Par Mouin Rabbani – Le 10 novembre 2024 – Source : Blog de Norman Finkelstein
Ce qui s’est passé cette semaine à Amsterdam est désormais assez clair. Mais avant d’y revenir, un peu de contexte.
Depuis plus de dix ans, les instances dirigeantes du football – la FIFA, la Fédération internationale des associations de football, et l’UEFA, l’Union des associations européennes de football – ont systématiquement rejeté les demandes de suspension ou d’expulsion de l’Association israélienne de football (IFA) et de certains clubs israéliens de leurs rangs.
La FIFA et l’UEFA ont été officiellement sollicitées en ce sens à plusieurs reprises par la Fédération palestinienne de football (PFA) et par divers militants et supporters ayant lancé la campagne « Carton rouge au racisme israélien ».
Les appels à sanctionner le football israélien reposaient sur plusieurs motifs, parmi lesquels : Israël est un État institutionnellement raciste qui ne devrait pas être traité différemment de l’Afrique du Sud de l’apartheid (suspendue par la FIFA en 1961) ou de la Rhodésie (suspendue en 1970) ; l’IFA inclut des clubs basés dans des colonies illégales des territoires palestiniens occupés illégalement ; l’IFA discrimine les clubs palestiniens ; les équipes de l’IFA exercent une discrimination envers les joueurs palestiniens ; en 2019, Israël a empêché la tenue de la finale de la Coupe de la PFA en interdisant à l’équipe de Khadamaat Rafah de se rendre de la bande de Gaza en Cisjordanie pour affronter le Balata FC ; Israël a tué et blessé des joueurs palestiniens ; des clubs israéliens tolèrent systématiquement le comportement raciste et génocidaire de leurs supporters ; et, dernièrement, Israël commet un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza, qui a causé la mort de nombreux joueurs, officiels et membres des équipes sportives de Palestine.
Les requêtes de la PFA s’appuyaient non seulement sur des principes généraux ou sur des traités internationaux relatifs aux droits humains, mais avant tout sur les propres règlements de la FIFA et de l’UEFA, lesquels interdisent explicitement les comportements d’Israël, de l’IFA et de certaines équipes de l’IFA.
À chaque fois, la FIFA et l’UEFA ont rejeté les demandes de la PFA et de la campagne « Carton rouge au racisme israélien » sous prétexte que le sport et la politique ne devaient pas se mélanger. Selon le même principe, à savoir que la politique et le sport doivent être strictement séparés, les équipes et les joueurs qui manifestent leur solidarité avec les Palestiniens, ou arborent des symboles comme le drapeau palestinien, ont été condamnés à des amendes et sanctionnés.
Le Celtic FC de Glasgow, qui s’identifie fortement à la cause palestinienne, en est l’exemple le plus notable. En 2014, le club a été condamné à une amende de 16 000 GBP [près de 20 000 euros] après que ses supporters ont brandi le drapeau palestinien lors d’un match de qualification pour la Ligue des champions contre le KR Reykjavik d’Islande. En 2022, le Celtic a écopé d’une autre amende de 8 619 GBP [plus de 10 000 euros] après que ses supporters ont déployé des centaines de drapeaux palestiniens lors d’un match de Ligue des champions contre Hapoël Be’er Sheva, club israélien. Dans ce dernier cas, les supporters du Celtic ont réagi en collectant non seulement la somme totale de l’amende, mais également un montant à six chiffres, rapidement versé à diverses organisations caritatives palestiniennes.
D’autres joueurs individuels ont également été sanctionnés. En janvier 2024, par exemple, la Confédération asiatique de football a infligé une amende au joueur jordanien Mahmoud Al-Mardi pour avoir affiché le slogan « La Palestine est la cause des gens honorables », imprimé sur son maillot de corps, après avoir marqué un but contre la Malaisie lors de la Coupe d’Asie.
