… mais une faible croissance économique et relativement peu d’émigration
Par Chris Hamilton – Le 27 novembre 2017 – Source Econimica
J’ai lu énormément d’articles citant la croissance démographique comme un prérequis pour plus de consommation ou une croissance économique plus poussée. Avant que quelqu’un ne lance ce sujet en tant que moyen d’action économique ou environnemental ou politique, je pense que certaines informations de base sur le sujet sont nécessaires.
D’abord, il n’est pas choquant de dire que la race humaine a connu une croissance spectaculaire, en particulier depuis 1850, passant de 1,3 milliard à 7,6 milliards d’habitants aujourd’hui. Cette période de croissance spectaculaire et atypique est une situation que les personnes vivantes ont toujours connue… C’est donc un cadre de référence partagé où penser que c’est « la normalité » est compréhensible. Cette période a tellement faussé la pensée que la plupart des économistes traditionnels croient que la croissance économique est l’augmentation de la valeur marchande ajustée de l’inflation des biens et services produits par une économie au fil du temps.
La grande supposition ainsi faite est que des capacités économiques et une production toujours plus grandes seront perpétuellement satisfaites par une demande croissante. Si les nations ne peuvent que canaliser davantage d’investissements pour créer une capacité et une production perpétuellement plus élevées, le système prospérera… Ainsi va cette « logique ». Cependant, assez simplement, je vais montrer que la Fed et les banques centrales dans le monde tentent d’accélérer la création de nouvelles / meilleures capacités de production (via la baisse des taux d’intérêt et le désendettement) pour parvenir à une décélération naturelle des nouveaux consommateurs.
- La croissance démographique s’est principalement déplacée vers l’Afrique ; elle seule connaît une accélération de sa croissance démographique annuelle, alors que toutes les autres régions ont une croissance qui ralentit ;
- Les Africains ont un revenu disponible, une épargne ou un accès au crédit minimal ;
- L’Afrique consomme très peu par rapport aux pays développés (15% de la population mondiale consomme seulement 4% du pétrole mondial) ;
- L’immigration en provenance d’Afrique (en particulier l’Afrique subsaharienne où la croissance démographique est rapide) a toujours été et continue d’être très faible par rapport aux autres régions ;
- L’inadéquation consistant à voir presque toute la croissance démographique dans un lieu qui ne génère pas de croissance économique importante et ne fournit pas de très nombreux immigrants signifie en pratique que l’Afrique est un non-facteur économique et que, à l’exclusion de l’Afrique, la croissance de la population mondiale et la croissance économique sont presque terminées ;
- La politique de taux d’intérêt des banques centrales suit systématiquement la population des nouveaux-nés (sauf pour l’Afrique) et une mise en œuvre du ZIRP est imminente car la population en âge de procréer (sauf pour l’Afrique) est sur le point de commencer à se contracter.
Population mondiale totale
Depuis 1700, la population totale a été multipliée par 10 (graphique en entête). Cependant, le rythme accéléré de la croissance à partir de 1850 s’est brusquement terminé vers 1970, avec depuis un taux de croissance en berne. Ceux qui regardent simplement la population totale ont peut-être manqué ce petit détail qui compte beaucoup.
La croissance démographique annuelle maximale est observée à la fin des années 1980, ajoutant plus de 90 millions d’humains par année (graphique ci-dessous). Si on divise le monde en cinq groupes à peu près égaux, la croissance démographique a décéléré d’environ 10 millions par an alors que les sources géographiques de cette croissance ont considérablement changé (loin de l’Asie de l’Est et de l’Europe / Amérique du Nord / Australie), décélérant aussi en Asie du Sud, et accélérant en Afrique). La croissance de la population serait beaucoup plus importante si l’on ne tenait pas compte de l’espérance de vie nettement plus courte de l’Afrique (60 contre près de 80 en Amérique du Nord).
En regardant ces sources annuelles de croissance démographique par zone géographique, il devrait être évident que toutes décélèrent sauf une, l’Afrique (graphique ci-dessous).
Le tableau ci-dessous met en évidence les taux de fécondité mondiaux pour 2016… d’où provient la croissance démographique mondiale. Simplement, il y a une bulle avec l’Afrique subsaharienne.
