Par Andrew Korybko – Le 1er décembre 2017 – Source Oriental Review
L’avenir semble très sombre pour la Macédoine, car le nouveau gouvernement putschiste pro-occidental ne perd pas de temps et commence à démanteler l’identité du pays et à vendre sa souveraineté à certains de ses voisins hostiles. Cela pourrait avoir l’effet cumulatif d’effacer ce qui est constitutionnellement connu sous le nom de République de Macédoine, actuellement visible sur la carte du monde et ceci dès l’année prochaine, en la remplaçant par une entité « fédérale » (partitionnée intérieurement) reconnue internationalement au nom d’un « compromis politiquement correct ».
Toile de fond des Balkans
Ce petit pays des Balkans du centre-sud qu’est la République de Macédoine est dans une situation désespérée en ce moment, mais la majeure partie de l’Europe – sans parler du reste du monde – n’en a aucune idée. En effet, le discours des médias dominants indique que la crise politique qui a duré deux ans, a été « résolue » lorsque le gouvernement patriotique de VMRO-DPMNE de Nikola Gruevski a été remplacé lors d’un « coup constitutionnel / électoral » qui a suivi les provocations d’une révolution de couleur et même d’une guerre hybride. L’auteur a écrit à ce sujet un article dans Spoutnik datant de mai 2017 intitulé « La crise macédonienne n’est pas terminée, et un Plus Grand Balkan commence tout juste ». Le lecteur peut lire cet article et aussi parcourir d’autres archives sur Oriental Review et Sputnik sur le sujet s’il n’est pas déjà familier avec la toile de fond contextuelle et les explications sur ce qui s’y est déjà passé [et le Saker francophone, NdT].
En résumé, la République de Macédoine a été ciblée pour une déstabilisation de type guerre hybride afin de gêner les méga-projets balkaniques de la Russie et de la Chine avec le gazoduc dit du Balkans Stream et la Route de la Soie des Balkans, qui devraient transiter par le pays. L’ancien projet pourrait être redirigé vers la Bulgarie à la place. En tout cas, un scandale autour d’une « surveillance de masse » inventée de toute pièce, a été utilisé comme « événement déclencheur » d’une Révolution colorée pour tenter une torsion de régime (obtenir des concessions politiques). L’échec de ce plan a forcé les conspirateurs externes et les collaborateurs au sein de l’opposition interne SDSM soutenue par Soros à avancer vers la prochaine étape du changement de régime. Finalement la décision a été prise pour un réamorçage du régime (changement constitutionnel) pour estropier définitivement le pays et empêcher pour toujours son intégration clé dans l’Ordre mondial multipolaire émergent.
Le but de cette article n’est pas de faire la chronique de toutes les analyses précédentes de l’auteur sur le sujet, ni de répéter ses explications sur ce qui s’est passé auparavant et pourquoi, mais de présenter des rapports orientés vers l’avenir et des prévisions sur les possibles scénarios qui attendent la République de Macédoine.
La grande partition
Le nouveau « gouvernement » pro-occidental de Zoran Zaev et ses cohortes du SDSM, soutenues par Soros, ont rapidement décidé de mettre fin à une série d’accords internes et externes qui risquent de mettre en péril l’existence du pays d’ici l’année prochaine. Pour commencer, malgré le fait de l’avoir nié tout au long de la campagne 2016, son parti tente agressivement de faire passer le « bilinguisme » en établissant un précédent institutionnel pour ce qui semble logiquement être une inévitable « fédéralisation » du pays (partition interne). Parallèlement à cela, il a également signé un « traité » avec la Bulgarie voisine qui fait de la Macédoine un partenaire de rang inférieur susceptible d’être englouti par ses frères à l’Est partageant une même civilisation en cas de grave crise intérieure, comme celle d’une « fédéralisation » du pays et son absorption partielle de facto dans le projet géopolitique ravivé de l’époque nazie de « Grande Albanie », projet qui pourrait être déclenché sur ordre.
La partition internationale officielle de la République de Macédoine entre l’Albanie et la Bulgarie est ce que l’auteur avait prédit en mai 2015 et à quoi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait répondu indirectement à l’époque de la crise de la Révolution colorée. Le processus a depuis pris une forme officieuse : la Macédoine serait « fédéralisée » avec une moitié occidentale albanaise, si en même temps sa partie orientale était aspirée socio-économiquement par la Bulgarie. Ce dernier scénario serait facilité par la poussée « bilinguistique » albanaise et le récent « traité » avec la Bulgarie. Certains Macédoniens ont très bien compris ce complot, c’est pourquoi les autorités ont tenté d’emprisonner des citoyens et des personnalités politiques patriotes afin d’intimider le reste de la population et de permettre passivement à ce processus anti-constitutionnel, et même traître, de démantèlement de l’État d’aller à son terme.
La « dictature du prolétariat » de Zaev
En même temps que le SDSM enferme ses opposants politiques, il tente également de faire passer une proposition controversée d’« amnistie » pour libérer les criminels condamnés, ce qui pourrait même s’appliquer aux terroristes de Daech qui reviennent dans le pays. Malgré la forte pression exercée par les USA sur le gouvernement pour tenir la société civile, le site d’information en ligne Republika a été assez courageux pour écrire sur cette dichotomie épouvantable en montrant comment les terroristes emprisonnés et les patriotes libres sont tout proches d’échanger leurs places si Zaev obtient ce qu’il veut. Cette seule information illustre le processus silencieux de « lustration » qui est actuellement mené dans le pays pour « nettoyer » ses bureaucraties militaires, de renseignement et diplomatiques permanentes (État profond), ainsi que les institutions académiques, médiatiques et autres, de toute opposition aux autorités imposées par le coup d’État.
Fait intéressant, le SDSM a établi une sorte de « dictature du prolétariat » en Macédoine, vu que le parti se présente comme un parti « socialiste de gauche » et fidèle à la tradition de ce camp idéologique, il utilise la couverture et les slogans de la classe ouvrière (« prolétariat ») pour mettre en place une véritable dictature dans le pays. Comme cela a généralement été le cas par le passé, les démagogues « gauchistes-socialistes » sont là pour distraire les masses avec des platitudes sonores en rédigeant un récit acceptable pour les médias afin de permettre à leurs soutiens extérieurs de se cacher derrière, pour « justifier » la prise du pouvoir par un groupe d’individus choisis parmi les élites mais aux objectifs éloignés des préoccupations réelles de la classe ouvrière. L’histoire a une curieuse façon de se répéter, car l’Union européenne est le successeur idéologique de l’Union soviétique, poussée à ses plus extrêmes comportements dystopiques socioculturels et dictatoriaux. Il y a donc une certaine « logique » derrière ce faux gouvernement « gauchiste-socialiste » qui est si fervent envers Bruxelles.
Mais contrairement à la période soviétique de l’ancienne guerre froide où tout pays idéologiquement aligné pouvait rejoindre le bloc de l’Est, à l’ère « libérale » de la nouvelle guerre froide, certains obstacles bureaucratiques « empêchent » les États candidats d’adhérer librement à l’UE et l’OTAN, à savoir – jeu de mots – le nom constitutionnel de la République de Macédoine. Les structures unipolaires post-modernes qui occupent l’Eurasie occidentale sont établies de telle manière que les nouveaux membres doivent être acceptés de manière consensuelle par tous les membres existants. Dans le cas de la Macédoine, c’est la Grèce qui s’oppose catégoriquement à ce que la Macédoine rejoigne l’une ou l’autre organisation. Ce qui aurait pu être considéré à un certain moment comme une « malédiction » dans l’incertitude internationale chaotique qui a suivi l’immédiate dissolution de la Yougoslavie, ce « droit de veto » est devenu une « bénédiction » parce qu’il interdit officiellement l’accès de la Macédoine à ces deux organisations jusqu’à ce jour.
Jeux de noms
Néanmoins, le « gouvernement » du SDSM de Zaev, installé après le coup d’État par les États-Unis, veut changer cela, mais le seul moyen de le faire est de se débarrasser du nom constitutionnel de la Macédoine et donc d’effacer le pays de la carte. Peu importe si on l’appelle « Nouvelle Macédoine », « Macédoine du Nord » ou « République centrale des Balkans » comme cela a été spéculativement rapporté, ou même ma propre prédiction absurde de « Fédération albanaise de Vardar », mais le fait est que ce ne sera pas la République de Macédoine, un nom qui a pris une aura semi-sacrée en tant que porte-flambeau de l’identité macédonienne à travers sa riche histoire. Le commissaire de l’UE a indiqué qu’il s’attendait à ce que Zaev change le nom de la Macédoine d’ici à l’année prochaine, ce qui permettrait alors à ce pays d’accéder rapidement à l’UE et à l’OTAN et formaliserait ainsi son occupation par l’élite occidentale.
Tout ceci devrait faire enrager à juste titre tout Macédonien, mais Zaev et ses subalternes sont imperturbables parce qu’ils n’ont aucune affiliation patriotique à leur pays. Tout comme leurs prédécesseurs soviétiques, leur loyauté repose sur une idéologie et non sur une nation. C’est pourquoi ils vendent la Macédoine à l’Albanie, à la Bulgarie et à l’UE pour plaire à la Grèce et ainsi réaliser la grande vision stratégique américaine, celle d’annexer ce pays aux institutions unipolaires hégémoniques afin de perturber, contrôler ou influencer plus efficacement les méga-projets balkaniques de la Chine (et éventuellement de la Russie). La dernière étape consiste à retirer le nom constitutionnel de la Macédoine et à le remplacer par un nom de « compromis », mais la perspective d’un coup fatal à ce pays antique est la destruction des monuments du patrimoine civilisationnel de la Macédoine comme les fleurons construits autour du projet Skopje 2014 par l’ancien gouvernement de la VMRO.