La position de la FIFA sur la stricte séparation entre le sport et la politique peut sembler en théorie défendable, mais elle n’a jamais été appliquée de manière cohérente. Les supporters de l’Ajax, club néerlandais qui accueillait le Maccabi Tel Aviv pour un match de Ligue Europa le 7 novembre, brandissent par exemple régulièrement des drapeaux israéliens géants pour soutenir leur équipe et ont toujours pu le faire librement. Ce n’est que lorsque les supporters des équipes adverses ont commencé à brandir en réponse des drapeaux palestiniens que les autorités du football ont pris des mesures pour interdire les deux symboles.
Plus important encore, le raisonnement adopté par la FIFA et l’UEFA s’est révélé n’être qu’une imposture totale enveloppée d’une hypocrisie abjecte. Quelques jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la FIFA et l’UEFA ont suspendu non seulement l’Union russe de football, mais également tous les clubs de football russes. Ce processus a littéralement pris moins d’une semaine. Contrairement aux gestes de soutien aux Palestiniens, systématiquement réprimés, les manifestations explicites de solidarité avec l’Ukraine, et l’affichage proéminent du drapeau ukrainien, ont au contraire été encouragés.
En ce qui concerne la dernière demande de la PFA à la FIFA de sanctionner l’IFA pour divers motifs, soumise en mai et soutenue, entre autres, par la Confédération asiatique de football, le président de la FIFA, Gianni Infantino, a fait en sorte que son organisation progresse encore plus lentement que la Cour pénale internationale (CPI). Après des mois de tergiversations et de refus d’inscrire la pétition de la PFA à l’ordre du jour de la FIFA, Infantino a finalement annoncé en octobre qu’une enquête serait menée pour évaluer la demande de la PFA, mais il s’est bien gardé d’annoncer une date pour la fin de cette enquête ou la publication de ses résultats. S’il avait adopté la même attitude face à l’invasion russe de l’Ukraine, il aurait été démis de ses fonctions plus vite qu’on ne peut dire « Infantino est un pantin ».
C’est dans ce contexte, et dans celui de la réputation bien établie des supporters du Maccabi Tel Aviv pour leur racisme génocidaire décomplexé, que les activistes pro-palestiniens ont tenté de faire annuler le match Ajax-Maccabi Tel Aviv du 7 novembre. Comme prévu, cette tentative a échoué, et les activistes ont alors annoncé qu’ils organiseraient une manifestation au stade de l’Ajax, le Johan Cruijff ArenA, le jour du match. Sans surprise, cette demande a également été rejetée par la municipalité et la police d’Amsterdam, qui ont exigé que les activistes se tiennent à distance du stade pour manifester. Les militants ont obtempéré, et leur manifestation s’est déroulée sans incident.
Les violences qui ont fait les gros titres ces derniers jours n’ont pas commencé pendant ou après le match, mais bien la veille, voire plus tôt. Comme c’est souvent le cas pour ce type d’événements, plusieurs milliers de supporters du Maccabi Tel Aviv avaient fait le déplacement à Amsterdam pour assister au match à l’extérieur de leur équipe. Mais au lieu de se comporter de manière responsable, ou même de se livrer aux actes de hooliganisme habituellement dirigés contre les supporters adverses ou les passants – ce qui est monnaie courante dans le monde du football – les supporters du Maccabi Tel Aviv ont ciblé une toute autre population : les Arabes.
Non seulement les supporters de ce club israélien ont une réputation bien connue de racisme génocidaire (leur slogan est « Mort aux Arabes », accompagné du chant « Que votre village brûle »), mais un grand nombre de ceux qui ont voyagé à Amsterdam avaient, au cours de l’année écoulée, pris part à la campagne génocidaire menée par l’armée israélienne contre les Palestiniens dans la bande de Gaza.
S’imaginant jouir des mêmes libertés qu’en Israël, ils se sont mis à attaquer des domiciles privés d’Amsterdam arborant des drapeaux palestiniens en solidarité avec Gaza ; ils ont agressé des personnes d’apparence arabe, y compris plusieurs chauffeurs de taxi d’origine maroco-néerlandaise ; vandalisé plusieurs taxis, allant jusqu’à en détruire complètement un ; et, de manière plus générale, ils ont harangué les passants avec des slogans comme « On va baiser les Arabes », « Allez vous faire foutre en Palestine », « Que l’armée gagne pour baiser les Arabes », et « Il n’y a pas d’école à Gaza car il n’y a plus d’enfants ».