En ce qui concerne la croissance annuelle (de 2017 à 2050, graphique ci-dessous), la croissance accélérée de l’Afrique est importante par rapport à la décélération partout ailleurs.
Consommation de pétrole en Afrique
Mais l’Afrique ne consomme pas comme le reste du monde. Le graphique ci-dessous détaille l’augmentation minimale de la consommation de pétrole en Afrique par rapport à l’Inde et à la Chine (de taille similaire) de 1980 à 2015. En 1990, l’Afrique et la Chine ont presque consommé la même quantité de pétrole. Depuis 1990, la Chine a presque quintuplé sa consommation de pétrole alors que l’Afrique a moins que doublé. Pour donner une perspective, considérons que l’Arabie saoudite et ses 33 millions de citoyens consomment plus de pétrole que les 1,2 milliard d’Africains.
Parité de pouvoir d’achat africain
Selon la Banque mondiale, le revenu moyen par habitant en Afrique subsaharienne (ASS) est resté pratiquement inchangé de 1993 à 2008, passant de 742 à 762 dollars par habitant. En 1993, 25% des 5% les plus pauvres du monde vivaient en Afrique subsaharienne. En 2008, 60% des personnes les plus pauvres du monde vivaient en Afrique subsaharienne. La majorité des Africains subsahariens consacrent jusqu’à 75% de leur revenu uniquement à la nourriture. Les choses n’ont fait que s’aggraver depuis 2008. Étant donné que les produits sont évalués globalement en dollars, les Africains et en particulier l’énorme croissance de la population ASS n’ont tout simplement pas les moyens d’être des consommateurs et ont franchement plus d’inquiétudes à avoir que l’économie mondiale.
Ci-dessous, voici le PIB par habitant ou parité de pouvoir d’achat (PPP). Les pays à faible PPP sont en rouge (Afrique centrale), les modérés en vert, les plus élevés en bleu et les très hauts en magenta. La plupart des produits et des exportations mondiaux coûtent la même chose dans le monde entier… Donc ceux qui ont un PPP élevé (et particulièrement ceux qui ont un accès relativement facile au crédit) peuvent consommer beaucoup plus que ceux qui ont un PPP bas. La plupart des pays surlignés en rouge (en particulier en Afrique) ont des PPA inférieurs à 2000 dollars par an (allant aussi bas que 400 dollars par an). Les pays ayant des PPP de 2000 dollars sont généralement alignés avec le PIB par habitant d’Haïti ou un tiers de celui de Cuba [Mais pas le même indice Gini, NdT]… et environ 4% du PIB américain par habitant.
Total des naissances par région par période de 5 ans
Le nombre décroissant de naissances partout sauf en Afrique devrait être évident à voir (graphique ci-dessous).
Naissances par région par périodes de cinq ans. Encore une fois, il est partout en déclin sauf en Afrique…
- Europe / Amérique du Nord / Océanie : en déclin depuis 1960 malgré l’afflux massif d’immigrants ;
- Asie de l’Est (Chine, Japon) : en déclin depuis 1970 ;
- Asie du Sud (Inde) : en déclin depuis 2000 ;
- Reste du monde : culmine maintenant ;
- Il n’y a qu’une seule rame dans l’eau du point de vue de la croissance démographique… l’Afrique. Et comme une barque avec une seule rame, il y a beaucoup de brassage mais finalement le bateau ne va nulle part.
Population en âge de procréer
La croissance économique est vraiment simple. Additionnez les changements dans la quantité de personnes sur une période par rapport à leur épargne, revenu, et accès au crédit… et cela représente la variation de la demande. De manière assez drôle, la Réserve Fédérale semble être d’accord avec moi puisque ses taux des fonds fédéraux semblent refléter le changement de la population mondiale au niveau des naissances (sauf l’Afrique). Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la population mondiale en âge de procréer âgée de 15 à 40 ans (par blocs de cinq ans) par rapport à la moyenne quinquennale du taux des fonds fédéraux. Ça ne pouvait vraiment pas être un meilleur match. Donc, ceux qui sont curieux de savoir où vont les taux de la Federal Reserve, il faut simplement regarder la population en âge de procréer (sauf l’Afrique) au cours de la prochaine décennie et il y a de bonnes chances que la mise en œuvre de NIRP (politique de taux d’intérêt négatif) soit imminente.
