Par Moon of Alabama – Le 18 août 2021
Les dirigeants talibans continuent d’arriver à Kaboul.
Anas Haqqani est le fils de Jalaluddin Haqqani et le frère cadet de Sirajuddin Haqqani, le chef du réseau Haqqani. Il faisait partie de l’équipe de talibans qui négociaient au Qatar. Aujourd’hui, il a rencontré, avec une délégation de haut niveau de talibans, l’ancien président Hamid Karzai et Abdullah Abdullah, le président du Haut Conseil pour la réconciliation nationale.
Aujourd’hui, Khalil-ur-Rahman, un oncle de Sirajuddin Haqqani, pour lequel le FBI offre une récompense de 5 millions de dollars parce qu’il collectait de l’argent pour les talibans, est également arrivé à Kaboul.
Hier, le chef adjoint des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, cofondateur des talibans, venant du Qatar, est arrivé à Kandahar.
Kaboul semble connaître une journée normale, sauf à l’aéroport où des milliers de personnes tentent encore de quitter le pays. Les Talibans laissent certaines personnes aller à l’aéroport mais tentent d’éviter une grande ruée et un nouveau chaos en retenant les masses.
De petites manifestations ont eu lieu aujourd’hui à Khost et à Jalalabad, où les gens ont retiré le drapeau blanc de l’Émirat islamique et mis le drapeau noir-rouge-vert de l’Afghanistan. Les Talibans ont rapidement écarté les manifestants et corrigé le problème.
Le drapeau devra, comme beaucoup d’autres choses, faire l’objet de négociations. On pourrait probablement reprendre la Shahada (« Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu »), que les Talibans ont inscrite sur leur drapeau blanc lorsqu’ils ont fondé l’Émirat islamique d’Afghanistan, et l’ajouter, en blanc, sur le drapeau national noir-rouge-vert de l’Afghanistan. Cela exprimerait l’unité de la nation.
Autre signe de réconciliation, ils ont nommé aujourd’hui Humayoon Humayoon, ancien vice-président du Parlement et proche allié de l’ancien président en fuite Ashraf Ghani, au poste de chef de la police de Kaboul.
Pendant ce temps, certains tentent de former une résistance contre les talibans :
[Des images de la vallée de Panjshir, au nord de Kaboul, un bastion des milices de l'Alliance du Nord qui se sont alliées aux États-Unis contre les talibans en 2001, semblent montrer que des figures d'opposition potentielles s'y rassemblent. C'est la seule province qui ne soit pas encore tombée aux mains des talibans. Parmi ces personnalités figurent des membres du gouvernement déchu - le vice-président Amrullah Saleh, qui a affirmé sur Twitter être le président légitime du pays, et le ministre de la défense, le général Bismillah Mohammadi - ainsi qu'Ahmad Massoud, le fils du chef de l'Alliance du Nord, Ahmad Shah Massoud, qui a été tué. On ignore s'ils ont l'intention de défier les talibans, qui se sont emparés de la majeure partie du pays en quelques jours la semaine dernière.
L’ambassade d’Afghanistan au Tadjikistan semble soutenir cette initiative :
L'ambassadeur d'Afghanistan au Tadjikistan déclare que "Ashraf Ghani ayant fui le pays, le vice-président Amrullah Saleh est le dirigeant légitime de l'Afghanistan".
Saleh est un ancien pion de la CIA. Vers 1995, il a été formé comme espion aux États-Unis et a ensuite travaillé comme chef des services de renseignement, d’abord pour l’Alliance du Nord, puis pour le gouvernement installé par les États-Unis à Kaboul. Nombreux sont ceux qui, en Afghanistan, ne l’aiment pas, ou le détestent carrément, pour de très bonnes raisons. Il n’est pas un bon dirigeant. Ahmad Massoud n’est pas un combattant, il est trop jeune et manque de crédibilité pour être à la tête d’une résistance.
Pour lever une armée de résistance, Saleh aura besoin d’argent, beaucoup d’argent et rapidement. Mais qui sera le sponsor national pour lequel il pourrait travailler ? Je doute que les États-Unis soient intéressés par une nouvelle guerre civile en Afghanistan. Ils n’accepteront pas non plus d’utiliser Saleh comme un autre Juan Guaido impuissant. Même l’Inde, qui considère les talibans comme un mandataire de son ennemi juré, le Pakistan, ne semble pas intéressée pour continuer la lutte. Il y a aussi l’Organisation de coopération de Shanghai, qui regroupe tous les pays voisins de l’Afghanistan plus la Russie et l’Inde, qui fera pression pour qu’il n’y ait plus de guerre.
Néanmoins, les talibans seraient bien avisés d’envoyer un groupe de troupes dans la vallée du Panjshir et de faire fuir Saleh avant qu’il ne commence à créer de nouveaux problèmes.
Les talibans ne sont actuellement qu’un gouvernement intérimaire improvisé. Ils doivent former une nouvelle structure représentative et un véritable gouvernement de coalition. Les deux, même s’ils ne sont pas élus, seront acceptés par le monde extérieur.
La question est urgente car tous les gouvernements afghans, même ceux dirigés par les talibans, ont besoin d’argent.
