La réécriture de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale est un sinistre prélude


ZPpZy5Xw5gygtCM6JTsJ59R-GhMÉditorial du 31 janvier 2020 − Source Strategic Culture

Il est étonnant et profondément troublant que soixante-quinze ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’histoire de cet événement soit réécrite sous nos yeux.

 

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Cette guerre a fait plus de 50 millions de morts, dont plus de la moitié sont des habitants de l’Union soviétique. Elle a engendré les pires crimes contre l’humanité, y compris le meurtre de masse systématique de millions de personnes, perpétré par l’Allemagne nazie, connu sous le nom d’Holocauste. Les victimes étaient des Juifs, des Slaves, des Roms, des prisonniers de guerre soviétiques et d’autres que les nazis fascistes considéraient comme des « Untermensch » [« sous-hommes »].

L’Armée rouge soviétique a combattu les forces nazies depuis la Russie jusqu’en Europe de l’Est, pour finalement vaincre le Troisième Reich à Berlin. Près de 90 % des pertes de la Wehrmacht pendant toute la guerre ont été subies sur le front de l’Est contre l’Armée rouge. Ce seul fait montre que c’est l’Union soviétique, parmi les nations alliées, qui a principalement contribué à la défaite de l’Allemagne nazie.

Il y a soixante-quinze ans, le 27 janvier 1945, ce sont les soldats de l’Armée rouge qui ont libéré le tristement célèbre camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau. Cela s’est passé au cours de l’offensive sur la Vistule-Oder, qui a chassé les nazis de Pologne, ouvrant la voie à l’ultime bataille victorieuse à Berlin, trois mois plus tard.

Il est incroyable qu’au sein de la mémoire vivante, ces faits objectifs de l’histoire sur la guerre la plus cataclysmique jamais menée soient falsifiés ou insidieusement déformés.

Le magazine allemand le plus lu, Der Spiegel, la revue américano-européenne Politico, une annonce de l’ambassade américaine, ainsi que le vice-président américain Mike Pence, font partie des sources récentes qui ont, soit falsifié, soit minimisé le rôle héroïque de l’Union soviétique dans la libération d’Auschwitz. Cela fait partie d’une tendance déconcertante à réécrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle, de façon grotesque, l’Union soviétique est assimilée à l’Allemagne nazie. Tous les historiens et citoyens consciencieux doivent résister à cette fiction pernicieuse et la répudier.

Der Spiegel et l’ambassade américaine au Danemark ont dû présenter des excuses embarrassées après avoir déclaré séparément que ce sont les forces américaines qui ont libéré Auschwitz. Il est ahurissant de voir comment une telle erreur, en ce 75e anniversaire de l’un des événements les plus emblématiques de l’histoire, a pu être commise par un magazine de premier plan et un membre du corps diplomatique.

Plus sinistre encore est un article publié dans Politico le 24 janvier, écrit par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, qui affirmait que « loin d’être un libérateur, l’Union soviétique était un facilitateur de l’Allemagne nazie ».

L’homme politique polonais ne fait pas exception à la règle. C’est devenu un argument de base ces dernières années, soutenu par d’autres dirigeants polonais et des politiciens des pays baltes qui cherchent à réviser l’histoire de la guerre, en reprochant à l’Union soviétique d’avoir été complice de l’Allemagne nazie. La corruption de l’histoire est en partie motivée par le désir de blanchir le rôle néfaste joué par ces pays en tant que collaborateurs du Troisième Reich pour aider à mettre en œuvre l’Holocauste.

Le discours du vice-président Pence lors de l’événement commémoratif de l’Holocauste à Jérusalem le 23 janvier a été un autre tour de passe-passe déplorable. Dans son discours, il n’a jamais mentionné le fait que les forces soviétiques ont forcé les portes d’Auschwitz. Pence a simplement dit : « Quand les soldats ont ouvert les portes d’Auschwitz… » Une phrase plus tard, il a poursuivi en mentionnant comment « les soldats américains ont libéré l’Europe de la tyrannie ».

Il est assez étonnant de voir comment des récits effrontément faussaires sur la Seconde Guerre mondiale sont racontés, non seulement par des sympathisants néo-nazis et des excentriques hors du commun, mais aussi par des politiciens soi-disant haut placés et des médias respectables. Il est ahurissant de voir comment le rôle héroïque des commandants, des soldats et du peuple soviétiques est érodé, retouché et même calomnié pour devenir quelque chose de grotesquement opposé.

L’agenda géopolitique belliqueux de Washington, qui tente d’isoler et de saper la Russie, est sans aucun doute à la base du processus de réécriture de l’histoire afin de priver celle-ci de son autorité morale et de la transformer en une nation malveillante. Bien sûr, la russophobie obsessionnelle des politiciens polonais et baltes joue clairement dans ce but.

Ce révisionnisme répréhensible est en contradiction flagrante avec le contenu des bibliothèques internationales très bien documentées, des archives, des correspondances officielles et personnelles, des photographies, ainsi que des témoignages de première main.

Un excellent essai de Martin Sieff, publié cette semaine, raconte comment les soldats et les médecins soviétiques se sont occupés des 7 000 misérables détenus d’Auschwitz. Plus d’un million d’autres avaient été exterminés par les nazis avant qu’ils ne fuient devant la progression des forces soviétiques.

L’officier soviétique chargé de libérer Auschwitz était le lieutenant-colonel Anatoly Shapiro. Il était lui-même un Russe d’origine juive. Les soldats soviétiques ont évoqué leur horreur et leur chagrin en découvrant les conditions infernales dans lesquelles des hommes, des femmes et des enfants squelettiques étaient au seuil de la mort. Des cadavres gisaient partout dans des mares de sang gelé.

Un autre officier juif soviétique, le colonel Elisavetsky, a raconté comment les médecins et les infirmières russes travaillaient, sans sommeil ni nourriture pour tenter de sauver les détenus émaciés.

Comme le note Sieff : « Pour le colonel Shapiro, l’idée que lui, ses camarades de l’Armée rouge et le personnel médical, qui ont combattu et donné leur vie pour libérer Auschwitz et qui ont travaillé dur pour sauver ses pitoyables survivants, soient simplement assimilés aux tueurs de masse nazis aurait été ridicule et méprisable… La véritable histoire de la libération d’Auschwitz doit être racontée et re-découverte. Elle doit être enfoncée dans la gorge des bigots et des bellicistes russophobes, partout et toujours ».

Maintenir la mémoire de la Seconde Guerre mondiale – ses origines fascistes et la défaite finale de ceux-ci – n’est pas seulement une question de fierté nationale pour les Russes. Il est inquiétant de constater que si l’histoire peut être niée, falsifiée et déformée, le danger d’un retour n’est pas écarté. Nous ne devons jamais laisser oublier ou déprécier le rôle héroïque de l’Union soviétique, en particulier par des personnes chez lesquelles affleure un penchant visible pour le fascisme.

Strategic Culture

Traduit par jj, relu par Marcel pour le Saker Francophone

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