La transformation du Parti démocrate en un parti soutenant la guerre perpétuelle − accélérée par l'hystérie due au Russiagate − est personnifiée par la Représentante Barbara Lee, qui avait pourtant voté contre le décret « War on terror » de 2001, comme l'explique Norman Solomon.
Par Norman Solomon – Le 25 juillet 2017 – Consortium News
Aucun membre du Congrès n’a été plus admiré que Barbara Lee, par les Américains qui s’opposent à la guerre perpétuelle. Depuis qu’elle a été la seule à voter contre une résolution offrant un chèque en blanc à la guerre, trois jours après les attentats terroristes du 11 septembre, la démocrate d’Oakland s’était fait une réputation de défendre courageusement, face au pouvoir militariste, son point de vue anti-guerre.
Mais, aujourd’hui, 16 ans plus tard, la sagesse fondamentale de son éloquent discours, qui s’opposait aux autres membres de la Chambre, est menacée – par Lee elle-même.
Quand Lee demandait à ses collègues de « réfléchir aux implications de nos actions présentes, de sorte qu’elles ne partent pas en spirale pas hors de contrôle », elle portait son regard bien au-delà de la politique et des passions du moment, ce 14 septembre 2001. Aujourd’hui, dans un tweet datant du 7 juillet 2017, elle a abandonné son soutien à la nécessité d’initiatives diplomatiques.
Trouver des alternatives à la guerre doit inclure la diplomatie. Dans le cas de la « War on terror » à laquelle Lee a résisté dès le début, ce qui a débouché sur une spirale hors de contrôle et une guerre sans fin et sans frontières. De nos jours, les tensions croissantes avec la Russie pourraient produire une spirale échappant à tout contrôle jusqu’à l’holocauste nucléaire.
C’est une des principales raisons pour laquelle le Bulletin of the Atomic Scientists a rapproché les aiguilles symboliques de son « Horloge de fin du monde » du minuit apocalyptique, au début de l’année. Le péril nucléaire est terriblement réel, et s’accroit de jour en jour.
C’est aussi pour cette raison que l’ancien sénateur Sam Nunn s’est joint à trois ex-diplomates chevronnés pour co-signer une lettre ouverte, fin juin, qui invitait les présidents Trump et Poutine à discuter de quatre propositions spécifiques pour réduire les dangers de la guerre nucléaire. Nunn, s’appuyant sur son expérience de président de la Commission des services armés du Sénat, sait que les pourparlers de haut niveau entre les gouvernements russe et américain sont essentiels pour réduire le risque que le monde n’explose.
Mais Lee a considéré la rencontre entre Trump et Poutine, lors du sommet du G20, d’une manière très différente. À la fin du sommet, elle a tweeté en dénonçant l’idée même que les deux présidents se sont assis et se sont parlé : « Indignée par la rencontre de deux heures entre le président Trump et Poutine, l’homme qui a orchestré les attaques contre notre démocratie. Où est sa loyauté ? »
Pourtant, une vraie diplomatie exige souvent que des dirigeants que nous n’aimons pas, à la tête d’un gouvernement étranger et peut-être même du nôtre, s’assoient ensemble, parlent et négocient. Dans le cas des deux superpuissances nucléaires au monde, cela pourrait s’avérer être ce qui nous entraine vers la coexistence ou la co-annihilation.
Au cours de son discours historique de 2001 à la Chambre, quand elle a insisté sur le fait que « certains d’entre nous doivent exhorter à la retenue », Lee refusait d’être entrainée par une conformité facile et dangereuse, celle de l’époque. Elle percevait bien que la confrontation militaire serait une alternative tragiquement imprudente à la diplomatie.
Lee semble avoir abandonné une telle vision des choses, du moins en ce qui concerne les relations avec la Russie. Ses électeurs, ainsi que d’autres partisans en Californie et au-delà, devraient l’encourager à y revenir.
Certes, Lee mérite un certain crédit pour ses efforts continus pour abroger l’autorisation de guerre de 2001. Pourtant, ce mois-ci, elle est sortie de la voie pacifique en proclamant qu’elle était « indignée » que Trump et Poutine se soient parlé.
Dans les jours qui ont suivi le 11 septembre, la députée Lee a montré profondeur et sens de l’initiative au lieu de confusion et peur. C’est pourquoi le slogan « Barbara Lee parle pour moi » a marché et duré. Mais à l’heure actuelle, il est temps de lui faire savoir qu’elle ne parle plus pour nous.
Norman Solomon
Traduit par Wayan, relu par Catherine pour le Saker Francophone.