Autrement dit, ces terroristes étrangers, armés de bâtons, de chaînes de vélo et d’autres outils divers, ont semé la terreur raciste dans le centre de la capitale néerlandaise. À cet égard, Asha ten Broeke [journaliste néerlandaise] rapporte que, dans les jours précédant le match, des groupes de discussion de militants pro-palestiniens avaient mis en garde leurs membres de ne pas porter de keffiehs, de badges palestiniens ou d’autres symboles visibles de solidarité palestinienne en public, car les personnes ainsi identifiées étaient physiquement agressées et subissaient même des crachats de la part des supporters du Maccabi Tel Aviv.
La police d’Amsterdam a, pour l’essentiel, laissé ses « honorables » invités israéliens agir librement et s’est abstenue d’intervenir. En effet, plusieurs vidéos montrent des voitures de police passant simplement à côté d’agressions physiques et d’incidents similaires, comme si les attaques sur les résidents par ces visiteurs israéliens étaient un comportement normal. Dans un incident filmé, raconté par Ten Broeke, des hooligans israéliens ont jeté une portion de frites avec de la mayonnaise sur la tête d’un individu avant de l’agresser physiquement. Dans ce cas, la police a procédé à une arrestation – celle de la victime, et non des agresseurs.
À l’approche du match, les supporters israéliens ont été escortés jusqu’au stade par les forces de police d’Amsterdam, une pratique apparemment courante dans de telles circonstances mais qui, dans ce cas, a probablement été intensifiée en raison de la condamnation générale du génocide israélien et des risques sécuritaires en découlant. En chemin vers le stade, des bandes de supporters israéliens ont poursuivi leurs comportements violents tout en scandant leurs slogans génocidaires. La police d’Amsterdam, qui ne semble pas moins raciste que ses homologues européens et occidentaux, n’a arrêté aucun des hooligans israéliens. Il n’est pas difficile d’imaginer la réaction de l’escorte policière si des supporters d’un club arabe avaient défilé dans le centre d’Amsterdam en scandant « Mort aux Juifs » et en agressant toute personne portant une kippa.
Une fois dans le stade et avant le début du match, les supporters israéliens ont répondu à la minute de silence en hommage aux centaines de victimes des récentes inondations de Valence, en Espagne, par des sifflets bruyants, de nouveaux chants racistes et en allumant des fumigènes.
À leur sortie du stade, leur racisme génocidaire intensifié par la défaite 5-0 infligée à leur équipe par l’Ajax, ils ont repris leurs comportements agressifs là où ils les avaient laissés avant d’entrer plus tôt dans la soirée. Cette fois, leurs victimes leur ont opposé une riposte.
Selon certains témoignages, cette riposte était planifiée et organisée ; d’autres disent qu’elle fut spontanée. Il est probable qu’il y ait eu des éléments des deux. Ceux qui se sont confrontés aux hooligans israéliens ont été généralement décrits comme étant principalement des Marocains néerlandais, avec des chauffeurs de taxi mécontents en bonne place. En réalité, il s’agissait surtout de jeunes, pour beaucoup des Amstellodamois d’origine arabe, mais aussi d’autres jeunes.
Contrairement à leur inaction précédente, la police d’Amsterdam est intervenue, arrêtant environ 60 des Néerlandais qui s’étaient défendus, mais pas un seul Israélien. Tous, sauf quatre, ont ensuite été relâchés. D’autres arrestations sont attendues dans les jours et semaines à venir, sur la base des images de vidéosurveillance et autres preuves. Mais aucune ne concernera un Israélien, car les hooligans ont rapidement quitté les Pays-Bas et jouissent d’une impunité totale en Israël, où ils se posent en victimes héroïques, acclamés par la population et les autorités israéliennes, ainsi que par les élites et les médias occidentaux.
Malgré le soutien actif de la police d’Amsterdam, les hooligans israéliens ont découvert que les bagarres de rue à Amsterdam sont un peu plus ardues que de tuer des enfants à Gaza. Plusieurs ont été battus, et cinq ont dû être hospitalisés (tous sont sortis de l’hôpital le lendemain).
