Par Moon of Alabama – Le 25 mars 2023
The Nation a publié un nouvel article, beaucoup trop long, sur les interventions secrètes d’Israël en faveur de Donald Trump pendant la campagne électorale de 2016 :
The Trump Campaign’s Collusion With Israel (La collusion de la campagne Trump avec Israël)
Alors que les médias américains se sont focalisés sur l’ingérence russe dans l’élection de 2016, la campagne d’un agent secret israélien visant à influencer le résultat n’a jamais été rapportée.
L’article est de James Bamford qui a révélé et écrit beaucoup de choses sur les affaires de renseignement louches.
Avant d’entrer dans les détails, voici un bref résumé de l’histoire. Un collaborateur de Netanyahou ayant une expérience dans le domaine du renseignement a contacté Roger Stone, collaborateur de Trump, et l’a informé de la publication prochaine des courriels qui auraient été piratés au sein du Conseil national démocrate (DNC). Plus tard, la même chose s’est produite avec les courriels d’Hillary Clinton et de son conseiller politique John Podesta. Les Israéliens ont informé Stone de ces « piratages » avant que personne d’autre ne soit au courant de ces problèmes.
Les « piratages » ont ensuite été revendiqués, sans aucune preuve, comme ayant été effectués par les Russes. Bamford, l’auteur de l’article de Salon, soutient cette thèse. Cependant, les détails qu’il décrit, ce que les Israéliens savaient quand et ce qu’ils avaient dit à Roger Stone, rendent beaucoup plus probable que ce soit une entité israélienne qui ait acquis les courriels et les ait utilisés pour donner à Trump un avantage dans la campagne en échange de concessions politiques.
Il n’a jamais été prouvé que le DNC avait été piraté. De nombreuses personnes ont pointé du doigt Seth Rich, un administrateur informatique du DNC qui, étant un fan de Bernie Sanders, était mécontent que le DNC ait triché pour faire de Clinton la candidate. Il est possible qu’il ait téléchargé les courriels du DNC et qu’il les ait transmis à quelqu’un d’autre. Plus tard, Seth Rich a été assassiné dans des circonstances suspects. Ce que je ne savais pas jusqu’à ce que je fasse des recherches sur lui aujourd’hui, c’est que Seth Rich était juif, ce qui pourrait avoir joué un rôle dans les événements racontés par Bamford.
Voici maintenant l’essentiel de l’article de Salon :
Alors que les médias et le système politique américains ont fait une fixation sur le président russe Vladimir Poutine et ses armées de cyber-guerriers, de trolls et de bots, ce qui a été complètement manqué dans l’enquête sur le Russiagate de 2016, c’est la connexion israélienne. Aucun détail à ce sujet n’a jamais été révélé dans le rapport Mueller lourdement expurgé. Il n’a pas non plus été fait mention d’un complot israélien dans le rapport de la commission sénatoriale du renseignement, également expurgé, sur les accusations de collusion lors de l’élection de 2016, ni dans aucun des actes d’accusation ou des procès découlant des accusations portées contre la Russie. Aucune mention de l’implication israélienne n’a non plus été divulguée dans la presse. Pourtant, je peux révéler ici les détails d’une opération secrète élaborée, dirigée personnellement par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui visait à utiliser des renseignements secrets pour intervenir clandestinement au plus haut niveau dans l’élection présidentielle, au nom de Trump.
Les allusions obscures au complot ne sont devenues visibles qu’avec la publication peu remarquée, en 2020, d’un mandat de perquisition du FBI de mai 2018 lourdement expurgé et de la déclaration sous serment qui l’accompagnait.
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Bien que l’affidavit n’ait pas spécifié d’accusés individuels, les nombreuses accusations criminelles potentielles énoncées dans les documents du FBI témoignent de la gravité du complot israélien.
Pour son intervention dans les élections américaines, Netanyahou a fait appel à Isaac Molho, un « assistant de confiance qu’il envoyait dans les missions les plus délicates » :
La clé pour l’agent israélien était de trouver une porte dérobée – un canal secret – vers Trump. Roger Stone, longtemps l’un des principaux collaborateurs de Trump, correspondait à ce profil.
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Un autre collaborateur de Trump fortement impliqué dans la conspiration, selon les documents du FBI, était Jerome Corsi, l’associé de Stone, qui semble avoir été le contact initial qui a relié les Israéliens à Stone.
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Après que Corsi a fourni des informations de contact à Stone, l’agent secret israélien et Stone sont entrés en contact. Puis, le 17 mai, l’agent a écrit : « Bonjour Roger, j’espère que tout va bien. Notre dîner de ce soir à 19 heures est confirmé. J’arrive à 16 heures. Veuillez me suggérer un bon restaurant qui offre de l’intimité« . Le plan initial prévoyait que Stone et l’agent se rencontrent seuls, mais Stone voulait emmener Corsi en renfort. « Je ne me sens pas à l’aise de le rencontrer sans Jerry« , a écrit Stone, qui a ensuite reprogrammé le dîner pour le lendemain.
Selon le mandat du FBI, le jour même où Stone a communiqué avec l’agent israélien, il a commencé à chercher sur Google des termes très étranges, dont « guccifer » et « dcleaks« . Il faudra attendre près d’un mois pour que ces mêmes termes fassent la une des journaux du monde entier. Le 14 juin, le Washington Post annonçait que le DNC avait été piraté par des agents du gouvernement russe. Le lendemain, une personne se faisant appeler « Guccifer 2.0 » revendiquait l’attaque. Il prétendait être un hacktiviste américain, mais selon un acte d’accusation du ministère de la Justice datant de juillet 2018, il s’agissait en fait d’un employé du GRU russe. Peu après, le site web DCLeaks – une autre façade du GRU – a commencé à publier des documents piratés du Parti démocrate.
Il n’existe aucune preuve que le GRU, un service d’espionnage militaire (!), ait quoi que ce soit à voir avec le « piratage« , l’entité Guccifer ou DCLeaks. Ces affirmations ont toujours été dépourvues de preuves et n’ont jamais eu de sens. Mais avant que ces entités n’apparaissent dans le monde, un espion israélien informait Roger Stone à leur sujet :
Le timing implique que l’agent israélien était la source la plus probable de Stone pour les détails confirmés d’une cyberattaque russe contre le DNC, un mois avant qu’elle ne soit connue de quiconque en dehors du Kremlin et du GRU. Si tel est le cas, deux questions essentielles se posent : Comment l’agent israélien a-t-il su, et pourquoi a-t-il révélé les détails à un proche collaborateur de Trump plutôt qu’à l’administration Obama, l’allié supposé d’Israël ?
La réponse évidente est bien sûr qu’il n’y avait pas de Russes impliqués et que ce sont les Israéliens, peut-être par l’intermédiaire de Seth Rich, qui ont effectué le « piratage » :
Le 18 mai, au lendemain des recherches de Stone sur Google, Stone, Corsi et l’agent israélien se sont rencontrés pour dîner au Club 21 sur la 52e rue à New York.
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Le lendemain, l’agent a pressé Stone dans un courriel : « Avez-vous parlé à Trump ce matin ? Des nouvelles ? » Mais Stone est resté timide. « Le contact s’est bien passé« .
Puis, début juin, selon le rapport de la commission sénatoriale du renseignement, Stone a appris que Julian Assange, le chef de WikiLeaks, était sur le point de publier quelque chose de « gros« . Stone a transmis ces informations à Rick Gates, directeur adjoint de la campagne de Trump, et lui a dit qu’Assange semblait avoir les courriels de Mme Clinton. Pourtant, ce n’est que plus tard, le 12 juin, qu’Assange a annoncé publiquement que WikiLeaks avait « des courriels relatifs à Hillary Clinton qui sont en attente de publication« .
Cependant, il a été prouvé plus tard que Stone n’avait jamais été en contact avec Assange ou Wikileaks. Quelqu’un d’autre a dû lui dire que Wikileaks avait ou allait bientôt avoir les courriels de Clinton et qu’il les publierait. Il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un membre du groupe qui s’est procuré les courriels :
Il s’agit là du premier des nombreux conseils donnés à Stone par son nouvel ami israélien. Deux jours plus tard, le DNC annonçait qu’il avait été piraté par la Russie. Le lendemain, Stone a de nouveau tapé « Guccifer » et « dcleaks » sur Google, quelques heures avant que Guccifer 2.0 ne revendique publiquement le piratage. Le 21 juin, alors que Guccifer publiait de nouveaux documents, l’agent israélien informe Stone qu’il est à New York accompagné d’un haut fonctionnaire et qu’il souhaite rencontrer Trump.
