Par Brandon Smith – Le 6 avril 2016 – Source alt-market
Nous vivons des temps économiques étranges, peut-être plus qu’à tout autre moment de l’histoire. Depuis 2007-2008, le système financier entrelacé à l’échelle mondiale et interdépendant a subi un déclin considérable dans tous les domaines imaginables. La fabrication industrielle à travers le monde est dans le marasme, du Japon à la Chine et à l’Europe, avec un minimum de production accompli aux États-Unis, aussi en perte de vitesse. La consommation est en baisse, notamment dans le pétrole et les matières premières. L’emploi est vraiment lamentable, avec les USA affichant plus de 94 millions de personnes comme «non-participantes» à la force de travail nationale.
Les emplois bien rémunérés disparaissent, et les seuls emplois qui les remplacent sont dans le secteur des services à bas salaires. Ce problème est devenu si omniprésent que certains États plus socialistes, dont la Californie et New York, tentent de compenser la perte d’emplois aux revenus décents, en forçant les entreprises de vente au détail et de service à payer un salaire minimum gonflé. Autrement dit, les États espèrent arrêter la saignée des salaires en transformant comme par magie des emplois faiblement rémunérés en emplois bien rémunérés.
Comme tout le monde ayant un peu de sens économique le sait, vous ne pouvez pas avoir un secteur de la consommation défaillant dans lequel les gens achètent moins et forcer les entreprises du secteur tertiaire à payer leurs employés beaucoup plus par heure que ce que le travail vaut vraiment. Ces entreprises vont tout simplement licencier plusieurs employés, couper leurs heures ou fermer des branches entières de leurs opérations afin de maintenir leurs marges bénéficiaires. Ou alors ces entreprises vont fermer.
Un secteur, cependant, a continué à récolter certains avantages (pour l’instant), c’est le marché des actions. Il y a une bonne raison à cela.
Le marché boursier est une sorte de mécanisme de contrôle pavlovien, un déclencheur mental dans l’esprit des masses, qui domine leur perception sur la santé financière du monde. Le public bave en voyant des lignes vertes et il salue le retour de la croissance imminent; les gens voient des lignes rouges et tout à coup, ils commencent à se demander si tout ne va pas si bien. Comme l’ancien chef de la branche de la Réserve fédérale de Dallas, Richard Fisher, l’a admis dans une interview avec CNBC, la banque centrale des États-Unis en particulier, a fait son métier de la manipulation du marché boursier à la hausse depuis 2009:
«Ce que la Fed a fait – et je faisais partie de ce groupe –, c’est que nous avons poussé une énorme croissance des marchés, à partir de 2009. C’est en quelque sorte ce que j’appelle le syndrome de la poule mouillée à l’envers – donnez moi deux hamburgers aujourd’hui mais un seul demain. Je ne suis pas surpris que presque tous les index que vous pouvez regarder […] aient diminué de manière significative.» [Se référant aux résultats du marché boursier après que la Fed a relevé ses taux en décembre.]
Fisher a continué de faire allusion à l’imminence du danger:
J’ai prévenu mes collègues : «Ne soyez pas surpris si nous avons une correction de 10-20% à un moment donné […] Tout le monde à qui vous parlez […] a mis en garde que ces marchés sont surestimés.»
Les banques centrales ont concentré la plupart de leurs efforts pour faire léviter le Dow ainsi que les marchés de l’énergie depuis un certain temps.
Pourquoi? Parce que le grand public ne fait pas attention aux autres indicateurs du marché. Les gens ne se soucient pas que le géant des matériaux Caterpillar vient de traverser la pire période de profit dans l’histoire de l’entreprise. Ils ne se soucient pas que le Baltic Dry Index, une mesure des taux globaux d’expédition et aussi une mesure des commandes mondiales pour les biens bruts, continue à tomber bien en dessous de ses plus bas historiques 1 en raison de l’effondrement de la demande de transport. Ils ne se soucient pas que, selon le Forum économique mondial, la demande de pétrole ait chuté à des niveaux jamais vus depuis 1997. Ils ne savent pas et ils ne se soucient pas de le savoir. Leur seul baromètre de danger économique est le Dow, et les banques centrales le savent bien.
Quelque chose a changé récemment, cependant. Pourquoi, par exemple, la Fed va-t-elle à l’encontre de son mandat de longue date, en manipulant les actions à la hausse en engageant la fin du QE3? Pourquoi s’est-elle alors engagée plus tard à augmenter les taux d’intérêt, une action dont elle SAVAIT qu’elle entraînerait une baisse massive des actions?
La pression sur le marché des actions en mars, après sa chute, nous dit en fait beaucoup en termes d’intentions de la banque centrale. Premièrement, il nous dit que la Fed n’a plus l’intention d’utiliser des outils tels que la baisse des taux et les mesures de relance pour provoquer l’optimisme des marchés. Au contraire, elle compte uniquement sur la foi des investisseurs que les banques centrales ne vont pas les laisser à sec. Elle a décidé de manipuler par le langage, plutôt que par la politique monétaire comme nous nous y étions habitués.
En second lieu, l’action de la Fed dans l’augmentation des taux a arraché le voile et montre que les stocks publics ne peuvent vraiment pas survivre sans le soutien des banques centrales. Au moment où la Fed laisse les marchés à eux-mêmes, la seule chose à faire pour les investisseurs est de se tourner vers les fondamentaux, et bien sûr les fondamentaux sont incroyablement laids. C’est pourquoi les actions commencent à chuter.
Comme je le souligne dans mon article Les marchés ignorent les fondamentaux et courent après les gros titres de la presse parce qu’ils sont en train de mourir, certaines des plus grandes croissances boursières de l’histoire des États-Unis ont eu lieu lors de l’apparition de la Grande Dépression, et toutes ces croissances étaient basées sur un faux sentiment de confiance du public que la reprise était juste au coin. La dernière hausse de mars n’est pas différente. Il n’y a pas de fondamentaux pour la soutenir, elle repose entièrement sur la foi, et elle va bientôt imploser comme les bulles similaires l’ont fait pendant la Dépression.
Lors de la seule semaine dernière, certains signes ont bouillonné à la surface pour saper la façade de la récente mais douteuse reprise.
Pour toute personne qui a parié sur les marchés pétroliers qu’ils poursuivraient leur rallye pour passer la barre des 40 $ le baril, il y eu beaucoup de mauvaises nouvelles. L’Arabie saoudite a douché l’optimisme en annonçant qu’elle ne s’amuserait pas avec une proposition de «gel de la production», à moins que tous les autres pays producteurs de pétrole, y compris l’Iran, ne s’y associent.
L’Iran a alors doublement douché l’optimisme en annonçant une augmentation de sa production plutôt que de prévoir un gel.
La Russie a administré alors le coup final, en libérant des données montrant que sa production de pétrole avait atteint des niveaux historiques, ce qui indique qu’elle n’étaient pas prête à conclure un quelconque accord sur un gel de la production.
Outre une récente nouvelle manifestement trop optimiste (et plutôt suspecte) sur les inventaires des stocks de pétrole, qui a provoqué un rebond à court terme, tous les indicateurs montrent que le prix du pétrole va se diriger vers les bas observés au début de l’année.
Pourquoi les marchés pétroliers nous importent-ils? Eh bien, il semblerait que les actions, ces derniers mois, ont vaguement suivi les cours du pétrole. Lorsque le prix du pétrole a pris une tournure baissière dramatique, les actions ont suivi. Cela peut être une corrélation purement psychologique, mais c’est un des sujets du moment. Tous les mouvements du marché boursier sont purement psychologiques aujourd’hui, et quand l’optimisme psychologique échoue, les fondamentaux frappent dur. Jusqu’à présent, le pétrole est solidement de retour sur un territoire volatile, et les actions suivent.
En fait, la plupart des gens commencent à sentir encore une fois des tremblements sur le marché des actions, alors que les réunions de la banque centrale et leurs annonces ont de moins en moins d’effets positifs sur la psychologie.
Les marchés asiatiques sont tombés la semaine dernière avec un retour à une grande volatilité alors que les banques centrales chinoise et japonaise ne voulaient pas freiner la marée ou en étaient incapables. Les marchés européens ont suivi, avec certains acteurs du marché se réconciliant avec la nature de la reprise récente:
«Le marché manque de confiance, a déclaré Mathias Haege, qui aide à superviser 300 millions d’euros (342 millions $) comme associé gérant de MaxAlpha Asset Consultant à Francfort. À la fin de la journée, on se moque de ce que les banques centrales font, si la croissance économique n’accélère pas et si les bénéfices des entreprises continuent à se rétrécir.»
Et c’est cela. Les marchés boursiers ne sont en aucun cas une mesure de la santé économique en ce moment, ils ne sont qu’une mesure de la confiance des investisseurs dans les banques centrales, et la confiance est en berne à la lumière des fondamentaux extrêmement négatifs.
Donc je demande encore une fois pourquoi de nombreuses banques centrales, et la Réserve fédérale en particulier, ont retiré leurs outils habituels (taux proche de zéro et stimulus), à un moment où la foi dans l’économie des investisseurs est en baisse.
Récemment, Wikileaks a publié la transcription d’une discussion interne du Fonds monétaire international (FMI), qui fournit des réponses. L’orientation générale du document indique que le FMI a délibérément mis en scène un retour à l’instabilité en Grèce cet été, avec le but de déstabiliser l’UE, et plus particulièrement d’acculer l’Allemagne dans un coin. Le but? Essentiellement forcer l’UE pour permettre au FMI de jouer un rôle plus affirmé dans les affaires économiques de l’organisme supranational.
On donne beaucoup trop d’attention à la criminalité des banques centrales nationales comme la Réserve fédérale, mais la celle-ci n’est rien de plus qu’une franchise, l’appendice d’un syndicat bancaire plus grand, avec le FMI, la Banque des règlements internationaux (BRI) et la Banque mondiale en tête.
Ce que beaucoup de gens ne semblent pas comprendre, c’est que les banques centrales nationales sont jetables dans l’esprit des globalistes comme ceux du FMI. Ce ne sont que des institutions de papier. Leurs vrais actifs sont inconnus parce qu’ils n’ont jamais été audités. Ils peuvent être détruits ou absorbés sur un caprice, si les globalistes y trouvaient des gains plus importants comme conséquence. Les documents de Wikileaks confortent les affirmations que j’ai mentionnées dans mon article, La fin du jeu économique expliqué, que les banques centrales, menées par le FMI et la BRI, créent délibérément une instabilité sur les marchés mondiaux afin de créer une crise assez grande pour justifier la totale centralisation du pouvoir dans les mains de ces mêmes institutions.
Cela ne devrait être nouveau pour personne, mais malheureusement, ça l’est. Si on revient en 2012, la directrice du FMI, Christine Lagarde, a fait cette déclaration révélatrice :
«Quand le monde autour du FMI descend, nous prospérons. Nous devenons extrêmement actifs parce que nous prêtons de l’argent, nous gagnons des intérêts et des frais et tout ce que cela implique, et l’institution le fait bien. Quand le monde va bien et que nous avons des années de croissance, comme ce fut le cas en 2006 et 2007, le FMI ne se porte pas aussi bien, à la fois financièrement et sur d’autres plans.»
Si le FMI fabrique une crise financière en Europe afin d’obtenir plus de puissance et d’influence, pourquoi est-ce que la Fed ne ferait pas la même chose en Amérique?
La SEULE explication qui fait sens sur le fait que la Fed permet une élimination progressive du soutien des marchés américains, est que leur objectif est de créer de l’instabilité. Le décrochage et l’exploitation des faux espoirs agissent comme une sorte de soupape, ce qui ralentit la chute à un rythme gérable.
La perte de confiance dans les banques centrales et leur capacité à soutenir les marchés mourants est en effet en cours. Cependant, ce n’est pas toute l’histoire. Le fait est que la perte de foi est CENSÉE se produire, et elle est utile aux globalistes du FMI, qui cherchent maintenant à remplacer des centaines de franchises de banques centrales à travers le monde, par une entité unique régissant la supervision de la gestion financière du monde entier. Autrement dit, le FMI crée le problème afin que ses agents puissent s’offrir eux-mêmes avec leur autorité en tant que solution.
Tout comme les banquiers internationaux utilisent les stimulus et la politique de change comme outils, le FMI utilise le chaos.
Brandon Smith
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Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone
- Il est remonté vers les 600 pts, partant d’un point bas à 291 le 2 Février 2016, NdT ↩
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