Papa Bush était un planétoïde d’excréments ravagé par des vers frétillants


Par Dmitry Orlov – Le 4 décembre 2018 – Source Club Orlov

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Je crois qu’il est malséant de dire du mal des personnes récemment décédées. Cela peut blesser les êtres chers qu’ils ont laissés derrière eux et créer de l’animosité parmi les vivants. La mort doit être traitée avec dignité et décorum. Les morts devraient être pardonnés pour leurs transgressions, car même les vrais méchants pourraient être considérés comme ayant fait une bonne chose à la fin, mourir, débarrassant ainsi le monde de leur présence immonde, leur mort même étant un acte d’expiation.

Mais cette façon de penser est-elle pertinente pour la disparition opportune des orbes politiques américains, qu’il s’agisse de sacs sphériques démocrates suppurants ou de planétoïdes d’excréments républicains ravagés par des vers frétillants ? Ne serait-il pas profondément malhonnête de votre part de faire autre chose que de crier joyeusement à son expulsion finale vers les profondeurs de l’enfer ? N’avez-vous pas ressenti un petit spasme d’exaltation en apprenant que Richard Nixon était mort ? N’avez-vous pas ressenti l’envie de faire une petite danse de joie quand John McCain a calanché ? Et n’aurez-vous pas à vous retenir d’agiter vos petits poings en l’air en criant « Ouaiiiis! » quand vous entendrez qu’Henry Kissinger a finalement passé l’arme à gauche ?

Alors, ne vous retenez pas non plus ! Réjouissez-vous, nation, car un orbe suppurant s’est détaché de votre firmament et a été aspiré sans coup férir dans un trou noir où il restera à tout jamais. Ressentez la joie ! Si vous ressentez des douleurs de conscience en vous réjouissant de la mort de quelqu’un, sachez que ces orbes en décomposition ne sont pas exactement humains. Certains les considèrent comme des reptiliens venus de l’espace, même si je crois que c’est un peu fantasque.

Je crois que ce sont des humains qui ont eu l’extrême vanité de se considérer eux-mêmes comme des divinités païennes ; par conséquent, les considérer comme des orbes célestes, dont la plupart ont été nommés d’après le nom de dieux païens, semble plus approprié. Leurs standards sont élevés – si élevés qu’ils font, en fait, du deux poids, deux mesures : il y a eux et tous les autres. Leur modus operandi semble être la vieille phrase latine « Quod licet Iovi, non licet Bovi » : « Ce qui est permis à Jupiter n’est pas permis aux bœufs ». En d’autres termes, chaque président américain a été un criminel de guerre coupable de multiples crimes, de crimes contre l’humanité et d’innombrables atrocités allant jusqu’à des actes de génocide. Pour eux, c’est permis ; pour les dirigeants des autres nations, pas tant que ça, à moins qu’ils ne soient alliés, bien sûr.

Jimmy Carter peut dîner avec le dictateur indonésien Suharto et signer des accords d’armement avec lui, même si ses troupes commettent des actes de génocide au Timor oriental. ReaganPapa Bush, puis Bush fiston, peuvent virevolter en considérant une bande de vils mécréants comme de vaillants moudjahidin luttant pour la liberté, puis, les mêmes, comme d’ignobles terroristes d’al-Qaïda, et enfin les armer et les équiper, avant pour terminer de les combattre sans succès pendant dix-sept ans environ. Pour les orbes suppurants, la bataille pour tout ce qui est le « bien » et contre tout ce qui est le « mal » est rendue facile par le fait que les deux sont interchangeables sur un coup de tête : un instant, Noriega est un agent actif de la CIA, ses efforts pour diriger le Panama et renforcer le commerce de la cocaïne de la CIA sont très appréciés par son directeur George Bush et le moment suivant il est un criminel à arrêter et à emprisonner à vie en mettant en scène une invasion militaire.

Des atrocités humanitaires – au Kosovo, en Libye ou en Syrie – peuvent être concoctées sur un coup de tête, pour justifier des interventions humanitaires qui impliquent alors de véritables atrocités humanitaires (qui sont soigneusement ignorées). La liste d’exemples peut être allongée à l’infini, mais le schéma reste le même : tout ce que font les orbes purulents est, par définition, pour le bien du pays et du monde et, si vous êtes en désaccord, vous êtes par définition le « mal ». Une telle logique nous amène au-delà de toute conception de la morale et elle est donc parfaitement diabolique. Par conséquent, les orbes suppurants sont des incarnations et des émanations du mal, et leurs morts réduisent la quantité de « mal » dans le monde et doivent être célébrées et non pleurées.

Au cours des années que j’ai passées aux États-Unis, j’ai acquis une vision bien ancrée des politiciens américains comme un fléau dans le firmament céleste : des orbes en train de pourrir aux confins de l’horizon. J’imagine avec fantaisie les orbes démocrates, tels Clinton et Obama, comme des sacs sphériques de pus, tandis que les républicains – les Bush, surtout – comme des planétoïdes formés d’excréments, ravagés par des vers. Cela exagère quelque peu les différences entre eux, qui sont pour la plupart minimes. Il m’aurait peut-être été possible d’apprendre à les ignorer complètement si seulement les gens avaient cessé de les pointer du doigt et d’en parler, mais ils ne l’ont jamais fait, car il y avait si peu de choses à discuter à part le choix entre ces deux types d’orbes suppurants.

Ce qui ne veut pas dire non plus que ce sujet mérite d’être trop discuté ; c’est simplement irritant, comme une démangeaison qui gratte, parce que peu importe le type d’orbe qui se trouve à la tête, la responsabilité reste la même. Il s’agit notamment de :

1. S’assurer que la pompe à fric basée sur le dollar, qui draine l’épargne des pays du monde entier et les maintient dans un état d’endettement perpétuel, continue de fonctionner.

2. S’occuper des soins et de l’alimentation du complexe militaro-industriel, qui a toujours besoin de dictatures terroristes pour s’armer et de nouvelles cibles désarmées à bombarder et à renvoyer à l’âge de pierre.

3. Perpétuer une fausse démocratie qui exauce les vœux des lobbies d’affaires et des oligarques tout en faisant de son mieux pour ignorer tous les autres.

4. Répondre aux besoins de certains groupes ethniques privilégiés, les Anglo-Saxons et les Juifs, essentiellement.

En plus de maintenir les prisons pleines et de veiller à ce que les riches continuent de s’enrichir tandis que les pauvres restent pauvres, ce sont là des préoccupations bipartisanes. Les Américains non privilégiés peuvent voter, sauter dans un lac, se planter entre eux des clous dans la tête à coups de masses, ou simplement s’asseoir là comme Bouddha, bras et jambes repliés – politiquement, l’effet sera exactement le même.

Un planétoïde d’excréments ravagé par des vers se détache particulièrement dans ma mémoire. Quand on m’a accordé la citoyenneté américaine, le collet monté qui administrait la procédure m’a demandé (pour être absolument sûr que j’étais apte à être américain) qui était le vice-président [de Reagan]. J’étais d’un âge où les jeunes hommes ne sont pas trop préoccupés par la mémorisation de ces informations inutiles, et j’ai donc haussé les épaules. On m’a quand même accordé la citoyenneté. La bonne réponse aurait été : « George Bush, mais c’est qui ? » Mais c’était définitivement la mauvaise question. Les bonnes questions auraient été :

1. Comprenez-vous qu’une fois que vous aurez accepté la citoyenneté américaine, vous devrez payer des impôts américains, peu importe où vous décidez de vivre dans le monde ? Les États-Unis sont l’un des deux États pratiquant l’esclavage fiscal ; l’autre est l’Érythrée.

2. Comprenez-vous qu’une fois que vous acceptez la citoyenneté américaine, peu importe le monde dans lequel vous vivez, tous vos enfants, même s’ils n’ont jamais mis les pieds aux États-Unis, peuvent également être obligés de payer des impôts américains ?

3. Comprenez-vous que si jamais vous décidez de renoncer à votre citoyenneté américaine, vous devrez payer 2 350 $, passer un audit de l’IRS (le fisc) et serez probablement obligé de vous séparer d’une grande partie de vos économies ?

4. Comprenez-vous que vos enfants ne pourront en aucun cas renoncer à leur citoyenneté américaine avant l’âge de 18 ans ?

5. Comprenez-vous que, bien que les États-Unis soient le principal lieu de blanchiment d’argent pour les oligarques du monde entier, en tant que ressortissant américain, vous serez transformé en substance toxique pour les institutions bancaires étrangères en raison de la réglementation financière américaine onéreuse et excessive ?

6. Comprenez-vous que, contrairement à beaucoup d’autres pays, les États-Unis n’accordent à leurs citoyens aucun droit particulier au-delà de l’abstrait et vaporeux « vie, liberté et poursuite du bonheur » ? Plus précisément, vous n’aurez pas droit à un salaire décent, à un logement abordable, à des soins médicaux, à une éducation fondée sur le mérite ou à une retraite digne, et tout ce sur quoi vous pouvez toujours compter en tant que citoyen américain sera votre propre chance et un peu de charité.

Ce sont toutes des questions qu’il serait très utiles de poser à quiconque s’apprête à accepter la citoyenneté américaine, à titre d’avertissement. Mais au lieu de cela, on s’attendait à ce que je prononce les mots « George Bush », et quand je ne l’ai pas fait, ce fut bien aussi. Apparemment, ils vous prendront aussi longtemps que vous aurez un battement de cœur. Tant que votre cœur bat encore, vous pouvez être tout ce que vous voulez – de la chair à canons, un surfeur de dettes ou un toxicomane qui vit dans la rue. Vous pouvez même rêver de devenir vous-même un jour un orbe suppurant !

Eh bien, le cœur de George Bush ne bat plus : il est enfin mort. Alléluia ! Que les cieux se réjouissent !

Les cinq stades de l'effondrementDmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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