Par Scott Humor − le 25 avril 2018 − Source thesaker
Le lundi 16 avril, la machine bien huilée des sanctions anti-russes a connu un gros problème. Ce jour-là, le Trésor américain a promis d’annoncer de nouvelles sanctions contre des entreprises et des personnes russes, si l’on en croit l’ambassadeur américain auprès de l’ONU, Nikki Haley.
À chacun de deviner pourquoi l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU ferait des choses telles qu’une annonce des plans du Trésor américain, surtout que ce lundi, alors qu’il était encore tôt aux États-Unis, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a donné une interview à la BBC, durant laquelle il a prononcé les mots suivants : « … L’obsession de la russophobie ressemble, vous le savez, à un génocide par des sanctions. »
Pour autant que je sache, personne dans les médias n’a fait attention à ses paroles, se concentrant plutôt sur des choses qui n’ont pas d’importance, comme l’oligarque russe Deripaska.
Cependant, quelqu’un a fait attention, car quelques heures plus tard…
D’abord, le directeur du Conseil économique national américain, Larry Kudlow, a suggéré que l’ambassadeur des États-Unis auprès des Nations Unies, Nikki Haley, était « confuse » lorsqu’elle a annoncé dimanche que l’administration Trump dévoilerait de nouvelles sanctions contre la Russie. La secrétaire de presse de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, a ensuite répondu aux commentaires de Haley lors d’un point de presse lundi, affirmant que l’administration « envisage des sanctions supplémentaires contre la Russie » mais n’a pas pris de décision finale.
Alors que continue le jeu de blâme pour savoir qui est confus, personne ne pouvait dire pourquoi les plans de l’administration pour « étrangler » la Russie économiquement au moyen d’une avalanche de sanctions se sont mélangés les pinceaux.
La clé ici était la remarque de Lavrov sur la nature des sanctions anti-russes qualifiées de génocide. Cela indique un renversement complet de l’attitude du gouvernement russe envers les sanctions qui, depuis quatre ans, sont plutôt positives, car elles aident l’économie russe à se développer. Ces sanctions ne sont pas nouvelles pour ce siècle, depuis que les États-Unis ont commencé à sanctionner la Russie en 2001, plus de 70 sanctions annoncées et d’innombrables sanctions cachées ont été imposées aux industries, entreprises, capitaux, éducation, culture, science et personnes de la Russie. Parmi les nombreuses sanctions mal venues à l’encontre de la Russie, on peut citer la loi sur le statut de l’Ukraine 5094 et le projet de loi américain 1644 H. 1644, la loi sur l’interdiction et la modernisation des sanctions en Corée.
Après l’organisation [en 1991], par les gouvernements occidentaux et les dirigeants soviétiques traîtres de l’écartèlement du pays et de la soumission d’un tiers de ses territoires et de ses habitants à l’esclavage occidental, le gouvernement américain et ses institutions ont organisé dix années de terreur libérale. En conséquence, la Russie a compté 10 millions de morts, comparables au génocide par la terreur des bolcheviks et à l’invasion fasciste européenne de la Russie soviétique en 1941-1945.
Du point de vue des Russes, les nations occidentales n’ont jamais cessé leurs guerres contre eux. C’est peut-être pourquoi tout le monde a ignoré la nouvelle définition de Lavrov des sanctions occidentales en tant que génocide. En outre, la question n’était pas que le Trésor américain avait sanctionné quelques familles juives mises en place par « l’équipe de liquidation russe » pour saisir des actifs économiques stratégiques et transférer des milliards russes aux banques britanniques et américaines, tout en utilisant ces actifs pour créer une atmosphère explosive dans les liens sociaux à l’intérieur du pays. Ils l’avaient fait à plusieurs reprises, une fois au printemps 2009, avant les élections présidentielles en ne payant pas les travailleurs de la ville de Pikalevo, dans le nord du pays, provoquant des manifestations dramatiques pendant des semaines. Le gouvernement a fini par payer 63 millions de roubles d’arriérés de salaires aux travailleurs.
Vladimir Poutine, qui était alors Premier ministre, a dû intervenir personnellement pour obliger les propriétaires à payer leurs dettes aux travailleurs indignés de la ville de Pikalevo, à 246 kilomètres à l’est de Saint-Pétersbourg, avec une population de 22 200 habitants. Au début de cette année là, les trois installations industrielles essentielles de la ville ont été fermées. En conséquence, les populations locales sont descendues trois fois dans la rue pour réclamer la restauration de l’approvisionnement en chaleur et en eau, au moins dans les hôpitaux et les centres de soins aux enfants. Avant l’intervention de Poutine, des manifestants avaient bloqué la route fédérale Novaya Ladoga-Vologda.
« Vous avez pris des milliers de personnes en otage de votre incompétence, de vos ambitions et, probablement, de votre cupidité. C’est absolument inadmissible », a alors déclaré Vladimir Poutine à Oleg Deripaska, ainsi qu’aux autorités locales. « Personne ne pourra jamais me convaincre que les autorités régionales ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour aider le peuple. » C’est alors qu’a fuité la fameuse vidéo de Poutine obligeant Deripaska à signer un nouveau contrat et à lui dire « rends-moi mon stylo ».
Quiconque possède un minimum de cerveau comprend que l’État peut toujours enlever son stylo à des hommes de paille tels que Deripaska et d’autres oligarques. Cela aide la population en général à considérer comme injuste et immoral que des gens se saisissent des biens développés et construits par l’Union soviétique. Il est donc peu probable que Lavrov ait qualifié de « génocidaire » l’idée de retirer des actifs à Deripaska, aux Rothenbergs et aux Vekselbergs. Puisque, dans les entreprises les plus sanctionnées, l’actionnaire principal est l’État, et que les sanctions ne permettent pas aux étrangers de racheter les parts des personnes sanctionnées, l’État obtiendra leurs actions d’une manière ou d’une autre.
Le virage dramatique dans l’attitude du gouvernement russe vis-à-vis des sanctions se prolonge avec les remarques et réponses de Lavrov aux questions des médias suite à une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de coopération de Shanghai, à Beijing, le 24 avril 2018.
« En ce qui concerne les résultats de la réunion des ministres des Affaires étrangères à Toronto, ses fondements antirusses sont clairs. Malheureusement, cette ligne anti-russe et très glissante a été suivie même par les pays du G7 qui nous assurent qu’ils ne partagent pas les tentatives d’isolation de la Russie.
Nous défendrons nos positions et attendrons patiemment que nos partenaires se rendent compte que ces actions mènent à une impasse absolue. »
Encore une fois, Lavrov souligne que les sanctions américaines sont génocidaires, racistes, qu’elles visent la nation russe et qu’elles vont amener ceux qui les imposent à « une impasse absolue ».
La raison principale pourrait être les sanctions contre Rosoboronexport, l’unique agence d’État pour les exportations/importations russes de produits, technologies et services liés à la défense et à double usage civil et militaire, et la capacité de la Russie à se protéger elle-même et ses alliés.
Lavrov n’exagère jamais et énonce toujours clairement ce qu’il en est. Si les États-Unis continuent sur la voie des sanctions, ils atteindront une impasse absolue, car à ce stade des sanctions d’avril, le Trésor américain s’est déplacé sur un terrain décrit dans la nouvelle doctrine militaire russe comme une menace à l’existence de la nation.
La panique qui s’est installée le 16 avril indique que l’administration de Trump et quelqu’un à l’intérieur du gouvernement américain a reçu le message.
Scott Humor
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone