La Turquie continue de protéger État Islamique …


Et cela va mal finir pour elle


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama − Le 6 novembre 2019

Lorsque la guerre contre la Syrie a commencé, Il y a huit ans et demi, la Turquie a joué le rôle le plus important. Des armes ont été introduites clandestinement, venant de Libye et passant par la Turquie pour être livrées aux « rebelles syriens ». Au fil des ans, des dizaines de milliers de djihadistes étrangers ont traversé la Turquie pour se joindre aux divers groupes qui luttaient contre le gouvernement syrien. Quand État islamique (EI) a été créé, cela en a attiré encore plus.

Lorsque les États-Unis ont changé de stratégie et ont commencé à combattre EI, ils ont exhorté la Turquie à tarir ce flot de nouveaux combattants. La Turquie l’a fait, dans une certaine mesure, après que plusieurs attentats à la bombe, revendiqués par EI, eurent tué des dizaines de personnes dans le pays. Mais des événements récents montrent que la Turquie ne voit toujours pas EI comme un adversaire. Ses dirigeants ne craignent pas non plus les autorités turques.

Le 26 octobre 2019, le président Donald Trump annonçait que les forces spéciales américaines avaient tué le dirigeant d’EI, Abu Bakr al-Baghdadi. Bagdadi et deux de ses femmes ont été retrouvés dans une maison du village de Barisha, dans le gouvernorat d’Idleb, en Syrie. Barisha n’est qu’à 5 kilomètres de la frontière turque et de la ville turque de Reyhanli. La région d’Idleb (vert plus foncé) est sous le contrôle des djihadistes, mais la Turquie y possède plusieurs avant-postes.


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Le Guardian a rapporté que l’entourage de Bagdadi avait rejoint Idleb, depuis l’est de la Syrie, en passant par la Turquie :

Des responsables irakiens affirment qu'à la mi-septembre, ils avaient identifié un Syrien qui avait été utilisé pour faire passer clandestinement les femmes de deux frères de Bagdadi, Ahmad et Jumah, vers la province d'Idlib, via la Turquie. Le même trafiquant avait déjà aidé les enfants de Bagdadi à quitter l’Irak. Les agents des services de renseignement irakiens disent qu'ils avaient réussi à à faire coopérer l'homme et la femme que l'on croyait être son épouse, ainsi que l'un des neveux de Bagdadi, pour leur fournir des informations sur la route que ce dernier avait empruntée et la destination des personnes voyageant avec lui. C'était une information exceptionnelle, et elle a rapidement été transmise à la CIA.

Le lendemain de la mort de Bagdadi, les forces américaines ont tué le porte-parole d’EI, Abu al-Hassan al-Muhajir, dans le village d’Ayn al-Bayda, près de Jarabulus. La région de Jarabulus en Syrie est sous contrôle turc (vert clair).

Le 28 octobre 2019, des hélicoptères américains ont de nouveau atterri à Jarablus et ont capturé quelqu’un ou exfiltré un agent :

Within Syria @WithinSyriaBlog - 19:33 UTC - 28 oct 2019

4-Selon des sources locales, l'un des hélicoptères de la coalition a atterri pendant une dizaine de minutes près du pont al-Shuiyukh, au sud de la ville de Jarabulus.

5-Certains militants affirment que des hélicoptères de la coalition ont arrêté un membre d’EI, originaire d'Alep, la famille du terroriste a également été évacuée par la coalition.

6-Les hélicoptères de la coalition ont terminé l'opération, aucun coup de feu n'a été entendu, du moins on le suppose. Les hélicoptères sont retournés dans les zones contrôlées par les Syrian Democratic Forces (SDF), sur la rive est de l'Euphrate.

La Turquie possède des drones, des avant-postes militaires et écoute les communications dans l’ensemble de ces régions. Elle dispose de nombreux moyens de renseignement sur le terrain. Et personne ne savait que les dirigeants d’EI vivaient dans cette région ?

Les trois opérations américaines ont été lancées à partir de l’Irak ou de zones contrôlées par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, même si le temps de vol depuis la base américaine d’Incirlik, en Turquie, aurait été beaucoup plus court. Il semble que les États-Unis n’aient pas fait confiance en leur allié de l’OTAN et craignait qu’il n’apprenne prématurément l’existence de telles missions.

Après avoir été humiliée pour sa négligence délibérée à l’égard des activités d’EI dans les zones qu’elle contrôle, la Turquie a pris quelques mesures de diversion.

