De nouvelles infox sur la Russie en une du New York Times.


2015-05-21_11h17_05Par Moon of Alabama – Le 10 octobre 2019

Il y a deux jours, le New York Times publiait un article sensationnel sur la prétendue malignité russe. Le titre en une était :

Une unité russe très secrète cherche à déstabiliser l’Europe, selon des responsables de la sécurité.

Selon l’article, l’unité 29155 du service de renseignements militaire russe, le GRU, est responsable de l’affaire Skripal en Grande-Bretagne, des tentatives d’assassinat d’un trafiquant d’armes bulgare, d’une tentative de coup d’État ratée au Monténégro et d’une « campagne de déstabilisation » en Moldavie. Toutes ces opérations présumées ont un aspect commun. Elles n’ont pas atteint leurs prétendus objectifs. Mais l’article du NYT n’insiste pas là-dessus. Il cherche plutôt à peindre un tableau très effrayant :

Les responsables occidentaux de la sécurité viennent de conclure que ces opérations, et potentiellement beaucoup d'autres, font partie d'une campagne coordonnée et continue visant à déstabiliser l'Europe, exécutée par une unité d'élite au sein du système de renseignement russe, qualifiée en subversion, sabotage et assassinat.

Le groupe, connu sous le nom d'Unité 29155, fonctionne depuis au moins une décennie, mais les responsables occidentaux ne l'ont découvert que récemment. Les responsables du renseignement de quatre pays occidentaux disent qu'ils ne savent pas à quelle fréquence l'unité est mobilisée et avertissent qu'il est impossible de savoir quand et où ses agents vont frapper.

Le but de l'unité 29155, dont on avait jamais parlé auparavant, souligne à quel point le président russe, Vladimir V. Poutine, combat activement l'Occident avec sa guerre dite hybride - un mélange de propagande, d'attaques pirates et de désinformation - ainsi qu’avec une confrontation militaire ouverte.

L’auteur, Michael Schwirtz, a fait la promotion de l’article sur Twitter :

Michael Schwirtz @mschwirtz - 15:57 UTC - 8 oct. 2019

Les agents russes qui ont empoisonné Sergei Skripal avec un agent neurotoxique en Grande-Bretagne l'année dernière étaient des membres d'une unité d'espionnage très secrète qui était, jusqu'à récemment, inconnue des services de renseignement occidentaux. Ma dernière plongée dans l'espionnage russe.

« Les responsables occidentaux n’ont découvert que récemment l’unité d’espionnage très secrète ». On se demande comment ils ont fait ça. La meilleure supposition est qu’ils l’ont cherché sur Google :

Leonid Ragozin @leonidragozin - 1:31 UTC - 9 Oct 2019

L'un des journalistes d'investigation les plus éminents de Russie, Sergey Kanev, dit qu'il n'y a rien de super-secret à propos de l'unité 29155 du GRU dont le NYT a parlé hier. Lorsque vous cherchez sur Google, l'adresse de l'unité et le nom du commandant apparaissent sur de nombreux sites de type pages jaunes.

"Si vous aviez fait une meilleure recherche sur Internet, vous auriez trouvé l'adresse de son domicile [le commandant Averyanov], sa datcha près d'Istra et la plaque d'immatriculation de sa voiture. Il y a même le numéro de son téléphone portable, qu'on peut appeler", explique Kanev.

La chaîne d’information russe Vedomosti.ru a approfondi l’histoire (traduction automatique) :

L'unité militaire 29155 du GRU, qualifiée dans le New York Times d'unité d'élite secrète du GRU déstabilisant la situation en Europe, est un cours ordinaire de formation au renseignement. Vedomosti en a été informé par un ancien officier du renseignement et une personne proche des services de renseignement. ...
Selon une personne proche des services spéciaux, l'unité militaire 29155, également connue sous le nom de 161e centre d'entraînement et située dans le district Izmailovo de Moscou (à l'est de la ville), est une formation de courte durée en matière de renseignement militaire qui existe depuis l'Union soviétique, où son personnel militaire améliore ses compétences en tir, communications radio et autres disciplines spéciales - contrairement à l'Académie diplomatique militaire, où les recrues suivent une formation basique. A en juger par les informations données sur le site web sur l'histoire des services spéciaux "Histoire des services spéciaux russes et des forces de l'ordre", l'unité militaire 29155 fonctionnait déjà comme un centre de formation du GRU dans les années 60.

Une unité bien connue du public, qui a servi pendant plus de 50 ans de centre de formation aux armes légères, « déstabilise aujourd’hui l’Europe » avec des opérations qui, comme l’affaire Skripal, étaient manifestement des coups montées par des services d’espionnage « occidentaux » ou des tentatives ratées de coups d’État menées par des amateurs, comme au Monténégro. Les données personnelles de son commandant sont disponibles sur Internet. L’histoire du NYT elle-même confirme qu’il y a même des photos de l’intérieur des locaux de l’unité de formation :

Les photographies de l'ancien quartier général délabré de l'unité, qui a depuis été abandonné, montrent une myriade de casiers à canons avec des étiquettes pour un assortiment d'armes, y compris des fusils de sniper belges FN-30, des G3A3 allemands, des AUG autrichiens Steyr et des M16 américains. Il y avait également un formulaire décrivant un régime d'entraînement, y compris des exercices de combat au corps à corps. Un officier retraité du GRU a confirmé l'authenticité des photographies, qui ont été publiées par un blogueur russe.

Le titre « Des espions russes apprennent à identifier et à utiliser les armes légères étrangères » n’était probablement pas assez sensationnel. Le NYT présente donc quelques renseignements « occidentaux » faux et faits pour apeurer la population.

La soit disant « guerre hybride », dont la Russie est à nouveau accusée, est, comme la doctrine Gerasimov régulièrement citée, l’invention d’un journaliste « occidental » qui, comme Michael Schwirtz, fait des reportages qui désinforment sur la Russie :

À mon immense chagrin, j'ai créé ce terme, qui a depuis acquis sa propre vie destructrice, s'aventurant maladroitement dans le monde pour répandre la peur et la haine dans son sillage. En février 2013, le journal russe Military-Industrial Courier - aussi passionnant et largement lu qu'il puisse paraître - a réimprimé un discours du général Valery Gerasimov. ...
Les problèmes posés par cette formulation sont cependant nombreux. Gerasimov parlait en fait de la façon dont le Kremlin comprend ce qui s'est passé dans les soulèvements du "printemps arabe", les "révolutions de couleur" contre les régimes pro-Moscou dans le voisinage de la Russie, et en temps voulu la révolte "Maidan" de l'Ukraine. ...
Ce que nous appelons "guerre hybride" dans la pensée russe sont en fait deux choses distinctes. Gerasimov parlait de l'utilisation de la subversion pour préparer le champ de bataille avant l'intervention, précisément le type d'opérations utilisées en Ukraine.

Il est difficile de comprendre comment la risible histoire Skripal que le MI6 a répandue ou les tentatives infructueuses de tuer un marchand d’armes bulgare sont censées « déstabiliser l’Europe ». Comment une unité d’entraînement avec un commandant bien connu, qui existe depuis plus de 50 ans et dont les photos de ses locaux sont rendues publiques, peut-elle être « top secret » est aussi un mystère. Mais ce qui est compréhensible, c’est que certains auteurs arrivent à écrire 2 000 mots pour répandre de telles absurdités. De toute évidence, ça doit être bien payé.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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1 réflexion sur « De nouvelles infox sur la Russie en une du New York Times. »

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