« Les événements récents témoignent du fait que les jours de la domination incontestée des États-Unis au Moyen-Orient sont terminés. Le retour de la Russie dans la région en tant que nouveau courtier en puissance a été un succès retentissant et reflète la primauté croissante de la Russie sur la scène mondiale.» – Peter Korzun
Par Peter Korzun – Le 20 janvier 2018 – Source Strategic Culture
Qu’on le veuille ou non, l’influence de la Russie au Moyen-Orient se développe à pas de géant. Une fois que vous avez rassemblé les faits, l’image devient claire : le poids de la Russie est en hausse, ce qui en fait la nation de référence pour les pays de la région.
Moscou vient de conclure un accord décisif pour la construction de deux réacteurs nucléaires en Arabie saoudite. Quatre autres pays, y compris les États-Unis, étaient également en lice, mais leurs offres ont échoué, la Russie offrant un meilleur prix, une meilleure efficacité et de meilleures conditions. En accueillant le ministre russe de l’Énergie, Alexander Novak, le roi saoudien Salman a déclaré que les deux pays devaient renforcer leur coopération. Moscou a déjà signé des contrats pour la construction de réacteurs nucléaires en Jordanie (2015) et en Égypte (2017). Aramco, la compagnie pétrolière nationale d’Arabie saoudite, prévoit d’investir 20 milliards de dollars dans des projets russes de gaz naturel liquéfié.
Ce mois-ci, le ministère russe de la Défense entame des pourparlers avec le Liban pour un accord de coopération militaire comprenant des escales navales, des opérations de recherche et sauvetage en mer, la lutte contre la piraterie maritime, l’utilisation des aéroports, des exercices conjoints, l’échange d’informations et un afflux d’instructeurs militaires russes pour former le personnel militaire libanais.
Les tensions montent alors qu’Israël et le Liban n’arrivent pas à résoudre leurs différends à propos des frontières maritimes. Jusqu’à présent, les efforts de médiation dirigés par les États-Unis n’ont donné aucun résultat. Peut-être le différend aurait-il une meilleure chance d’être négocié avec succès si Moscou assumait le rôle de médiateur – une mission pour laquelle la Russie a jusqu’ici montré une réelle habileté au Moyen-Orient. Un accord pourrait être beaucoup plus facile à réaliser si des entreprises russes participent au projet. Les pays impliqués dans l’exploitation des gisements de gaz offshore, tels qu’Israël, le Liban, Chypre et la Turquie, sont en bons termes avec Moscou. C’est un avantage unique qui fait défaut aux États-Unis. La Russie ne prend pas parti et entretient des relations amicales avec tout le monde, afin de donner toute sa chance à la diplomatie.
L’été dernier, Moscou et Bagdad ont signé un important accord d’armement. Selon le ministère irakien de la Défense, la première cargaison de chars de combat dernier cri T-90 est arrivée dans le pays le 15 février. L’accord a été signé pour un total de 73 véhicules. L’accord a été motivé par le succès du T-90 dans le conflit syrien. Le gouvernement irakien a demandé à la Russie de l’inclure dans le processus de paix d’Astana pour mettre fin aux combats en Syrie. Il a également conclu un accord avec les États-Unis pour faire de grandes coupes dans la présence militaire américaine sur son sol.
Juste avant la visite du secrétaire d’État américain Rex Tillerson à Ankara, la Turquie a annoncé avoir conclu un autre accord avec la Russie pour un deuxième lot de missiles défensifs longue portée S-400 à livrer en 2021. Ce système n’est pas techniquement compatible avec les équipements de l’OTAN, il devra donc rester séparé de l’infrastructure de l’alliance.
Les dirigeants du mouvement pour l’autonomie palestinienne se sont tournés vers la Russie pour trouver un nouveau négociateur en chef au Moyen-Orient afin de remplacer les États-Unis. La région est confrontée à de nombreux problèmes qui devraient être traités au niveau international. La Russie peut faire ce que personne d’autre ne peut, ou ne veut, faire : organiser et accueillir une conférence internationale ouverte à tous pour promouvoir la paix entre Israël et la Palestine.
Le « Congrès syrien du dialogue national » parrainé par Moscou et organisé à la fin du mois de janvier, a été un pas en avant dans le règlement du conflit syrien. Le rôle diplomatique de l’Amérique dans le conflit syrien est mineur. Les États-Unis ne sont même pas actifs dans le seul forum auquel ils participent : les pourparlers de Genève sous l’égide de l’ONU. La Russie donne le ton en Syrie. C’est le seul acteur capable de prévenir le conflit imminent entre Israël et l’Iran et de négocier un accord entre eux. Moscou peut également servir de médiateur entre l’Iran et l’Arabie saoudite.
Sotchi semble être un lieu important pour les initiatives diplomatiques de paix. Par exemple, la Russie a récemment offert d’accueillir des pourparlers entre le gouvernement afghan et les talibans, nous devrions donc nous attendre à ce que les grands médias mentionnent le nom de Sotchi dans leurs manchettes alors que cette ville accueille de plus en plus de réunions de diplomates étrangers et de journalistes.
Un autre événement important est passé presque inaperçu dans les médias grand public. Le 13 février, Sergey Narychkine, chef du Service russe des renseignements extérieurs, s’est entretenu avec le président égyptien Abdel-Fattah El-Sisi au Caire pour discuter de la coopération en matière de sécurité. La réunion a eu lieu dans le contexte de l’opération militaire à grande échelle menée par l’Égypte pour réprimer les activités terroristes dans la péninsule du Sinaï. C’est arrivé le lendemain du jour où le président égyptien avait rencontré le secrétaire d’État américain Rex Tillerson. La Russie et l’Égypte discutent d’un accord militaire qui permettrait l’accès réciproque à leurs espaces aériens et à leurs bases aériennes. La situation en Libye figure en priorité sur cet agenda bilatéral. Moscou a fait des progrès substantiels dans sa quête pour amener toutes les factions libyennes à un dialogue de paix.
Les événements récents témoignent du fait que les jours de la domination incontestée des États-Unis au Moyen-Orient sont terminés. Le retour de la Russie dans la région en tant que nouveau courtier en puissance a été un succès retentissant et reflète la primauté croissante de la Russie sur la scène mondiale.
Peter Korzun
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone