La capitulation de Tsipras au sommet de l’Eurozone montre que son ouverture à Moscou n’a jamais été sérieuse et qu’il a toujours été attaché à une solution européenne gardant la Grèce dans l’euro.
«...La simple vérité est que la classe politique grecque – dont il est clair maintenant que Tsipras et Syriza font partie – est totalement engagée dans le projet européen et incapable de chercher une solution hors de celui-ci, aussi terrible en soit le coût.
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Il est maintenant clair, d'après les résultats du référendum – Merkel, Hollande et Rienzi ayant dit aux Grecs que c’était un référendum sur l’euro – que le peuple est beaucoup moins attaché à l’euro que ses dirigeants.»
Par Alexander Mercouris – Le 15 juillet 2015 – Source : Russia Insider
Un article que j’avais écrit il y a quelques semaines, dans lequel je parlais de la politique de Tsipras à l’égard de la Russie comme franchement manipulatrice, a été mal perçu par certaines personnes (voir Playing Russia and Europe off Against Each Other Is Losing Greece Friends, Russia Insider, 25 juin 2015).
La conduite de Tsipras ces dernières semaines leur a sûrement ôté tout doute sur cette question.
Sa capitulation totale devant les demandes de Merkel et son échec à se préparer à un Grexit (voir Angela Merkel’s Disastrous Part in the Greek Crisis, Russia Insider, 14 juillet 2015), tout cela venant immédiatement après un référendum auquel il avait appelé dans le but de le perdre, ne permet pas d’autre interprétation.
Puisque Tsipras n’a jamais projeté de sortir de l’euro – ou de chercher d’autres sources de financement hors de l’Eurozone – il faut maintenant voir son approche de la Russie pour ce qu’elle était – une tentative d’agiter un épouvantail russe pour faire peur aux Européens et les amener à des concessions.
Comme il est maintenant douloureusement évident, le défi du bluff a été relevé [par l’UE] – ce qui devait arriver en l’absence de mesures sérieuses pour le traduire dans la réalité – laissant Tsipras et la Grèce cruellement exposés.
La simple vérité est que la classe politique grecque – dont il est clair maintenant que Tsipras et Syriza font partie – est totalement engagée dans le projet européen et incapable de chercher une solution hors de celui-ci, aussi terrible en soit le coût.
On pourrait dire que ce qui est vrai pour la classe politique grecque n’est pas nécessairement vrai pour le peuple grec dans son ensemble.
Il est maintenant clair, d’après les résultats du référendum – Merkel, Hollande et Rienzi ayant dit aux Grecs que c’était un référendum sur l’euro – que le peuple est beaucoup moins attaché à l’euro que ses dirigeants.
A ceux qui soulignent les résultats des sondages d’opinion confirmant prétendument une forte adhésion des Grecs au maintien dans l’euro quel qu’en soit le prix, on répondra brièvement qu’avec les politiciens grecs et les médias d’information réunis pour maintenir à tout prix la Grèce dans l’euro, le débat qui aurait permis aux Grecs de choisir ne s’est jamais vraiment ouvert.
Au contraire, ce qu’ils ont constamment dit aux gens en Grèce est qu’ils voulaient mettre fin à l’austérité en restant dans l’euro et que la solution de le quitter causerait l’effondrement de la Grèce.
On leur a même menti, comme je l’ai écrit, en affirmant que le dernier accord laissait entrevoir une éventuelle restructuration de la dette, alors que le texte du sommet de lundi le rend clairement impossible (voir de nouveau Angela Merkel’s Disastrous Part in the Greek Crisis, Russia Insider, 14 juillet 2015).
Les partisans de Tsipras affirment même que la Grèce a remporté une victoire importante au sommet de l’Eurozone en démasquant le projet funeste de Schäuble d’expulser la Grèce de la zone euro et que par conséquent quiconque s’oppose à l’accord doit être un larbin de Schäuble et un ennemi de la Grèce. En Grèce, Schäuble a été si soigneusement dépeint comme un monstre par la classe politique que personne n’est prêt à dire que, au contraire, ce qu’il proposait n’était pas un complot contre la Grèce mais la voie de sa délivrance.
D’une certaine manière, le genre du débat sur l’euro en Grèce est comparable à celui qui a eu lieu en Ukraine lorsque l’Accord d’association avec l’UE était en discussion.
Des sondages d’opinion sont parus à plusieurs reprises visant à montrer qu’une majorité d’Ukrainiens souhaitait que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne plutôt que l’Union eurasienne dirigée par la Russie. Tout le débat sur l’Accord d’association s’est ensuite déroulé à partir de cette base.
Personne en Ukraine n’a jamais proposé l’inverse au peuple ukrainien en disant que l’adhésion à l’UE n’était pas possible, tandis que l’adhésion à l’Union eurasienne l’était.
Jusqu’à ce que la classe politique grecque abandonne ces attitudes aveuglément pro-UE (que l’auteur indépendant Anatoly Karlin a appelées un culte du cargo [chez les Aborigènes de Mélanésie, le culte de ce qui tombe du ciel, NdT] – ou soit remplacée – la perspective de liens plus étroits avec la Russie restera éphémère.
Les résultats du référendum grec montrent qu’il y a un fort soutien pour faire en sorte que cela n’arrive jamais.
Cela a brièvement ouvert le débat sur la question de savoir pourquoi cela horrifie autant la classe politique en Grèce et les dirigeants de l’UE.
Dans ce cas, le résultat a été bien pire qu’attendu, montrant à quelle vitesse l’opinion en Grèce peut changer si le débat sur les choix du pays est enfin mené honnêtement et ouvertement.
Entre-temps, c’est devenu maintenant une certitude que l’accord sur le gazoduc avec Gazprom vanté par le ministre de l’Énergie Lafazanis est mort.
Cela a toujours été essentiellement son projet et puisqu’on sait qu’il s’oppose à l’accord que Tsipras vient de conclure à Bruxelles, ses jours dans le gouvernement sont comptés. Lui parti, le projet n’aura plus de partisans et sera tranquillement abandonné. D’ailleurs, avec une Grèce fondamentalement sous la coupe de Merkel, elle ne le laissera jamais advenir.
Quant aux Russes, ils doivent être passablement furieux de la manière dont Tsipras les a dupés dans le processus, compromettant la position claire et forte qu’ils ont prise l’automne dernier en disant qu’ils ne construiraient pas de gazoducs sur le territoire de l’UE (voir “What Russia Offered Greece”, Russia Insider, 25 juin 2015).
Comme à leur habitude, les Russes n’ont rien dit. Ils n’oublieront pourtant pas ce qui s’est passé, comme le futur dirigeant grec qui se rendra à Moscou pour y chercher de l’aide le découvrira un jour.
Alexander Mercouris
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker francophone