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L’agent israélien a écrit le 8 juillet : « Bonjour Roger, avez-vous reprogrammé la rencontre avec DJT ? Le Premier ministre fait pression pour qu’une décision rapide soit prise« .
Stone semble avoir été en contact permanent avec l’agent israélien :
Alors que Trump prenait d’assaut le Midwest pour obtenir des votes, Guccifer 2.0 effectuait les derniers préparatifs en vue d’une autre publication importante de documents. Le 14 juillet, Guccifer envoyait à WikiLeaks un courriel intitulé « big archive« , accompagné d’une pièce jointe cryptée d’un gigaoctet. Quatre jours plus tard, le 18 juillet, le compte Twitter de WikiLeaks informait Guccifer que les données avaient été reçues et que la publication des courriels piratés de la DNC était prévue pour le courant de la semaine.
Le lendemain ou aux alentours de cette date, Donald Trump […] a reçu un appel téléphonique de Roger Stone.
« Roger, comment vas-tu ?« , lance Trump.
« Bien« , a répondu Stone. « Je voulais juste te dire que j’ai eu Julian Assange au téléphone il y a un instant. Et dans quelques jours, il y aura une énorme publication de courriels qui sera extrêmement préjudiciable à la campagne de Clinton« .
Trump s’est montré satisfait. « C’est bien. Tenez-moi au courant« , a-t-il dit dans un petit haut-parleur noir posé sur son bureau. Michael Cohen était assis à proximité. « Le croyez-vous ? Pensez-vous que Roger a vraiment parlé à Assange ? » a demandé Trump.
« Je ne sais pas« , a répondu Michael Cohen. « Roger est Roger, et pour ce que vous en savez, il a vu cela sur son compte Twitter. Je ne connais pas la réponse. »
En fin de compte, ni l’équipe de Mueller ni le FBI n’ont pu trouver de communications substantielles ou conspiratoires entre Stone et WikiLeaks.
Encore une fois, les informations sur les fuites à venir provenaient de l’agent israélien :
Rien n’indique comment Stone a pu savoir ce qu’il savait, ce qui ne laisse qu’une explication apparente : l’agent de Netanyahou lui a transmis l’information. Comme dans le cas du piratage du DNC, l’information était tout à fait exacte.
Ensuite, Bamford, qui avait promu l’absurdité du piratage russe, avance cette étrange tentative d’explication :
Il n’y a jamais eu de preuve que Stone ait appris les communiqués de WikiLeaks ou des Russes, mais pendant cette période, lui et Jerome Corsi étaient en contact avec l’agent israélien. La version israélienne de la NSA, l’unité 8200, qui emploie certains des spécialistes en électromagnétique les mieux formés au monde et qui est dotée de capacités d’interception avancées, pourrait bien avoir surveillé la Russie et WikiLeaks.
L’autre possibilité, à savoir que des agents israéliens aient acquis les courriels du DNC, peut-être par l’intermédiaire de Seth Rich, et aient ensuite accédé au compte de messagerie de Podesta, n’est pas prise en compte. Il leur aurait été facile de créer l’entité Guccifer et de transmettre les documents à Wikileaks.
Je trouve cela bien plus probable que les spéculations de Bamford, dépourvues de preuves, selon lesquelles des espions israéliens auraient mis sur écoute les Russes et Wikileaks.
Trois jours plus tard, le 22 juillet, alors qu’Hillary Clinton s’apprêtait à annoncer le choix de son colistier à la veille de la convention nationale du Parti démocrate, WikiLeaks publiait environ 20 000 courriels volés au DNC. « Je vois que Roger avait raison« , a déclaré Trump à Cohen.
Voici maintenant l’affaire Podesta :
Le mercredi 29 juillet, l’agent israélien a repris contact avec Stone et Corsi et s’est empressé d’entrer en relation avec Trump, maintenant que la convention était terminée et qu’il était le candidat républicain. … Le lendemain, les deux hommes se sont entretenus au téléphone pendant 68 minutes. Le lendemain, 31 juillet, Stone a eu deux appels téléphoniques avec Trump qui ont duré plus de 10 minutes.
