Par Fred Reed – Le 29 novembre 2020 – Source Unz Review
Certains intellectuels médiatiques cherchent à prédire l’évolution des relations entre la Chine et l’Amérique. Mais ces gens-là ne se savent guère ce qu’est la cohérence. Ils commencent par dire que la Chine va prendre le contrôle du monde. Puis enchaînent en disant que la Chine va s’effondrer à cause d’une trop grande population, ou parce que ses différentes régions linguistiques vont chercher l’indépendance, ou parce que sa bulle d’endettement va exploser, parce que les Chinois ne peuvent pas « innover », parce que la population vieillit et qu’il n’y aura pas assez de travailleurs. Et bien sûr pendant ce temps l’armée américaine continuera de régner sur la planète et l’espace galactique proche. Les États-Unis resteront toujours en tête. Ou bien ce ne sera pas le cas. Voilà en gros leurs propos.
Bon, Peut-être. Mais si vous regardez bien ce que font réellement les Chinois, vous aurez l’impression que la Chine ignore largement l’armée américaine et laisse les États-Unis s’énerver comme des fous pendant qu’elle se concentre sur le commerce, les affaires, la recherche et développement, l’économie, l’éducation, la technologie et encore plus de commerce. Vous pourriez en outre avoir l’impression que la Chine est un peuple confiant, bien gouverné, énergique, qui a le vent en poupe et qui se débrouille plutôt bien dans le domaine de l’inventivité. Les bribes d’information ci-dessous pourront étayer cette impression de vitalité technique et économique.
L’avenir ? D’abord une réflexion : la démographie fait le destin. Les scientifiques et ingénieurs états-uniens viennent d’un panier d’environ 200 000 000 de Blancs capables de travailler dans le domaine des Sciences et Techniques (S&T). Les Noirs et les Latinos y contribuent de manière négligeable, ou presque. Pour la Chine le panier est d’un milliard de Chinois Hans capables de travailler dans le domaine des S&T. Ce sont d’ailleurs eux qui dominent l’élite des lycées techniques et des universités américaines. Ainsi, La Chine peut potentiellement mettre cinq fois plus de scientifiques et d’ingénieurs au travail dans le domaine des technologies.
Pendant que les écoles américaines se détériorent sous l’assaut des Social Justice Warriors, la Chine étend sa scolarisation déjà rigoureuse. Ajoutons que les psychométriciens estiment que le QI des asiatiques de l’Est est supérieur d’environ cinq points à celui des Européens blancs. Ainsi, un nombre supérieur et un peu plus intelligents d’étudiants dans des universités exigeantes contre un nombre inférieur et un peu moins intelligents sortant d’écoles de qualité inférieure. Ajoutez ensuite un gouvernement stable et cohérent contre un gouvernement gouverné par le chaos. On peut dire qu’une supériorité technologique massive de la part de la Chine est bien probable.
De plus en plus, l’Amérique ne cherche plus la concurrence loyale avec la Chine mais la manière forte parce qu’elle ne peut plus rivaliser avec elle. Par exemple, dans le domaine de la 5G, la Chine est en avance en matière de technologie, de capacité de production et de systèmes clés en main. Incapable de fabriquer un produit équivalent, Washington a interdit la 5G de Huawei aux États-Unis et a tordu quelques bras pour empêcher les pays sous son contrôle de l’utiliser. Voyant que Huawei avait des smartphones très attrayants qui auraient fait concurrence à Apple, il les a également interdits. Ce que l’Amérique ne peut pas faire, elle cherche à empêcher les autres de le faire.
Wall Street Journal : 5G. Les États-Unis contre la Chine, la bataille n’est même pas encore lancée.
Hong Kong – La Chine ne se contente plus d’être en tête devant les États-Unis en ce qui concerne la 5G. Elle part avec la mise. La Chine compte plus d’abonnés à la 5G que les États-Unis, non seulement en nombre total mais aussi par habitant. Elle a plus de smartphones 5G à vendre, à des prix plus bas, et a une couverture 5G plus étendue. Les connexions en Chine sont, en moyenne, plus rapides qu’aux États-Unis… D’ici la fin de l’année, la Chine disposera d’environ 690 000 relais 5G – les boîtiers qui envoient des signaux 5G aux consommateurs – en fonctionnement dans tout le pays.
Les techniciens peuvent argumenter bande C contre ondes millimétriques, mais je parie que les Chinois, grâce à leur agilité commerciale, auront des stations de base 5G en état de marche dans les usines, et l’Internet des Objets partout ailleurs, pendant que les américains en seront encore à insister sur le fait que la Chine est une menace existentielle, que le Pentagone a besoin de plus d’argent pour son Space Command et qu’à l’école la diversité est plus importante que l’éducation.
La balance est déjà en train de basculer. Par exemple, l’Amérique fabriquait de superbes avions tels que le SR-71 et le F-16. Maintenant, elle a le F-35, une horreur d’ingénierie. Le Boeing 737 MAX, un produit phare, a été cloué au sol au niveau international en raison d’une mauvaise ingénierie, de logiciels de second ordre et de mensonges à outrance.
L’Amérique a inventé le microcircuit, et dominait autrefois sa fabrication. Aujourd’hui, les entreprises américaines ne peuvent pas fabriquer les puces de sept nanomètres utilisées dans les téléphones haut de gamme, et certainement pas les puces de cinq nanomètres qui arrivent sur le marché. La Chine ne le peut pas non plus. Les deux pays les achètent à la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, TSMC. Il est intéressant de noter que les Taïwanais sont génétiquement et culturellement chinois. Washington a forcé TSMC à cesser de vendre à Huawei – les États-Unis ne peuvent toujours pas fabriquer de puces haut de gamme. Récemment, ils ont forcé TSMC à accepter de construire une usine de semi-conducteurs en Arizona. Parce que l’Amérique ne peut pas.
Et puis il y a TikTok, une application vidéo chinoise extrêmement populaire qui a menacé de briser le verrou américain sur les médias sociaux. Incapable de rivaliser, Washington a simplement décidé de la confisquer au motif qu’elle pourrait être utilisée pour espionner les Américains. (Les services secrets chinois sont très intéressés par la vidéo du chat de votre fille).
La technologie semble se déplacer vers l’Asie de l’Est, l’Amérique semblant perdre son avance dans les domaines où elle l’était et prendre du retard dans les autres. Nous avions dit démographie ?
L’avion d’essai de la COMAC, fonctionnant à l’hydrogène, a effectué dix vols
Commercial Aircraft Corporation of China. Les compagnies aériennes s’intéressent de près à l’hydrogène comme substitut au pétrole, car sans émission de carbone.
La Chine choisit un site d’atterrissage pour son rover Tianwen-1 Mars. Il reste à voir si le module d’atterrissage, actuellement en route, se posera ou s’écrasera et brûlera. Dans les deux cas, le fait que ce pays, qui était sans doute le plus pauvre du monde il y a quarante ans et qui pensait que la fabrication de crayons était une activité de haute technologie, ait atterri sur Mars est, en fait, étrange.
L’avion électrique se rapproche de la réalité avec le premier vol chinois
Un avion électrique à quatre places effectue son premier vol dans la ville de Shenyang, au nord-est de la Chine.
Une autonomie de 250 kms, disent les Chinois, attendez-vous à plus avec l’amélioration des batteries. Destiné aux vols courts, aux livraisons.
La Chine est probablement le leader mondial, et certainement en avance sur les États-Unis, dans le domaine du génie civil. En plus des 20 000 miles [32 000 kms] de réseau de train à grande vitesse (180 mph, 290 Km/h) testés pour le train à grande vitesse maglev (360 mph, 580 Km/h), le barrage des Trois Gorges et l’étonnant aéroport de Daxing à Pékin viennent d’ouvrir. En Amérique, les infrastructures vieillissent, les trains ressemblent à un film des années 50, les transports se détériorent car tout l’argent va à l’armée. Comme les États-Unis ne font pas beaucoup de travaux de génie civil, et ce depuis de nombreuses années, ils devront probablement faire appel à des entreprises étrangères quand ils se décideront à les moderniser. (Voir TSMC ci-dessus).
Un aspect intéressant de l’utilisation de la technologie par la Chine est sa compréhension de la vertu d’universalité. En Amérique, si je veux communiquer avec quelqu’un que j’ai rencontré récemment, je dois déterminer si nous avons tous deux Facetime, ou WhatsApp, ou Skype, ou Facebook, ou ceci ou cela. Chacun d’entre eux fait certaines choses mais pas toutes. En Chine, tout le monde, du chien à toute la progéniture utilise WeChat, qui fait tout ce que font les applications américaines, et même plus. Cela simplifie grandement la vie.
Il en va de même pour les paiements. Supposons que vous et moi allions dans un pub tard le soir et que nous finissions par parier sur une bagarre dans un bar. Mon gars perd. Comment puis-je vous payer 100 dollars ? En liquide ? Je n’en ai pas. Par chèque ? Je n’en ai pas sur moi, et il faudrait aller à la banque pour l’encaisser. Un distributeur ? Il est tard dans la nuit et la ville probablement dangereuse. Et ainsi de suite. Avec WeChat Pay ou Alipay, mon téléphone donne l’argent à votre téléphone en deux minutes maxi. En Chine, quatre transactions sur cinq se font par le biais d’une application mobile. Cela fonctionne et c’est incroyablement pratique, car tout le monde a l’une ou l’autre, et elles sont universellement acceptées.
Pékin devient la deuxième ville chinoise à atteindre une couverture complète en 5 G.
Ceux qui s’intéressent à la Chine remarquent rapidement que lorsque Pékin doit décider quelque chose, il le fait, sans quinze ans de palabres, de luttes intestines au sein du Congrès et de poursuites judiciaires interminables. Lorsqu’il décide que quelque chose est important, il le fait, immédiatement. Sur le plan commercial, les Chinois sont rapides et impitoyables. Ils ont été surnommés les Juifs d’Asie. Avec juste un milliard d’entre eux.
Washington tente de paralyser l’avancée technologique chinoise en refusant l’accès à la propriété intellectuelle, poussant Pékin à concevoir ses propres systèmes, créant ainsi un concurrent pour les entreprises américaines.
La Chine dépasse les 110 millions d’utilisateurs de 5 G en moins d’un an
La Chine remplace le moteur russe du J-10C par un WS-10 Taihang fabriqué localement
Le WS-10 Taihang est le premier moteur chinois à turbosoufflante de haute performance et de grande poussée, avec des droits de propriété intellectuelle, a rapporté la télévision centrale chinoise. (Le J-10 est un avion de chasse).
L’une des graves faiblesses de la technologie chinoise était son incapacité à fabriquer des moteurs à réaction. Elle ne peut toujours pas fabriquer de moteurs pour les avions de ligne. Mais elle progresse. Les « droits de propriété intellectuelle » sont importants parce que Washington fera tout ce qu’il peut pour paralyser le développement d’un pays dont il est mortellement terrifié.
La Chine lance la fusée Longue Marche 5 avec comme mission de ramener des échantillons de lune
Une ingénierie impressionnante, du moins si elle fonctionne, mais pas révolutionnaire. Ce qui est impressionnant, c’est que tant de progrès technologiques se produisent si rapidement.
Lenovo se classe n° 1 avec la plupart de ses superordinateurs dans la liste des 500 premiers
Une entreprise chinoise.
Comment fonctionne le yuan numérique chinois ?
Plusieurs pays jouent avec l’idée d’une monnaie numérique, mais c’est la Chine qui semble la plus avancée, avec plusieurs villes qui font actuellement l’objet d’essais à grande échelle. Les paiements se feront par téléphone portable, que les Chinois connaissent bien. Il ne s’agira pas d’une monnaie cryptographique, n’utilisera pas de blockchains et ne nécessitera pas de compte bancaire. Elle intéressera les milliards de personnes dans le monde qui possèdent des smartphones mais pas de compte bancaire, et les reliera à une sorte de Chine virtuelle. Les transferts seront instantanés, ce qui évitera les retards du système SWIFT dominé par les Américains et permettra, au moins potentiellement, de contourner les sanctions américaines. L’inconvénient sera la vulnérabilité à une surveillance minutieuse de la part de la Chine. Pour la plupart des gens, à en juger par leur expérience en ligne, la commodité l’emportera sur les préoccupations relatives à la vie privée.
Le yuan numérique est une approche typiquement chinoise. Pékin décide de faire quelque chose, trouve comment, le teste et, si ça marche, s’en sert. Baddaboum, baddabim, c’est fait. L’Amérique passerait trente ans à se disputer, les banques de Wall Street corrompraient le Congrès pour obtenir le contrôle, différentes entreprises se chamailleraient sur les normes, l’ACLU pataugerait sur les conséquences, et les conservateurs s’inquiéteraient que le dollar numérique puisse contenir des puces pour les transformer en esclaves communistes. (Attendez. Peut-être que ce sont les vaccins qui contiennent les puces pour faire de vous des esclaves communistes).
Beaucoup plus spéculatif : supposons que j’aille à Cancun, que j’écrive une histoire sous contrat avec Xinhua, que je l’envoie par e-mail et que le paiement en yuan numérique apparaisse dans mon téléphone. Comme je suis distrait, je pourrais oublier de le signaler aux impôts. Disons que les hôtels et les magasins qui servent les touristes chinois acceptent le yuan numérique. Je ferais alors partie d’un écosystème opaque et indépendant du gouvernement américain.
Plus sauvage encore : disons que la Chine envoie cinq mille travailleurs au Zimbabwe pour construire un chemin de fer, les paie en yuans numériques qu’ils peuvent dépenser dans un magasin d’une grande entreprise. Les commerçants locaux, voulant une partie du lucre, commencent à accepter la monnaie et les banques zimbabwéennes, sentant la sauce, la transforment en ce que le Zimbabwe utilise comme argent, pour une part. Elle devient de facto une monnaie locale car elle est stable et utilisable à l’extérieur du pays. Le gouvernement pourrait même décider d’en faire la monnaie nationale, ou une monnaie nationale, car elle serait (a) fiable et non gonflable et (b) hors du contrôle américain.
Mais cela ne peut-être qu’une illusion. Et de toute façon, se pourrait-il que les Chinois n’y aient pas pensé.
C’est-à-dire 33 000 pieds. Ce n’est pas de l’ingénierie guatémaltèque. Un pays qui possède la technologie, l’argent et la curiosité nécessaires pour entreprendre de tels projets risque d’être considéré comme un rude compétiteur. La Chine peut se le permettre parce qu’elle a une économie lucrative alors que l’Amérique a un énorme déficit commercial et avilit sa monnaie en imprimant de l’argent pour soutenir un empire militaire.
La plus grande ligne à ultra-haute tension du monde traverse la Chine
(Bloomberg) – » Le State Grid Corp. of China a mis en service la ligne électrique à ultra-haute tension la plus longue et la plus puissante du monde, de son extrême nord-ouest à l’est, très peuplé… Le projet Changji-to-Guquan, à courant continu de 1 100 kV, s’étend sur 2 046 miles… Le projet… a été approuvé en décembre 2015 et la construction a commencé le mois suivant »
Les histoires de ce genre ne sont pas sexy, sauf peut-être pour les ingénieurs en électricité, mais elles sont courantes en Chine et demandent beaucoup de technologie. Douze gigawatts. Une autre, de type technique : « Alibaba adopte la technologie de pointe RISC-V avec le XT910. » Certainement intéressant, peut-être important, mais trop long pour en parler ici.
Tout cela est anecdotique, mais suffisamment d’anecdotes deviennent des statistiques, comme suffisamment de points devient une image.
Fred Reed
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
Note du Saker Francophone Sans oublier la fusion nucléaire, domaine dans lequel la Chine vient de faire un pas de plus.