SitRep Ukraine. Démographie en chute – Fin du soutien


Par Moon of Alabama − Le 3 octobre 2023

Par le biais d’un article de Responsible Statecraft, je suis tombé sur une étude de l’UE tentant de prédire la démographie future de la population ukrainienne.

La guerre et l’avenir de la population ukrainienne

L’étude date du début de l’année 2022 et se fonde sur le nombre de victimes ukrainiennes du tout premier mois de la guerre. Le scénario le plus pessimiste est le suivant :

Nos troisième et quatrième scénarios supposent que la guerre se poursuivra pendant un mois ou plus, de sorte que l’on peut s’attendre à d’autres pertes et à d’autres réfugiés. Nous supposons les pertes suivantes : 5 000 morts parmi les soldats et 1 500 morts parmi les civils sur la base des tendances actuelles. Il y aura 5 millions de réfugiés, selon les estimations du HCR (HCR 2022a).

Le nombre réel de réfugiés est deux fois plus élevé et le nombre de victimes, blessés et morts, est bien sûr 100 fois plus élevé que ce que l’étude supposait. Cette étude ne valait donc pas l’argent qui lui a été consacré.

Toutefois, certains graphiques sont utilisables.

Hier, j’ai brièvement discuté de l’article d’opinion de l’ancien ministre britannique de la défense, Ben Wallace, dans lequel il affirme :

L’âge moyen des soldats sur le front est supérieur à 40 ans.

Il exhorte ensuite le gouvernement ukrainien à envoyer plus de jeunes hommes dans le hachoir à viande.

Ma réponse à Wallace a été la suivante :

Les jeunes Ukrainiens ne sont plus là. Soit ils ont fui l’Ukraine, soit ils sont blessés, handicapés ou morts. Vous ne pouvez pas mobiliser ce qui n’est plus là.

Malheureusement, la situation réelle est pire que ce que je pensais. L’étude démographique de l’UE comprend ce graphique :

La population de l’Ukraine par âge et par sexe en 2020

La « pyramide des âges » en Ukraine n’est pas une pyramide. En 2020, il y avait un manque énorme de personnes âgées de 15 à 20 ans. Ils n’étaient tout simplement pas là. Ils n’ont jamais existé. Le nombre de nouveau-nés vers les années 2000 a dû être terriblement bas.

La raison en est probablement le grave ralentissement de l’économie ukrainienne après que le pays se soit séparé de l’Union soviétique.

PIB de l’Ukraine (PPA)

Il a fallu une décennie de grave récession pour que l’Ukraine trouve un point d’équilibre pour son économie. La mauvaise conjoncture économique et les faibles espoirs d’amélioration avaient influencé le désir de procréation de la population. Deux autres récessions ont suivi, l’une lors de la récession mondiale de 2008 et l’autre à la suite du coup d’État de Maïdan en 2014 et de la guerre civile qui s’en est suivie.

Ainsi, lorsque la guerre a commencé, il y avait deux fois moins de personnes âgées de 20 ans que de personnes âgées de 40 ans. Il n’est donc pas étonnant que peu de jeunes soient présents sur la ligne de front.

Il reste une mesure que l’Ukraine pourrait prendre pour augmenter le nombre de jeunes soldats. Il existe actuellement des exemptions de mobilisation pour ceux qui étudient à l’université. Si l’Ukraine les annulait, elle pourrait probablement trouver quelques dizaines de milliers de soldats supplémentaires. Mais elle se priverait aussi de sa future élite.

Les prévisions démographiques, déjà mauvaises dans une vingtaine d’années, seraient alors encore pires qu’elles ne le sont actuellement.

En début d’année, le taux de natalité de l’Ukraine a atteint un nouveau seuil :

Pour maintenir une population stable, les recherches montrent qu’il est nécessaire d’avoir une moyenne d’environ 2,1 bébés par famille – ce que l’on appelle le taux de remplacement. En Ukraine, les taux de fécondité sont restés en dessous de ce seuil depuis 1990. Au cours des deux dernières décennies, le taux est souvent tombé en dessous de ce que les experts appellent un taux de fécondité « très bas » de 1,3, lorsque la population commence à diminuer à un rythme de plus en plus rapide. En janvier 2021, un an avant l’invasion russe, le taux de fécondité était de 1,16, selon les statistiques nationales.

Le taux de natalité a encore baissé depuis et est aujourd’hui le plus bas du monde :

Le taux de natalité en Ukraine a chuté de 28 % au cours du premier semestre 2023, par rapport à la même période avant la guerre, ce qui constitue la baisse la plus importante depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, a rapporté le Wall Street Journal le 25 septembre.

En raison de la guerre en cours, des millions de femmes ukrainiennes avec enfants ont été contraintes de quitter le pays, tandis que les hommes âgés de 18 à 60 ans n’avaient pas le droit de partir. En conséquence, de nombreux couples ont été physiquement séparés, tandis que d’autres ont retardé le moment de fonder une famille, indique le rapport.

Au cours du premier semestre 2023, 96 755 enfants sont nés en Ukraine. Depuis 2013, le taux de fécondité du pays a baissé d’environ 7 % par an.

La population de l’Ukraine va encore diminuer. En 1990, l’Ukraine comptait plus de 50 millions d’habitants. Dans vingt ans, le pays comptera peut-être moins de 25 millions d’habitants. Et ce, même si tous les réfugiés reviennent. Il est peu probable que cela se produise.

Le soutien à l’Ukraine s’amenuise :

Alors que la Russie devient de plus en plus sanguinaire, les alliés de l’Ukraine semblent pris dans leurs propres conditions limites conflictuelles. Il n’y a aucune volonté de se mobiliser pour défendre l’Ukraine. Il n’y a même pas d’effort sérieux pour augmenter la production militaire à un niveau adéquat pour égaler, et encore moins dépasser, la production de la Russie.

Et c’est sans parler du fait que l’Ukraine, en tant que pays, est devenue la pupille très coûteuse de tous ceux qui la soutiennent.

Hier, une réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE sur la poursuite de l’assistance militaire à l’Ukraine s’est achevée sans résultat :

Les ministres des affaires étrangères des pays de l’UE présents au sommet d’aujourd’hui à Kiev ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur l’attribution d’une assistance militaire à l’Ukraine d’un montant de 5 milliards d’euros pour 2024.

C’est ce qu’a annoncé Josep Borrel, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors d’une conférence de presse organisée à l’issue de l’événement.

Le budget de l’UE pour 2023 s’élève à 168,6 milliards d’euros. Ces 5 milliards d’euros sont une bagatelle, mais les pays de l’UE n’ont pas réussi à s’unir sur ce point. La générosité a atteint la limite du possible.

Borrel avait prédit l’issue inévitable :

Un peu plus tôt, le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrel, a déclaré que l’arrêt du soutien militaire de l’Occident à Kiev entraînerait une fin rapide du conflit en Ukraine, mais qu’en conséquence, le pays perdrait son indépendance.

Une fin rapide du conflit est ce que toutes les personnes saines d’esprit devraient espérer.

Examinez les données démographiques et économiques ci-dessus et demandez-vous ce que 30 années d' »indépendance » ont apporté à l’Ukraine.

Y mettre fin pourrait bien être la meilleure chose qui puisse lui arriver. Malheureusement pour elle, il est peu probable que la Russie subventionne la poursuite de son existence.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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