David contre Goliath
De l’utilité de la résistance… et parfois même du PS


Le blocage du CETA par les Wallons a permis d’apporter des aménagements substantiels au traité. Constatez par vous-mêmes dans ce texte du Parti socialiste wallon


NOUVEAU CETA : nos acquis
Note du Saker Francophone

Paul Magnette

Même si nous pouvons supposer que le PS wallon n'est pas le seul instigateur de ces profondes modifications. Le meneur principal de la rébellion, Paul Magnette, est le président socialiste de la Wallonie. 

Le résultat est là !
Le 28 octobre 2016 – Source ps.be

 

Nous avons obtenu des acquis essentiels dans le cadre de la renégociation du CETA.
Face aux dérives potentielles du CETA dans sa version initiale, grâce au travail d’analyse réalisé par la société civile et par nos Parlements, nous nous sommes battus pour protéger les services publics, les agriculteurs et les PME, et préserver la capacité des États à légiférer pour protéger la sécurité sociale, la santé publique, l’environnement,  les droits sociaux et des travailleurs.

Comment avons-nous réussi à faire évoluer le traité ? Toutes les avancées que nous avons obtenues sont inscrites dans un «instrument» (au sens l’article 31 de la Convention de Vienne) joint au traité, qui a exactement la même valeur juridique que le traité.
Le traité et ses annexes forment un tout indissociable, que nous appelons NOUVEAU CETA. Les États-membres de l’Union européenne devront ratifier le traité et son instrument en même temps. Les juges amenés à se prononcer sur un différend lié à ce traité le feront sur la base du traité et de son instrument.
Pourquoi alors ne pas avoir modifié le traité lui-même ? Cela nécessitait de négocier avec les 27 autres États-membres de l’Union européenne. Sur le principe, pourquoi pas. Mais cela signifiait que nous devions d’abord convaincre la Flandre et le fédéral de notre point de vue. Si cela fonctionnait, le gouvernement fédéral MR N-VA devait alors négocier avec les 27 autres États-membres. Nous n’aurions pas été dans une position de négociation très favorable pour rendre ce traité plus progressiste. En joignant un instrument conjoint au traité, avec exactement la même valeur juridique que le traité, nous ne devions pas renégocier avec les 27 États-membres mais soumettre nos nouveaux textes à l’Europe et au Canada, qui étaient pressés de conclure. Nous étions dès lors en position de force dans la négociation et c’est ainsi que nous avons pu obtenir en trois semaines ce qui n’avait pas été possible pendant sept ans ! Les autres États-membres ont maintenant une journée pour accepter le texte tel quel ; à défaut, ils doivent tout reprendre à zéro…
L’objectif a été de travailler non seulement pour améliorer CETA mais aussi pour constituer un socle de standards élevés pour les futurs accords. Concrètement, que contient le NOUVEAU CETA ?  
1. Remplacement de l’arbitrage privé par un mécanisme public de règlement des différends entre États et investisseurs.
  • Initialement, le CETA prévoyait, comme la plupart des accords commerciaux, que les multinationales  puissent choisir librement les arbitres amenés à délibérer sur leurs plaintes.

Aujourd’hui, les multinationales ont fréquemment recours à des juges acquis à leurs causes, ce qui amène trop souvent les États à payer des dommages et intérêts exorbitants ainsi qu’à modifier leur législation en faveur des intérêts privés.

Il y a un an, nous nous étions, avec l’Allemagne et l’Autriche, opposés à ces tribunaux privés. Les négociateurs avaient alors remplacé le mécanisme «ISDS» par le mécanisme «ICS» : une cour publique, les juges n’étaient plus choisis par les parties, il y avait une possibilité d’aller en appel…

Mais nous avons voulu aller plus loin : les conditions de nomination des juges, par exemple, restaient floues ; on n’évitait pas les conflits d’intérêt.

Nous avons obtenu dans le NOUVEAU CETA que les procès intentés via le mécanisme de règlement des différends seront menés par des juges «publics» – comme ceux de la Cour de justice de l’Union européenne – totalement indépendants et nommés par le Conseil européen, sur proposition des États membres. Ils seront soumis à un futur code de conduite strict garantissant l’impartialité de leurs arrêts et prévenant tout conflit d’intérêt avant, pendant et après leur mandat.

  • Toutes les dispositions relatives au mécanisme de règlement des différends n’entreront pas en vigueur tant que l’ensemble des procédures de ratification des parlements nationaux et régionaux ne sera pas clôturée. L’entrée en vigueur de ce mécanisme n’aura donc lieu que dans plusieurs années.
  • La Wallonie a d’ores et déjà indiqué que, si le futur mécanisme de règlement des différends ne correspond pas à ses ambitions, le Parlement wallon refusera la ratification du CETA.
  • Le NOUVEAU CETA ne remet en aucun cas en question le rôle de nos cours et tribunaux publics. Ceux-ci seront également compétents pour se prononcer s’ils sont saisis.
  • Les États pourront par ailleurs contester les décisions de ce tribunal devant un tribunal d’appel, qui présentera les mêmes garanties d’indépendance que le tribunal de première instance et qui assurera la cohérence de la jurisprudence.
  • Enfin, nous avons obtenu l’engagement formel de la Commission européenne et du Conseil européen pour la création d’une Cour multilatérale d’investissement. Les négociations sur les modalités de sa mise en œuvre sont dès à présent lancées. Cette Cour sera  comparable à la Cour internationale de justice ou à la Cour européenne des droits de l’homme. Dès qu’elle sera instituée, cette Cour remplacera le mécanisme de règlement des différends prévu par le NOUVEAU CETA.

