Après sa fuite hors de Turquie, Soros quittera-t-il les autres pays du «Grand Sud» ?


Par Andrew Korybko – Le 3 décembre 2018 – Source orientalreview.org

andrew-korybkoLa « Fondation pour une société ouverte » de Soros a décidé de mettre fin à ses activités en Turquie.

Les représentants de l’organisation ont déclaré que ce départ faisait suite aux accusations récentes à leur encontre concernant des ingérences dans les affaires internes du pays : il s’agit d’une allusion aux affirmations du président Erdogan de la semaine dernière, qui déclarait l’Open Society Foundation comme impliquée dans la tentative de révolution de couleur du Parc de Gezi en 2013.

George Soros

Mais toute l’ironie réside dans ce que l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays constitue la raison d’être de cette fondation. Franchement, ils prennent ici une décision responsable : ils ont bien reçu les avertissements, et ont compris que des mesures de répression allaient constituer la suite imminente des opérations si ils ne pliaient pas bagage de leur plein gré. Il s’agit d’une décision gagnant-gagnant pour l’organisation ainsi que pour le gouvernement turc : la fondation peut évacuer des actifs étrangers hors du pays et démanteler son réseau public, et l’État n’aura pas à faire face à des campagnes de guerre de l’information, que l’on pouvait prédire de la part des médias traditionnels contre la Turquie, si le pays avait pris des mesures similaires à celles de la Russie pour virer l’organisation de son sol.

Ce quiproquo constitue donc une sortie pragmatique pour les deux parties : les agents de guerre hybride domestique de la fondation Open Society s’en sortent à bon compte malgré le fait que l’État turc soit très probablement tout à fait au courant de leurs identités, et n’hésitera pas à les arrêter s’ils reviennent jamais menacer la sécurité intérieure – à supposer qu’ils décident d’entrer en clandestinité pour poursuivre leurs activités de déstabilisation. Mais en même temps, les plus zélés d’entre eux pourraient déménager hors du pays, et poursuivre leur travail à distance au travers des réseaux sociaux et d’autres canaux. Mais au vu du contrôle important que pratique l’État turc sur les accès à internet, cette menace apparaît comme gérable et semble bien moins dangereuse que si la « Fondation pour une société ouverte » et ses employés poursuivaient sans entrave leurs activités sur le sol turc.

La retraite de Soros hors de Turquie pourrait constituer une sorte d’avant première : le président Erdogan inspire un très grand respect à la communauté musulmane internationale, aussi appelée « Oumma », si bien que d’autres gouvernements musulmans pourraient s’inspirer de sa décision de montrer la porte de sortie à la « Fondation pour une société ouverte », et en faire autant, en espérant que l’ensemble de la cinquième colonne derrière les processus de révolution de couleur plie bagage également. Soros et son organisation pourraient essayer de résister à d’autres États moins forts que l’État turc dans ce processus, par exemple au travers de campagnes de dénigrements dans les médias ; mais l’issue de telles opérations serait incertaine, surtout si ces gouvernements décidaient d’emprisonner les employés nationaux du groupe, au prétexte qu’ils se prêtent à des opérations menaçant la sécurité nationale.

Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais l’heure de la retraite a peut-être sonné pour Soros dans le « Grand Sud ».

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le vendredi 30 novembre 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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