Raillerie autour des monuments
Pour ajouter l’insulte à l’injure, l’effacement « marxiste culturel » de tous les signes visibles de l’unicité historique de la Macédoine sera probablement directement supervisé par Hoyt Brian Yee, successeur de Victoria Nuland et remplaçant attendu de l’actuel ambassadeur américain en Macédoine, Jess Baily. Yee est aussi responsable du coup d’État en Macédoine que Nuland l’a été pour l’Ukraine, mais au moins le pays d’Europe de l’Est n’a pas été totalement humilié au point d’être officiellement supervisé pour la destruction de ses monuments dédiés à Lénine, le fondateur du premier État ukrainien, si politiquement incorrect que ce soit pour ses ultra-nationalistes qui ont dû l’avaler. Dans le cas de la Macédoine, cependant, ce pays des Balkans est obligé d’endurer la honte de voir l’homme le plus directement responsable de leur coup d’État chargé de voir détruire des monuments représentant un héritage civilisationnel bien plus ancien que ces cent dernières années.
Si les monuments de Skopje 2014, en particulier le cavalier du centre-ville censé être Alexandre le Macédonien, sont détruits, il sera probablement impossible d’empêcher le changement de nom de la Macédoine et son annexion rapide à l’UE et à l’OTAN aux côtés de la suppression de la culture, de l’histoire et de la civilisation de son peuple, le tout soutenu par l’État. Le plan du « gouvernement » de tourner en dérision les monuments de Macédoine et de renier son identité pourrait constituer un « événement déclencheur » d’urgence pour provoquer une « révolution colorée inversée », que l’auteur a précédemment analysée comme l’utilisation créative des techniques de révolution colorée par des individus patriotiques à des fins multipolaires et pro-souverainistes. Cela avait été tenté en mai lorsque des citoyens inquiets ont essayé sans succès d’empêcher la prise de pouvoir de leur parlement par un ancien séparatiste terroriste albanais désigné par Zaev comme le « porte-parole » de cet organisme.
Une troisième force est appelée à naître
Si les Macédoniens ne se regroupent pas pour arrêter ce qui est faussement présenté comme une « décision municipale apolitique et de lutte anti-corruption », il pourrait être inévitable que leur pays cesse d’exister avec son nom actuel et peut-être même en tant qu’État (par une décision interne et / ou une partition externe) d’ici à l’année prochaine. Si les monuments tombent, la Macédoine tombe, une fois pour toutes, ce qui explique pourquoi la dernière chance de sauver la Macédoine est de sauver ses monuments. La VMRO a le plus grand potentiel pour organiser des manifestations légales et pacifiques à l’appui de cette question d’une importance cruciale, mais certaines des élites du parti sont malheureusement en partie compromises en raison de la pression exercée par le chantage américain contre elles, que ce soit par la violence physique ou par des arrestations illégales sous de faux prétextes (« anti-corruption », « abus de pouvoir », etc.) suite au coup d’État « gouvernemental ». À ce titre, une Troisième Force doit éventuellement émerger, éventuellement issue du VMRO et des différents mouvements de la société civile, afin de contrer les lois imposées à l’ancien parti au pouvoir et servir de passerelle pour attirer les partisans « modérés » du SDSM qui ont été induits en erreur lors des dernières élections.
La protection des monuments de la Macédoine – et par conséquent de son statut, de sa civilisation et de son identité – ne doit pas être considérée comme une question de politique partisane, ce qui n’est pas ce que fait la VMRO. Mais son rôle central pour organiser un mouvement de la société civile pourrait aider le SDSM et ses partisans, soutenus par les Américains et Soros, à manipuler cette perception. C’est pourquoi il est essentiel qu’une troisième force se développe en ouvrant la voie en ce moment historiquement crucial. Peu importe son nom et sa forme, cette Troisième Force sera l’acteur d’avant-garde protégeant la Macédoine du démantèlement, ses membres comprenant qu’il est temps, maintenant ou jamais de sauvegarder leur État car son existence même est incompatible avec les plans expansionnistes de l’UE et de l’OTAN. La République de Macédoine devra être rayée de la carte afin que ses habitants et son territoire puissent être officiellement annexés à ces deux structures unipolaires sous l’étiquette de « dictature du prolétariat » de Zaïev. Tout indique que 2018 sera l’année cruciale où les patriotes de la Macédoine vont l’emporter, sinon le pays lui-même périra.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
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