C’est alors que Kafka et Alice au pays des merveilles ont pris les commandes. Comme l’a finement observé Philip Proudfoot : « C’est probablement la première fois dans l’histoire que l’on voit des dirigeants mondiaux offrir leurs pensées et leurs prières à des hooligans de football. » Un euphémisme, en vérité.
Presque immédiatement, les dirigeants occidentaux et les commentateurs des médias ont commencé à qualifier les événements de « pogrom » – non pas perpétré par des voyous israéliens génocidaires, mais dirigé contre eux. Comme si la police d’Amsterdam avait encouragé les attaques contre les Israéliens, au lieu de laisser des gangs israéliens semer le chaos dans la ville qu’elle est censée protéger.
Au lieu d’être décrits pour ce qu’ils étaient – une confrontation entre des hooligans israéliens et ceux qu’ils visaient –, ces événements ont été instantanément transformés en une vaste « chasse aux Juifs ». Genocide Joe [Biden], qui continue de prétendre avoir vu des images inexistantes de bébés israéliens décapités, a comparé les troubles provoqués par les hooligans israéliens à Amsterdam à la montée du nazisme et aux prémices de l’Holocauste. Il était loin d’être le seul. L’idée qu’il s’agissait d’un déchaînement antisémite, ni plus ni moins, est aussitôt devenue un dogme incontesté.
À l’approche de la commémoration de la Nuit de Cristal de 1938, du 9 au 10 novembre, un jalon tragique vers l’Holocauste, les comparaisons se sont multipliées. Comme si c’étaient des propriétés juives, et non celles arborant des symboles palestiniens, qui avaient été vandalisées ; comme si c’étaient des personnes présumées juives, et non d’apparence arabe, qui avaient été agressées. Cette indignation sélective et cette condamnation unilatérale ont sans doute connu là leur plus grand triomphe.
Pour que ces attaques puissent, même de loin, être qualifiées d’antisémites – une caractérisation qui a été, dès le premier instant, répétée comme un fait incontestable –, les cibles auraient dû être des Juifs, et non des supporters du Maccabi Tel Aviv ou des Israéliens en général. En d’autres termes, les Juifs néerlandais d’Amsterdam, leurs institutions et leurs biens auraient dû figurer parmi les victimes, ou au moins être reconnaissables comme tels. Or, rien ne prouve que les Juifs néerlandais ou leurs biens aient été visés, ni que les membres de cette communauté se soient sentis suffisamment menacés la nuit du 7 novembre pour solliciter la protection de la police ou des autorités d’Amsterdam. Comme le montre cet article, ce faux « pogrom » a également servi à détourner une fois de plus l’attention du véritable génocide en cours dans la bande de Gaza, ainsi que de l’invasion du Liban par Israël.
Étant donné que la communauté juive d’Amsterdam a été submergée par des reportages sensationnalistes sur un prétendu pogrom antisémite en cours dans leur ville, il est compréhensible que ses membres aient craint que les attaques contre les supporters israéliens de football ne s’étendent à leur communauté. Mais cela ne s’est pas produit, car il n’y a pas eu de pogrom et que la violence était dirigée contre des hooligans israéliens, réels ou supposés, plutôt que contre des Juifs.
Il s’agit d’une distinction cruciale. Mais c’est aussi une distinction systématiquement ignorée par les médias et les responsables politiques occidentaux. Leur amalgame sans effort entre hooligans, Israéliens et Juifs – en particulier à la veille de la commémoration de la Nuit de Cristal, dans la ville d’Amsterdam où la grande majorité de la population juive a été exterminée pendant l’Holocauste – sert un programme politique transparent. Un rappel, au moment même où se déroule le génocide à Gaza, que les véritables victimes en 2024 ne sont pas les Palestiniens, mais bien ceux qui les massacrent.
