tout leur réseau d’activités ‘charitables’, donateur par donateur, nous pourrions voir plus précisément ces liens. »
Les hauts dirigeants américains et le système globaliste non réglementé
Quant à mener une enquête approfondie sur les activités de Bill et Hillary Clinton pendant leur mandat en tant que président et secrétaire d’État des États-Unis, Ortel suggère que celle-ci devrait être aussi large que possible.
« En commençant par ici, aux États-Unis, nous avons besoin d’une comptabilité honnête de la façon dont les actifs nationaux ont pu être utilisés à des fins d’enrichissement personnel ou de corruption politique. Et j’oserai dire que les citoyens de nombreux autres pays bénéficieraient également d’une telle comptabilité » remarque-t-il.
« Si nous sommes préoccupés par la répartition inégale des richesses et par la corruption, nous devrions exposer les ‘fonctionnaires’ qui prétendent être au service des électeurs et font semblant de remplir leurs positions respectives, tout en utilisant des relations secrètes pour accumuler autant de richesse et de pouvoir que possible, en jouant au casino d’un système globaliste non réglementé » affirme l’analyste.
Il exprime l’espoir que le président américain Donald Trump « aura les tripes » de dénoncer cette corruption qui dure depuis des décennies.
« En cette période de l’année, si importante pour tant de peuples, nous devons faire ce qu’il y a de mieux pour les plus pauvres et les plus vulnérables d’entre nous, et non pas en tirer bénéfices, et plutôt prouver que faire le bien est la voie correcte et décente que les humains modernes du monde entier doivent suivre » conclut Ortel.
Ekaterina Blinova
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.