Des choses étranges


Par James Howard Kunstler – Le 8 décembre 2017 – Source kunstler.com

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L’ordre caché du jour dans ce soi-disant projet de loi de réforme fiscale est d’agir comme un assouplissement quantitatif alternatif pour combler le trou de « liquidité » qui s’ouvre alors que la Réserve fédérale américaine (la banque centrale américaine) fait quelques gestes pour réduire son bilan et « normaliser » les taux d’intérêt. Ainsi, l’objectif de la loi fiscale est de soutenir les marchés financiers, et c’est cet espoir qui maintient les marchés orientés à la hausse au quotidien. Voyons cela.

Premièrement : l’assouplissement quantitatif (QE) est une phrase équivoque de la Réserve fédérale pour décrire sa pratique consistant simplement à créer de « l’argent » à partir de rien, qu’elle utilise pour acheter des obligations du Trésor américain (et d’autres choses). La Fed achète ces produits par l’intermédiaire des banques intermédiaires Too Big To Fail, ce qui leur permet de raboter leurs achats d’actifs et, en théorie, injecter de « l’argent » dans l’économie. Cet « argent » c’est la « liquidité ». En réalité, la plus grande partie de cet argent se retrouve sur les marchés financiers. Les actions montent, montent et les rendements obligataires restent extrêmement bas, les prix des obligations étant très élevés. Ce qui reste sur les bilans, c’est un océan de reconnaissances de dette.

Le troisième tour de QE a été officiellement arrêté en 2014 aux États-Unis. Cependant, les autres principales banques centrales du monde agissent à tour de rôle – se passant le relais du QE, comme dans une course de relais – de sorte que lorsque les États-Unis font relâche, le Japon, la Grande-Bretagne, la Banque centrale européenne et la Bank of China reprennent ce rôle d’impression monétaire. Et parce que l’argent circule facilement dans le monde via les circuits bancaires numérisés, une grande partie de cet argent étranger s’est retrouvée sur les marchés de capitaux américains « plus sûrs » (ainsi que sur les leurs). Des méga-tonnes d’« argent » ont été créées à partir de rien dans le monde depuis le quasi-effondrement du système en 2008.

Et, par magie, sans conséquences négatives ! Jusqu’à présent. Maintenant, l’Europe et le Japon font du bruit indiquant qu’ils vont passer le relais. Le système bancaire chinois est si opaque et pervers – parce qu’il est irresponsable, sauf pour le parti au pouvoir qui joue sa propre partition – qu’il est tout à fait impossible de dire ce qu’il fait vraiment, bien que les signes de mauvais investissements soient évidents et surprenants. Et les finances du Royaume-Uni sont liées aux procédures de divorce désordonnées avec l’UE (le niveau de vie britannique chutant considérablement entre-temps). En bref, le torrent des « liquidités » mondiales semble se résorber en un filet d’eau.

On s’attend à ce que cela fasse baisser les marchés boursiers et augmenter les taux d’intérêt (moins d’acheteurs), peut-être de beaucoup. Le sale petit secret pas si secret est que ces interventions de la banque centrale sont le seul moyen de maintenir à flot les marchés financiers et que les marchés ne sont qu’un faux front Potemkine pour les économies occidentales qui s’assèchent et s’évanouissent. C’est certainement le cas ici aux États-Unis, où le jeu financier représente maintenant environ 30% du PIB, et la plupart de cette activité est soit frauduleuse et donc une escroquerie, soit une collecte de loyers et de dividendes sur les fraudes et les escroqueries passées.

L’Amérique démocrate / progressiste, dans ses bistros gastronomiques pour employés de la Silicon Valley et ses fêtes dans les Hamptons [Lieu de villégiature pour très riches sur la côte Est, NdT], pense que le monde de la méthamphétamine, du chômage et de l’anomie des États Rouges votant Trump, les flyovers, est une sorte d’hallucination sur Netflix. Mais non, c’est pour de vrai. Le vieux centre des USA s’est évidé. Les mauvaises nouvelles sont qu’il a probablement assez de jus dans sa jeunesse mécontente, et certainement assez d’armement, pour commencer une insurrection très sérieuse si la situation continue à se dissoudre.

Entrez le joker dans le jeu : le Bitcoin. Bien qu’il ait reculé de quelques milliers de dollars durant la nuit, cet étrange véhicule d’investissement a explosé à 18 000 $ par bitcoin au cours des dernières 24 heures, triplant à peu près une mise de 6 000 $ en un mois. Il a même subi le piratage d’un de ses centres d’échange, NiceHash, où 70 millions de dollars ont été pillés sans même provoquer un bégaiement dans la poussée montante de cette carte. Quoi d’autre que soit le Bitcoin, et par là, je suggère que c’est un « Ponzi » une « manie » une « escroquerie » cette chose est un message. Le message est que le système circulatoire financier de l’économie mondiale est dans une sorte de détresse. Une autre conclusion est que la ruée vers Bitcoin représente une perte de confiance dans la matrice des rackets que les banques mondiales sont devenues, et une fuite vers la sécurité perçue dans un instrument financier putatif au-delà des griffes et de la propagande mensongère des gouvernements devenant nerveux et ne pensant qu’à eux.

Pour le moment, Bitcoin fait le travail que l’or avait l’habitude de faire : indexer la perte de valeur dans les monnaies papier et les choses qui affectent de les représenter. Sauf que Bitcoin n’a aucune réalité matérielle. C’est un produit des mathématiques. La « technologie » tant vantée du blockchain n’est qu’une formule pour empaqueter l’information et lui permettre d’exister physiquement chez vous. Cela semble avoir une certaine valeur en tant que système de comptabilité, pour garder la trace de la valeur accumulée dans un mode prétendûment transparent et honnête. Mais ce que le Bitcoin accumule et les jetons envoyés à travers le monde n’a aucune valeur en soi.

Si l’on peut dire que l’argent représente une revendication future sur le travail [passé, NdT], l’énergie ou les choses produites par ce travail, alors Bitcoin n’est pas de l’argent parce qu’il ne représente que l’énergie brûlée dans les efforts informatiques nécessaires pour « miner » ces Bitcoins. En d’autres termes, il en coûte beaucoup d’énergie pour créer des Bitcoins, mais il n’y a aucune revendication sur l’énergie ou le travail futur, ils sont déjà consommés. Cette consommation d’énergie attire l’attention du monde entier et commence à avoir l’air plutôt d’une débauche. Par exemple, si Bitcoin passait le cap des 100 000 $ par unité, cela monopoliserait une partie inconvenante de l’énergie électrique mondiale [dont 40% est à base de charbon, NdT].

Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’une interprétation de la ruée vers le Bitcoin. En fin de compte, je crois que cela nous dit simplement que le système financier mondial se dirige vers de sérieux problèmes. Il se profile la même chose en politique avec la crise qui se déroule au sein du gouvernement américain, alors qu’un combat à mort entre Donald Trump et ses adversaires apparaît bien sombre aux yeux de tous.

James Howard Kunstler

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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