2. Pas de «cheval de Troie» pour les multinationales américaines.

Nous craignions que des multinationales américaines utilisent un système de «boîte aux lettres» au Canada pour profiter du CETA en vue d’accéder au marché européen.

Nous avons obtenu que seules les entreprises ayant des activités économiques substantielles au Canada, telles que définies par le Traité de l’OMC sur le Commerce des services, pourront profiter des avantages offerts par le NOUVEAU CETA.

3. Les États pourront revoir à la hausse leurs normes sociales et environnementales, sans payer d’indemnités

  • L’instrument précise explicitement que les États pourront continuer à légiférer pour revoir à la hausse leurs normes en matière de protection et de promotion de la santé publique, de  services sociaux et éducatifs, d’environnement, d’éthique, de protection des consommateurs, de la vie privée, des données et de la diversité culturelle.
  • Nous pourrons librement définir nos politiques sans craindre de devoir payer des indemnités pour avoir adopté un décret renforçant les normes en matière environnementale par exemple.
  • Nos gouvernements pourront également renationaliser un secteur ou un service.
  • Aucune multinationale ne pourra donc remettre en question le droit de grève ou la capacité des partenaires sociaux à définir des conventions collectives de travail.

4.   Sauvegarde de nos services publics et de nos acquis sociaux.

  • Les États déterminent eux-mêmes les secteurs qu’ils considèrent comme des services publics.
  • Nous pouvons ainsi protéger de toute libéralisation les services éducatifs, culturels, de santé, sociaux, de placement de personnel, de recherche et développement, les services d’assistance en escale dans le cadre du transport aérien, les services de distribution de l’eau, les services liés à l’énergie.
  • L’exception culturelle, garantissant le respect de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, est également protégée ; nos services audiovisuels sont totalement exclus.
  • Grâce au NOUVEAU CETA, nous avons obtenu la garantie explicite que nos services d’intérêts économiques généraux, tout comme nos services publics, seront protégés. Nos mutuelles ne seront quant à elles pas considérées comme des services financiers. Concrètement, elles pourront donc continuer à offrir un service accessible à tous et sans être mises en concurrence avec des assureurs privés.
  • Personne ne pourra imposer la privatisation d’un service public. De plus, un État pourra renationaliser un service auparavant ouvert aux opérateurs privés, et ce sans crainte d’un recours devant le mécanisme de règlement des différends.
  • Enfin, la Belgique conservera le droit  de définir et de protéger les nouveaux services dans l’intérêt général.

5.   Coopération réglementaire.

  • Initialement, le CETA prévoyait la constitution d’un forum de coopération réglementaire. Ce forum était perçu comme une autorité régulatrice qui imposerait à l’avenir des normes uniquement favorables au commerce et qui subordonnerait nos objectifs de politiques publiques aux attentes des multinationales.
  • Dans le NOUVEAU CETA, la Wallonie a obtenu non seulement que cette coopération se déroule exclusivement sur base volontaire et que les résultats de cette coopération ne soient mis en œuvre également que sur base volontaire. Nous avons aussi obtenu  que le forum soit  exclusivement composé d’autorités publiques. Par ailleurs, à notre demande, la Wallonie a fait savoir qu’elle n’intégrerait pas un tel mécanisme sauf accord de son Parlement.

6.   Protection d’une agriculture locale et qui garantit aux consommateurs une alimentation de qualité.

  • La Wallonie a obtenu le maintien des clauses de sauvegarde en faveur de l’agriculture prévues par le traité du GATT de l’OMC. Ces clauses pourront être invoquées si l’augmentation des exportations d’un produit, tel que la viande de bœuf, risque de causer un préjudice important à notre sécurité alimentaire, la sauvegarde de la vie rurale, de la nature et de la biodiversité.
  • Par ailleurs, les produits importés devront scrupuleusement respecter nos normes sanitaires, aussi bien belges qu’européennes. Le principe de précaution applicable en Wallonie est donc bien conservé. Dans ce cadre, la culture et la vente d’OGM ainsi que le recours aux hormones sont dans ce cadre strictement interdits !
  • La Belgique conservera également le droit de proposer ultérieurement de nouvelles appellations d’origine contrôlée grâce à un mécanisme de liste ouverte de protection des indications géographiques.

7.    Inclusion de dispositions spécifiques pour nos PME.

Nous avons fait en sorte que les PME puissent également saisir l’instance de règlement des différends : les coûts d’accès seront significativement réduits spécifiquement pour elles, grâce à un mécanisme d’intervention public ainsi que l’octroi d’une assistance technique.

8.   Protection de nos normes sociales, sanitaires et environnementales.

  • Le NOUVEAU CETA fait explicitement référence aux prescrits internationaux en matière de développement durable, de changement climatique (accords de Paris) et de protection des travailleurs (conventions de l’OIT).  La Belgique conserve donc le droit d’édicter des normes ambitieuses dans ces matières.
  • Le dumping social est explicitement interdit.
  • La Belgique et la Wallonie conserveront la possibilité de conditionner l’octroi d’un marché public à des clauses sociales et environnementales en vigueur.
  • En matière sanitaire, aucun OGM n’arrivera dans nos assiettes. Le bœuf aux hormones ou le poulet chloré sont strictement interdits dans l’Union européenne.

9.   Protection des droits de l’homme.

L’Accord de partenariat stratégique qui sera signé avec le Canada au même moment que le CETA prévoit que la coopération entre l’Union européenne et le Canada, en ce compris le CETA, sera suspendue en cas de manquement aux droits de l’homme.

Courtoisie du Parti Socialiste Wallon
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