Trump sabote-t-il volontairement
sa campagne ?


Résultats de recherche d'images pour « Michael Moore »Par Michael Moore – Le 3 octobre 2016 – Source michaelmoore

 

Chers amis,

Donald Trump n’a jamais vraiment voulu être président des États-Unis. Je sais cela de source sûre. Je ne vais pas dire comment je le sais. Je ne dis pas que Trump et moi avons partagé le même agent ou avocat ou styliste ou, si nous l’avons fait, que cela aurait quelque chose à voir avec quoi que ce soit. Et je ne vais certainement pas dire que je n’ai jamais rien entendu dans ces agences, dans les couloirs de NBC ou ailleurs. Mais il y a certaines personnes qui lisent ce texte maintenant, elles se reconnaîtront, et elles savent que chaque mot dans ce texte a réellement été prononcé.

Trump était mécontent des conditions de son contrat comme hôte et star de son spectacle à succès sur NBC , The Apprentice (et The Celebrity Apprentice). Autrement dit, il voulait plus d’argent. Il avait auparavant lancé l’idée qu’il pourrait entrer dans la course à la présidentielle dans l’espoir que l’attention qui serait alors portée sur lui renforcerait sa position dans les négociations. Mais il savait, en tant que roi auto-proclamé des négociateurs, que dire que vous allez faire quelque chose est du pipeau, par contre le faire fait se dresser les bâtards et attire leur attention.

Trump avait commencé à parler à d’autres réseaux de son intention de déplacer son spectacle. Ce fut une autre façon d’obtenir un effet de levier – la peur de le perdre pour quelqu’un d’autre – et quand il a tranquillement rencontré le chef de l’un de ces réseaux, et l’a fait savoir, sa main a été renforcée. Il sut alors qu’il était temps de jouer son Atout.

Il décida d’entrer en lice pour concourir à la présidence.

Bien sûr, il ne voulait pas vraiment concourir – juste faire l’annonce, tenir quelques méga-rassemblements réunissant des dizaines de milliers de fans, et attendre les premiers sondages à venir qui lui ont montré – quoi d’autre ? – qu’il était en tête ! Et donc il pouvait obtenir tous les arrangements qu’il voulait, valant des millions de plus que ce qu’il était payé.

Ainsi, le 16 juin de l’année dernière, il descendit de son escalier roulant en or et ouvrit la bouche. Pas d’équipe de campagne, aucune infrastructure de campagne dans les cinquante États – il n’avait besoin de rien, car, rappelez-vous, cela ne devait pas être une véritable campagne –, et sans script préparé, il a dérapé à sa conférence de presse de lancement, qualifiant les Mexicains de «violeurs» et de «trafiquants de drogue» et promettant de construire un mur pour les garder tous dehors. Les auditeurs dans la salle sont restés bouche bée. Ses commentaires étaient tellement offensants que NBC, loin de lui offrir un plus gros salaire, l’a immédiatement viré avec cette déclaration laconique : «En raison des récentes déclarations désobligeantes de Donald Trump au sujet des immigrants, NBCUniversal cesse sa relation d’affaires avec M. Trump.» NBC a dit qu’il annulait aussi la retransmission des concours de beauté appartenant à Trump : miss USA et miss Univers. BOUM !!!

Trump a été stupéfait. Bonjour l’art de la transaction ! Il n’avait jamais prévu cela, mais il a malgré tout collé à son plan afin d’augmenter sa «valeur» dans les yeux des autres réseaux en leur montrant combien de millions d’Américains le voulaient Lui pour chef. Il savait, bien sûr – et les gens en qui il avait confiance lui ont aussi dit – qu’il n’avait aucune chance de réellement gagner beaucoup de primaires – si ce n’est aucune –, et il ne deviendrait certainement pas le candidat républicain, et jamais, au grand jamais, il ne serait Président des États-Unis. Bien sûr que non ! D’ailleurs il ne voulait pas ! Être président est du boulot, c’est ennuyeux et il faut vivre dans le ghetto de Washington DC, dans un petite maison vieille de deux cents ans, humide et triste et seulement deux étages ! Un «deuxième étage» n’est pas un penthouse ! Mais tout cela n’avait pas d’importance, car «Trump président» était seulement une ruse qui allait durer quelques mois.

Et puis quelque chose s’est produit. Et pour être honnête, si cela vous arrivait, vous auriez peut-être réagi de la même façon. Trump, à sa grande surprise, a enflammé le pays, en particulier parmi les personnes qui étaient à l’opposé des milliardaires. Il fila droit en première place dans les sondages des électeurs républicains. Jusqu’à 30 000 supporters bruyants ont commencé à apparaître à ses rassemblements. Les TV se goinfraient. Il est devenu la première célébrité américaine en mesure de s’inviter à tous les spectacles qu’il voulait – et ne même pas apparaître dans le studio ! De Face the Nation à The Today Show et à Anderson Cooper, il a simplement eu à téléphoner et ils lui ont ouvert l’antenne en direct. Il aurait pu être assis sur sa cuvette de toilette en or dans la Trump Tower sans que nous le sachions et les médias n’auraient eu aucun problème avec tout cela. En fait, le patron de CBS, Leslie Moonves, a fait le buzz en admettant que Trump était très bon pour les taux d’audience à la télévision et la vente des annonces publicitaires – douce musique aux oreilles du narcissique dédaigné par NBC.