Le mardi 2 août, malgré l’échec des tentatives précédentes pour entrer en contact avec Assange, Corsi a pu envoyer à Stone un message détaillé sur les projets futurs de WikiLeaks :
Il paraît qu’un ami à l’ambassade prévoit deux autres publications. L’une peu après mon retour, la deuxième en octobre. L’impact prévu sera très dommageable…. Il est temps de laisser plus que Podesta être exposé comme étant dans le lit de l’ennemi s’ils ne sont pas prêts à laisser tomber HRC. C’est ce qui semble être le jeu des hackers. Cela ne ferait pas de mal de commencer à suggérer que HRC est âgée, qu’elle a une mauvaise mémoire, qu’elle a fait une attaque – ni elle ni lui ne se portent bien. Je m’attends à ce que ce soit l’objet du prochain dumping, préparant ainsi le terrain pour la débâcle de la Fondation.
Corsi a ensuite déclaré à Stone qu’il y avait « plus à venir que tout le monde ne le pense. Cela ne commencera vraiment qu’après la fête du travail« . Les détails, y compris la première indication que le président du bureau de campagne de Clinton, John Podesta, était une cible, provenaient d’une autre personne qu’Assange.
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Il semble qu’Israël ait planifié sa propre surprise d’octobre ou qu’il ait été au courant de la publication prévue par Guccifer des courriels de Podesta avant l’élection. Le lendemain du jour où Corsi a suggéré de rencontrer l’agent de Netanyahou, Stone a pour la première fois indiqué publiquement que Podesta deviendrait bientôt une cible pour WikiLeaks, prédisant ainsi l’événement six semaines avant qu’il ne se produise. « Croyez-moi, l’heure de Podesta va bientôt sonner. #CrookedHillary« , peut-on lire dans son tweet. Étant donné que ni Assange ni Guccifer n’ont été une source pour Corsi ou Stone, le tweet pointe une fois de plus vers l’agent israélien qui était en communication avec eux au sujet de la surprise d’octobre.
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À peu près au même moment, Stone avait une conversation avec Paul Manafort, qui avait alors quitté la campagne mais était resté en contact avec les cercles politiques de Trump. Selon le témoignage ultérieur de Manafort devant la commission du renseignement du Sénat, Stone lui a dit que « John Podesta allait être dans les choux« , répétant l’affirmation qu’il avait faite par tweet le 21 août, et qu' »il allait y avoir des fuites de courriels de John Podesta« . Quelques jours plus tard, le 29 septembre, Stone a appelé Trump, qui se rendait à l’aéroport LaGuardia de New York dans sa limousine noire à l’épreuve des balles. À la fin de l’appel, Trump a dit à Rick Gates, qui était assis à côté de lui, que « d’autres fuites d’informations compromettantes allaient avoir lieu« .
Le 7 octobre, WikiLeaks publiait 2 050 courriels de Podesta qui étaient préjudiciables à Hillary Clinton et à sa campagne, comme Stone l’avait prédit un mois et demi plus tôt.
Il n’y a pas eu d' »intervention russe » dans l’élection de 2016, mais une intervention israélienne tous azimuts. Comme d’habitude, l’État profond a dissimulé cette intervention :
Tout au long de cette chaîne d’événements – y compris le procès, le rapport Mueller et le rapport de près de 1 000 pages de la commission du renseignement du Sénat – aucune allusion à l’implication d’Israël n’a été rendue publique. Malgré les violations manifestes de la loi américaine et les mois de tentatives d’ingérence clandestine et de haut niveau dans l’élection présidentielle, aucun détail n’a été publié et aucune audition ou enquête du Congrès n’a eu lieu. Il n’y a jamais eu non plus d’allusion dans la presse, qui est restée obnubilée par la Russie.
Les preuves, cependant, suggèrent que tout au long de l’été et de l’automne 2016, Israël a illégalement interféré dans l’élection présidentielle américaine. Un agent de haut rang de Netanyahou offrait secrètement des renseignements et d’autres formes d’assistance secrète à Trump pour le faire élire, le tout sans aucune surveillance ou examen de la part du FBI ou des médias américains, bien que ces derniers aient eu de nombreux employés en Israël à l’époque.
Enfin, près de huit ans après les faits, nous disposons pour la première fois d’une explication raisonnable pour les « piratages » et la publication des courriels de Clinton, du DNC et de Podesta. Les agents de Netanyahou ont fait cela en échange de concessions politiques à Israël de la part de Trump.
Ces agents israéliens ont du bien rigoler de l’absurdité de l' »intervention russe » qui a berné le public américain.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.