Comme si l’histoire n’avait commencé que le 7 octobre 2023, Asha ten Broeke note que la réponse aux troubles d’Amsterdam a éludé tout ce qui s’est passé avant la fin du match Ajax-Maccabi Tel Aviv. Même selon les normes abyssales établies par les médias cette année au sujet de la campagne génocidaire d’Israël dans la bande de Gaza, la couverture des événements d’Amsterdam a réussi à atteindre de nouveaux sommets de partialité.
Parmi les réactions les plus hystériques figure celle de « l’homme fort » des Pays-Bas, Geert Wilders, qui, bien qu’il ne soit pas au gouvernement, domine de fait la scène politique néerlandaise. Wilders, d’origine partiellement indonésienne, a souvent été la cible de railleries racistes dans sa jeunesse en raison de son apparence. Au lieu de lutter pour une société sans racisme, il est devenu blond peroxydé et a décidé de surpasser ses agresseurs en devenant le plus accompli des racistes. Un passage dans un kibboutz israélien, où il fut traité comme tout autre travailleur non rémunéré, l’a également transformé en un sioniste fanatique et un inconditionnel d’Israël. Il continue ainsi d’affirmer que la Jordanie est la Palestine, et a applaudi bruyamment le génocide dès ses premiers instants.
Après le 11 septembre, Wilders trouva sa vocation : l’islamophobie. Compte tenu de la démographie des Pays-Bas, il dirigea spécifiquement son venin contre les Marocains néerlandais, dont il souhaitait la déchéance de nationalité et l’expulsion. En 2016, il fut d’ailleurs condamné par un tribunal néerlandais pour avoir promis en 2014 de « faire en sorte » qu’il y ait « moins de Marocains » aux Pays-Bas.
Wilders est largement l’héritier idéologique du Mouvement national-socialiste (NSB), parti fasciste néerlandais prônant une « pureté du sang et de la terre », qui considérait qu’on ne pouvait être à la fois juif et néerlandais. Le NSB, collaborateur zélé des nazis durant l’occupation de 1940 à 1945, fut interdit après la Libération, et ses leaders (tels Anton Mussert et Rost van Tonningen) furent soit exécutés, soit se sont suicidés.
Les propos virulents de Wilders ont été trop extrêmes même pour le parti libéral de droite (en fait, conservateur) VVD, qui l’a exclu en 2004. Il fonda ensuite le Parti de la liberté (PVV), qui n’est pas un parti politique au sens habituel, mais un fief personnel, au financement opaque, entièrement contrôlé par Wilders.
Wilders a remporté les élections parlementaires néerlandaises de 2023 grâce à ses positions. Mais, comme aucun parti ne remporte jamais la majorité aux Pays-Bas, il a dû former une coalition avec plusieurs autres partis. Cette coalition particulière, chaotique, inclut le VVD, l’ancien parti de Wilders, qui, depuis le départ de Mark Rutte à l’OTAN, est dirigé par Dilan Yeşilgöz, la fille d’un syndicaliste kurde d’origine turque qui a obtenu l’asile politique aux Pays-Bas après le coup d’État militaire de 1980 en Turquie. Si la jeune Yeşilgöz, une militante radicale qui pourrait facilement rivaliser avec Suella Braverman au Royaume-Uni, obtenait gain de cause, son père aurait été renvoyé en Turquie, laissé à la merci des généraux. Leurs complices sont le Mouvement Fermier-Citoyen (BBB), essentiellement une organisation de façade du secteur agroalimentaire, déterminée à provoquer une urgence climatique irréversible d’ici la fin de la décennie, et le Nouveau Contrat Social, un parti dirigé par Pieter Omtzigt, ancien ministre des Finances, qui a surpris ses soutiens en vendant son âme à Wilders pour une somme dérisoire.
Les partenaires de coalition de Wilders lui ont imposé de renoncer au poste de Premier ministre, qu’il aurait dû occuper de droit, pour éviter un embarras majeur sur la scène internationale. Wilders a accepté et a nommé Dick Schoof, ancien chef des services de renseignement et connu pour avoir autorisé la surveillance illégale des citoyens néerlandais, surtout des musulmans. Les cyniques ont remarqué que si le mécontentement populaire visait un gouvernement qui n’écoutait pas les citoyens, le peuple néerlandais avait désormais un Premier ministre qui les « écoutait » plus que quiconque.
Wilders a atteint de nouveaux sommets de rhétorique hystérique en réponse aux événements d’Amsterdam. Une partie de son projet consiste à présenter l’antisémitisme non pas comme un phénomène européen exporté au Moyen-Orient, mais comme une valeur fondamentale de l’islam, importée en Europe par les immigrés, et qu’il faudrait éradiquer par une expulsion massive des citoyens musulmans, qui, selon lui, n’appartiennent pas à ce pays et n’auraient jamais dû obtenir la citoyenneté. Sa prescription va encore plus loin que celle de Donald Trump, dont les intentions d’expulsions massives visent les résidents sans papiers et autres non-citoyens.
Refusant de prononcer un mot pour défendre les citoyens néerlandais agressés violemment par des hooligans israéliens, Wilders a préféré parler d’un « pogrom dans les rues d’Amsterdam », de « musulmans brandissant des drapeaux palestiniens pour chasser les juifs », d’une « chasse aux juifs à Amsterdam » et, pour couronner le tout, de « Nous sommes devenus la Gaza de l’Europe ». Sa solution consiste à « dénaturaliser » les « musulmans radicaux » (c’est-à-dire révoquer leur citoyenneté) et à les expulser du pays. Sa rhétorique de reconquête des Pays-Bas face à « l’Islam » pourrait laisser penser qu’il s’apprête à reconquérir l’Andalousie et à appliquer les mesures imposées par Ferdinand et Isabelle.
L’islamophobie de Wilders n’est cependant qu’une partie de l’histoire. Des enjeux de politique intérieure considérables sont également en jeu. Il a exigé la démission immédiate de la maire d’Amsterdam, Femke Halsema, ancienne dirigeante du Parti de la Gauche Verte, qui incarne tout ce que Wilders abhorre, et qui, durant son mandat, a été la cible de plus de misogynie de la part des partisans de Wilders et d’autres activistes de droite que dans toute l’histoire de l’islam. Bien qu’elle ait fidèlement réprimé et diabolisé les militants pro-palestiniens au cours de l’année écoulée en ressassant l’accusation d’antisémitisme, Wilders sent l’odeur du sang et est déterminé à obtenir sa revanche. Il a également attaqué la police dans des termes hystériques, et a condamné le gouvernement pour ce qu’il qualifie de réponse molle.
On comprend mieux cette attitude en voyant que Wilders cherche à s’assurer que c’est lui, et non Schoof, qui dirige effectivement le pays, et à établir son pouvoir et son influence sur les institutions, indépendamment de l’autorité gouvernementale formelle. C’est la stratégie classique des autocrates, que Wilders espère voir un jour le propulser officiellement à la tête du pays.
Cherchant à préserver leurs propres fiefs, Halsema, Schoof, les partenaires de la coalition, et les autres cibles de l’ire de Wilders ont, pour ainsi dire, adopté le récit du « pogrom/de la Nuit de Cristal de 2024 » et ont embrassé cette ligne de conduite. Même le roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, a rejoint cette dynamique. Collectivement, ils ont non seulement diabolisé leurs propres citoyens et les ont sacrifiés pour défendre des hooligans israéliens violemment racistes, mais ils ont également traîné la réputation de leur pays dans la boue de la manière la plus publique possible, rivalisant entre eux pour le pouvoir et l’influence.
Quelle que soit l’issue de cette lutte de pouvoir interne, une répression massive de l’opposition au génocide israélien aux Pays-Bas semble désormais quasiment inévitable. En effet, la maire Halsema, la police d’Amsterdam et le gouvernement ont déjà mis la ville en état d’urgence, interdisant toute manifestation pour au moins la semaine à venir. Cette décision, validée par la justice, a été contestée par des centaines de manifestants pro-palestiniens et anti-génocide le 10 novembre, plusieurs jours après le départ du dernier hooligan israélien vers des lieux plus sûrs. Des dizaines de personnes ont été arrêtées lors de cette manifestation, qui, selon tous les témoignages, s’est déroulée dans le calme.
Traduction Alain Marshal