Trump est tombé amoureux de lui-même une fois de plus, et il oublia vite sa mission de départ qui était de faire une bonne affaire pour une émission de télévision. Une émission de télévision ? Vous plaisantez – c’est bon pour les perdants comme Chris Harrison, où que ce soit (animateur de The Bachelorette). Il n’était plus simplement le roi des négociateurs – il était le Roi du Monde ! Ses moindres réflexions seraient discutées et disséquées partout, par tout le monde, pendant des jours, des semaines, des mois ! Cela n’est jamais arrivé dans son émission The Apprentice ! Invité d’une émission de télévision ? Il était la star de toutes les émissions de télé – et, rapidement, il remporta presque toutes les primaires !

Et puis… Vous pouvez voir le moment où il a finalement eu la… «Oh merde! alors»… révélation : «Je vais vraiment être le candidat républicain – et putain, ma riche et belle vie est foutue.» C’est la nuit où il a remporté la primaire du New Jersey. Le titre sur TIME.com était : «Le discours de Donald Trump se radoucit après qu’il a gagné dans le New Jersey.» Au lieu d’être l’un de ses discours forts et ravageurs, il était carrément déprimant. Aucune énergie, aucun bonheur, juste la prise de conscience que maintenant il devait aller jusqu’au bout de cette acrobatie qu’il avait commencée. Ce ne serait plus de la performance artistique. Il devait se mettre au boulot.

Mais, rapidement, son karma l’a rattrapé. Traiter les Mexicains de «violeurs» aurait dû le disqualifier dès le premier jour – ou bien dire que Obama n’est pas né ici [aux USA], comme il l’a fait en 2011. Non, il a fallu treize mois de commentaires racistes, sexistes, stupides avant qu’il ne finisse par se décomposer lui-même avec un tiercé attaquant la famille d’un soldat tué, ridiculisant la Purple Heart 1 et suggérant que la foule pro-armes à feu assassine Hillary Clinton. En fin de semaine dernière, l’aspect de son visage a tout dit : «Je déteste ça ! Je veux retourner à mon spectacle !» Mais il était trop tard. Il était cassé, sa marque de fabrique devenue irréparable et lui la risée du monde entier – et pire encore, un perdant avant peu.

Mais, permettez-moi de balancer une autre théorie, celle qui suppose que Trump n’est pas aussi stupide ou fou qu’il en a l’air. Peut-être que l’effondrement des trois dernières semaines n’était pas un hasard. Peut-être que tout cela fait partie de sa nouvelle stratégie pour se tirer, quoi qu’il arrive, d’une course qu’il n’a jamais voulu mener jusqu’au bout. Parce que, à moins qu’il ne soit juste «fou», la seule explication de l’insolite montée en puissance, jour après jour, de  déclarations épouvantablement irresponsables l’une après l’autre, est qu’il le fait consciemment (ou inconsciemment), de sorte qu’il aura à tirer sa révérence ou à blâmer les «autres» de l’y avoir forcé. Beaucoup sentent venir maintenant la fin du jeu parce qu’ils savent que, sérieusement, Trump ne veut pas vraiment faire le boulot – et, surtout, il ne peut pas et ne pourrait pas souffrir d’être officiellement et légalement déclaré un perdant – un loser ! – dans la nuit du 8 novembre.

Croyez-moi, je l’ai rencontré le gars. J’ai passé un après-midi avec lui. Il préférerait plutôt inviter les Clinton et les Obama à son prochain mariage que d’avoir cette lettre écarlate «L» [Loser] marquée sur le front après la clôture du dernier bureau de vote ce soir-là, le soir du dernier épisode du spectacle éternellement annulé : Le Show de merde de Donald Trump.

Bien à vous,

Michael Moore

Postscript :

Don[ald], si vous lisez ceci, faites-le vite. Donnez à votre parti pathétique une chance de ramasser les morceaux et de nommer Ryan ou Romney afin que ce soit eux les grands perdants de la Maison Blanche, du Sénat, de la Chambre et oui, louez Jésus et la fameuse RBG, la Cour suprême. Ne soyez pas trop dur avec vous-même. Vous êtes seulement la conclusion logique d’un parti qui a vécu sur le racisme, la bigoterie et a sucé le 1% pendant des décennies, et maintenant son Trump est revenu le hanter.

Note du Saker Francophone

Ce texte est issu d'une analyse de dedefensa.org sur l'histoire de la campagne de Trump.

Vous aurez compris que Michael Moore n'est pas fan de Trump et que sa fameuse source dont il ne peut pas parler est peut-être son imagination fertile, mais l'hypothèse reste séduisante. Mais si ce n'est pas Trump qui avait pris le flambeau, quelqu'un d'autre l'aurait fait tôt où tard tellement les américains ont l'air fatigué de leur élites.

Traduit et édité par jj, relu par Catherine, pour le Saker Francophone

  1.  La Purple Heart (de l’anglais : cœur violet) est une médaille militaire américaine, décernée au nom du président des États-Unis, accordée aux personnes blessées ou tuées au service de l’armée américaine après le 5 avril 1917. Wikipédia
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