Les États-Unis, ainsi que la Russie et d’autres États, ont toujours les talibans sur leur liste de terroristes. Les États-Unis ont bloqué les réserves de la Banque centrale d’Afghanistan (DAB) et tout flux monétaire important. L’ancien (?) gouverneur de la Banque centrale d’Afghanistan, Ajmal Ahmady, qui a fui dimanche, explique les problèmes que cela crée :
Ajmal Ahmady @aahmady - 6:40 UTC - 18 Aout 2021 Ce fil de discussion a pour but de clarifier l'emplacement des réserves internationales de la DAB (Banque centrale d'Afghanistan). J'écris ceci parce qu'on m'a dit que les talibans demandaient au personnel de la DAB où se trouvaient les actifs. Si cela est vrai, il est clair qu'ils ont besoin d'ajouter de toute urgence un économiste à leur équipe. Tout d'abord, les réserves totales de la DAB étaient d'environ 9,0 milliards de dollars la semaine dernière. Mais cela ne signifie pas que la DAB détienne physiquement 9 milliards de dollars dans son coffre-fort. Conformément aux normes internationales, la plupart des actifs sont placés dans des actifs sûrs et liquides tels que les bons du Trésor et l'or. Les principaux actifs sont les suivants (tous les chiffres sont en milliards) (1) Réserve fédérale : 7,0 $. - Bons du trésor/obligations américains : 3,1 - Actifs RAMP de la Banque Mondiale : 2,4 - Or : 1,2 - Comptes en espèces : 0,3 (2) Comptes internationaux = 1,3 (3) BIS = 0,7 ... Compte tenu de l'important déficit de la balance courante de l'Afghanistan, la DAB était tributaire de l'obtention de livraisons physiques d'espèces toutes les quelques semaines. Le montant des liquidités restantes est proche de zéro en raison de l'arrêt des expéditions au fur et à mesure que la situation sécuritaire se détériorait, en particulier au cours des derniers jours. ... Étant donné que les talibans figurent toujours sur les listes de sanctions internationales, on s'attend (c'est confirmé ?) à ce que ces avoirs soient gelés et ne soient pas accessibles aux talibans. Je ne peux pas imaginer un scénario dans lequel le Trésor/OFAC permettrait aux Talibans d'accéder à ces fonds. ... Par conséquent, mon scénario de base sera le suivant : - Le Trésor gèle les actifs - Les Talibans doivent mettre en place un contrôle des capitaux et limiter l'accès aux dollars. - La monnaie se déprécie - Les prix vont monter. - Les pauvres en pâtiront, car les prix des denrées alimentaires augmenteront.
Il serait mauvais pour l’avenir des Talibans et de l’Afghanistan de laisser cela se produire. Il n’y a aucun espoir que d’autres pays aident à résoudre le problème.
Ambassade de Russie, Royaume-Uni @RussianEmbassy - 10:53 UTC – 18 Aout 2021 Lavrov : Nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous ne sommes pas pressés de reconnaître l'autorité des talibans, tout comme le reste du monde. Nous observons des développements positifs dans les rues de Kaboul, où la situation est raisonnablement calme et où les talibans assurent efficacement l'ordre.
Le Pakistan, qui a une raison d’aider les Talibans, est lui-même un cas désespéré sur le plan économique.
L’accès à l’argent deviendra bientôt un problème grave et l’économie afghane va plonger.
La meilleure solution pour les talibans est de former un gouvernement provisoire dont ils ne seront pas (ouvertement) à la tête. Le visage du gouvernement devrait être connu internationalement, probablement l’ancien président Hamid Karzai qui n’est plus un larbin des États-Unis.
S’il y a un cabinet provisoire, les talibans ne devraient occuper que quelques postes, par exemple les ministres de l’éducation, de la culture, de la sécurité et de la défense, et laisser à d’autres personnes les postes plus visibles sur le plan international. Ils devraient également demander à Ajmal Ahmady de revenir à la Banque centrale.
Une fois le gouvernement provisoire installé et accepté par la communauté internationale, une Loya Jirga, une assemblée légale suivant les traditions pachtounes, pourrait être convoquée pour élaborer une nouvelle constitution basée sur la constitution monarchique de 1964.
Dans le cadre d’une constitution modifiée de 1964, le « roi », remplacé par quelque chose comme le chef suprême iranien, serait le chef officiel de l’État. Il y aurait une Chambre du peuple élue (Wolesi Jirgah) et une Chambre des anciens (Meshrano Jirgah). La seconde aurait un tiers de ses membres nommés par le « roi » et deux tiers par les conseils provinciaux et les électeurs provinciaux. Les deux chambres voteraient la confiance dans un premier ministre et un cabinet désignés par le « roi ».
Les Talibans insisteront sur l’existence d’un comité religieux/juridique, à l’instar du Conseil des gardiens en Iran, qui vérifiera que chaque nouvelle loi est conforme à la jurisprudence islamique. Ce comité pourrait soit remplacer la Chambre des anciens, soit devenir une nouvelle institution à côté du Parlement.
Le processus permettant de décider d’un tel système et d’organiser de nouvelles élections prendra probablement un an.
D’ici là, un gouvernement provisoire doit travailler dans le cadre d’une sorte d’accord consensuel. Les talibans s’efforcent actuellement de former les deux.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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