Encore un coup d’œil, mais pour montrer la population mondiale totale (hors Afrique) et le taux de croissance démographique global (hors Afrique) par rapport au taux de la Federal Reserve et par rapport à la dette mondiale totale. Les taux ont été augmentés sous la pression de la croissance accélérée, puis coupés par la décélération de la croissance démographique, et ils deviendront négatifs avec le déclin absolu imminent de la population mondiale en âge de procréer (hors Afrique).
Même la définition la plus inclusive de la population féminine en âge de procréer des 15 à 49 ans a amorcé son processus de pic alors que le taux de natalité global, hors Afrique, est négatif et continue de baisser. Un effondrement est possible (probable ?) car la combinaison d’une quantité décroissante de femmes en âge de procréer (hors Afrique) et d’un taux de fertilité négatif de plus en plus élevé va agir fortement dans la prochaine décennie.
Population mondiale des 0-45 ans (hors Afrique) versus naissances globales par périodes de cinq ans (hors Afrique). La prochaine étape est probablement imminente.
Changement du taux de fécondité par périodes de cinq ans, par régions.
Le tableau ci-dessous met en évidence à quoi la population âgée de 0 à 5 ans hors Afrique et en Afrique ressemblera vraisemblablement jusqu’en 2050.
Pour référence, le graphique ci-dessous montre le changement annuel de la population de l’Europe / Amérique du Nord / Océanie versus Asie de l’Est (Chine, Japon, N / S Corée, Taiwan).
Encore une fois pour référence, le changement démographique annuel de l’Afrique par rapport à l’Asie du Sud.
Sources de migration dans le monde
Étant donné que les sources de croissance démographique devraient être évidentes, il est critique de comprendre les sources de migration. Le tableau ci-dessous montre les principales sources de migration, par périodes de cinq ans, par régions (monde). Voici quelques faits saillants de 1950 à 2015 :
- L’Afrique subsaharienne a été une source d’immigration relativement insignifiante depuis les années 1980… et même alors, elle n’a jamais rivalisé avec les migrations d’Amérique latine (principalement du Mexique) ou de l’Asie du Sud. Essentiellement, ce qui se passe en Afrique subsaharienne reste en Afrique subsaharienne ;
- L’Afrique du Nord a été une source de migration plus importante depuis les années 1990 mais les taux de natalité des régions (2,8 enfants par femme) sont plus en correspondance avec l’Europe qu’avec l’Afrique subsaharienne (4,9 enfants par femme) ;
- L’Amérique latine a été la principale source de migration, mais cela a énormément ralenti, le Mexique ayant connu une diminution par 10 de l’immigration depuis 2005 ;
- La région de l’Asie du Sud (principalement l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh) produit la plus grande partie des migrants du monde.
Des pays comme le Bangladesh, le Pakistan ou le Mexique ont toujours exporté des migrants en plus grande quantité que l’Afrique subsaharienne, qui a pourtant une croissance de sa population beaucoup plus rapide.
Voici une répartition des régions qui sont les bénéficiaires de ces immigrants… L’Amérique du Nord (Canada / États-Unis) vient d’abord, suivie de l’Europe occidentale, puis de l’Asie occidentale (malgré les énormes sorties de Syrie et des entrées encore plus importantes en Arabie saoudite, Turquie, EAU, Liban et d’autres qui font de cette région une zone avec une croissance nette significative).
Par conséquent, l’éloignement géographique de l’Afrique sub-saharienne couplé à l’évolution de la demande mondiale de main-d’œuvre hautement qualifiée et la grande pauvreté des citoyens africains constituent une barrière qui maintient les Africains en Afrique. Tout cela signifie essentiellement que, pratiquement, la fin de la croissance démographique en tant que caractéristique principale de la croissance économique va prendre fin plus tôt que prévu. Comme le montre le tableau ci-dessous, en excluant l’Afrique, la croissance sera beaucoup moins importante que la précédente et elle se fera principalement chez les personnes âgées.
Chris Hamilton
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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