Andrew Korybko – Le 29 août 2018 – Source orientalreview.org
Les États-Unis ont déclaré qu’ils resteraient en Irak « aussi longtemps que nécessaire ».
L’annonce politique a été prononcée par le Colonel Sean Ryan, porte-parole de la force opérationnelle interarmées – Opération Inherent Resolve, justifiant cette décision par une volonté de s’assurer de la défaite de Daesh, et d’entraîner les forces armées irakiennes. John Bolton, conseiller à la sécurité nationale avait précédemment déclaré, à l’instar d’autres officiels américains, que la présence militaire américaine en Syrie – pays voisin de l’Irak » était prolongée pour contenir partiellement l’Iran, si bien qu’il est raisonnable de penser qu’il s’agit également de la vraie raison pour les États-Unis de prolonger leur occupation en Irak. Les USA ont compris les prédispositions de Muqtada al-Sadr, « éminence grise » irakienne, à maintenir l’« équilibre » entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, ce qui doit être considéré dans toute analyse de l’approche américaine du pays, et qui explique sans doute également leurs prises de risques avec la stratégie de sanctions en cours.
L’Irak présente des liens socio-économiques et énergétiques intriqués avec l’Iran, qu’il est impossible de rompre sans infliger des dégâts considérables au pays, ce qui n’empêche pas les USA d’exercer toutes les pressions possibles sur le pays pour qu’il se soumette au régime de sanctions établies contre la République Islamique d’Iran, sous peine de subir lui-même un régime de « sanctions secondaires ». Al-Abadi, le premier ministre irakien, a émis des signaux mitigés quant à sa volonté de se soumettre à ces sanctions, mais il est probable que l’Irak finisse par être contraint de distendre certains de ses liens avec son voisin iranien, pour impossible qu’ils soient à rompre totalement. Il s’agira d’un facteur de déstabilisation dans les régions irakiennes les plus proches de l’Iran, qui reste le second partenaire non-énergétique du pays derrière la Turquie.
Ces évolutions pourraient contribuer à agrandir le fossé entre les Kurdes pro-américains/liés aux Turcs, au nord du pays et les Arabes plus sceptiques, alignés sur l’Iran au sud, fossé qui pourrait être exploité par l’occupation militaire persistante du pays par les USA. Et ce n’est pas tout : une porte pourrait s’ouvrir pour l’Arabie saoudite, et une proposition de sa part pour un plan de sauvetage du GCC, dans le cadre de la stratégie saoudienne de supplanter la position économique iranienne en Irak. Al-Sadr et Al-Abadi signeraient probablement une telle offre, qui représenterait la seule option pragmatique pour eux, et ce malgré l’évidence que cette « solution » conjointe américano-saoudienne constitue une « solution » en mode guerre hybride, « rétro-façonnée » pour répondre à la crise socio-économique fomentée par les USA eux-mêmes.
Cet article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdow, diffusée sur Sputnik News le vendredi 24 août 2018.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent, relu par Cat, vérifié par Diane pour le Saker francophone
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