Le 1er novembre, elle a capturé, à Kilis, en Turquie, Fatima Benmezian, membre belge de État Islamique. Benmezian s’était échappée d’un camp de réfugiés dans le nord-est de la Syrie, il y a quelques semaines, quand celui-ci a été bombardé par la Turquie.

Le 4 novembre, les forces turques ont capturé la sœur de Bagdadi, Rasmiya Awad, avec son mari et sa belle-fille. Ils vivaient dans une remorque porte-conteneurs près de la ville d’Azaz, dans la province d’Alep. Azaz n’est qu’à quelques kilomètres au sud de Kilis et sous contrôle turc.

Aujourd’hui, la Turquie a prétendu avoir capturé une autre femme de Bagdadi, mais sans dire où elle avait été trouvée.

Aucune de ces personnes que la Turquie a arrêtées n’a de valeur opérationnelle. Ce sont des personnes sans valeur.

Mais il est vraiment remarquable que tous ces membres de EI vivaient dans des zones contrôlées par la Turquie, près de la frontière turque. Faudrait-il croire qu’ils aient choisi une région où ne se trouve aucun autre membre de EI ? Il est plus probable qu’il y ait encore beaucoup d’autres membres de EI qui vivent dans ces zones frontalières de la Syrie, qui sont plus ou moins sous contrôle turc.

Certains d’entre eux voyagent même souvent en Turquie :

Un frère du dirigeant de EI, Abu Bakr Al Baghdadi, s'est rendu plusieurs fois à Istanbul, la plus grande ville d'Europe, depuis le nord de la Syrie, dans les mois précédant la mort du chef terroriste, agissant comme l'un de ses messagers de confiance pour fournir et récupérer des informations sur les opérations du groupe en Syrie, Irak et Turquie, selon deux responsables irakiens des renseignements. ...
"Nous observions quelqu'un qui servait de messager à Al Baghdadi et il faisait de fréquents allers retours en Turquie", a déclaré un haut responsable du renseignement irakien. "C'était le frère d'Al Baghdadi." ...
Un agent des renseignements irakiens qui a travaillé directement sur l'opération de traque de Juma a déclaré que le frère du chef terroriste a continué à réapparaître dans les mois suivants, jusqu'à sa dernière visite enregistrée à Istanbul en avril. Il serait alors retourné dans le nord-ouest de la Syrie, des mois avant que l'emplacement de la planque de son frère ne soit révélé. Il est peu probable qu'il ait été introduit clandestinement de l'autre côté de la frontière, a dit l'agent, mais qu'il l'ait plutôt traversé librement. ...
"Il est impossible pour les services de renseignement turcs d’ignorer sa présence à cinq ou sept kilomètres de la frontière turque", a déclaré un ancien officier militaire turc de haut rang.

De toute évidence, la Turquie est en train de devenir un autre Pakistan. Ce pays est allé de mal en pis lorsqu’il a soutenu une insurrection islamiste contre le régime communiste de son pays voisin [l’Afghanistan, NdT]. Cette guerre a radicalisé des millions de personnes à l’intérieur de ses propres frontières. De nombreuses familles de combattants se sont installées au Pakistan, ce qui a renforcé l’extrémisme dans le pays. Cela a parfois mené à une sorte de guerre civile et des insurrections dans plusieurs provinces du Pakistan.

Erdogan, le président turc, semble croire que le fait de protéger les membres de EI et d’autres radicaux ne fera pas de mal à son pays. En avril dernier, EI publiait une vidéo dans laquelle on voyait Bagdadi :

À un moment donné, l'une des trois autres personnes lui donne un dossier avec des plans. Le dossier porte l'inscription Wilayat Turkey. (Wilayat signifie une province d'État islamique).

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Puis ça :

Lindsey Snell @LindseySnell - 19:48 UTC - 6 nov, 2019

Il y a 5000 membres de EI, provenant de 28 pays, dans cette prison gérée par les SDF à Hasakah. Nous avons demandé à un membre turc de EI s'il voulait retourner en Turquie et il a répondu "evet !" [Oui en turc, NdT]. 

Il dit connaître de nombreux membres de EI qui sont rentrés en Turquie, ont été détenus pendant une semaine environ, puis libérés.

Erdogan pense qu’il peut garder les cellules de EI sous contrôle dans son pays. C’est peu probable. Je crains qu’au cours des prochaines années, la Turquie ne vive un réveil plutôt brutal.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

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