L’Otan n’a aucune chance dans une guerre contre la Russie


Alors que nous parlons d’une guerre proche des frontières de la Russie – à l’inverse, l’armée russe, animée par l’idée de la défense, n’est pas une menace pour les États-Unis ou l’Europe de l’Ouest


Russlands Luftlandetruppen – Moskaus schnelle Eingreiftruppe

Note du Saker Francophone

Cet article est paru à l'origine dans The Unz Review en juillet 2015, et nous le reprenons à cause d'un embardée écœurante vers la guerre entre la Russie et l'Otan au cours des deux dernières semaines. Le Saker est sans pareil sur ce sujet.

2015-09-15_13h17_31-150x112Par The Saker – Le 27 mars 2018 – Source TheSaker

Depuis la rédaction de cet article, les forces armées russes ne font que se renforcer, avec de nouveaux systèmes d’armes, un moral plus élevé et une expérience de combat cruciale en Syrie.

Dans une chronique récente de l’Unz Review, j’ai écrit que chaque jour, « Dans tous les scénarios imaginables, la Russie a les moyens de détruire complètement les États-Unis en 30 minutes environ (les États-Unis, bien sûr, peuvent faire de même en Russie). Tout planificateur de guerre américain devrait tenir compte du potentiel d’escalade d’une quelconque attaque militaire contre la Russie. “

Cela soulève alors la question de savoir si la Russie pourrait attaquer militairement les États-Unis si nous supposons, pour des raisons de démonstration, qu’aucune des deux parties ne serait prête à utiliser des armes nucléaires, y compris tactiques. Si, par une magie mystérieuse, toutes les armes nucléaires devaient disparaître, à quoi ressemblerait l’équilibre du pouvoir entre la Russie et les États-Unis ?

Pourquoi le décompte de la quincaillerie militaire n’a t-il absolument aucun sens ?

La réponse typique à ce genre de question recourt à ce que les planificateurs des forces américaines appellent « le décompte des boutons de guêtres». Habituellement, les journalistes utilisent le rapport annuel de lIISS Military Balance ou une source comme Global Firepower informant sur le nombre d’hommes, de chars de combat principaux, de véhicules blindés, de véhicules de combat d’infanterie, d’avions de combat, de pièces d’artillerie, bombardiers, missiles, navires de surface, sous-marins, etc. présents de chaque côté dans le tableau.

La réalité est qu’un tel décompte ne veut absolument rien dire. Prenons un exemple simple : si une guerre se produit entre, supposons, la Chine et la Russie, alors le fait que la Chine ait, disons, 1000 chars dans la province du Yunnan, ne fera aucune différence, simplement parce qu’ils sont trop éloignés. Lorsque nous appliquons cette mise en garde à l’équilibre militaire conventionnel russo-américain, nous devons immédiatement nous poser les deux questions fondamentales suivantes :

a) Quelle part de l’armée américaine dans le monde serait-elle immédiatement disponible pour les commandants en cas de guerre avec la Russie ?

b) Sur combien de renforts cette force pourrait-elle compter et dans combien de temps pourraient-ils arriver ?

Gardez à l’esprit que les chars, les bombardiers, les soldats et l’artillerie ne se battent pas séparément – ils se battent ensemble dans ce que l’on appelle logiquement les batailles interarmes. Donc, même si les États-Unis pouvaient amener X soldats à l’emplacement A, s’ils ne possèdent pas tous les autres éléments d’une armée interalliée pour les soutenir au combat, ils ne sont qu’une cible facile.

De plus, toute force de combat nécessitera un effort logistique d’approvisionnement important. C’est très bien d’amener l’aéronef X à l’emplacement A, mais si ses missiles, l’équipement d’entretien et les spécialistes ne sont pas là pour opérer, ils sont inutiles. Les forces blindées sont connues pour dépenser une énorme quantité de pétrole, d’huile et de lubrifiants. Selon une estimation de 1991, une division blindée des États-Unis ne pourrait opérer sur ces propres stocks que pendant cinq jours – après quoi, elle aurait besoin d’un effort important de réapprovisionnement.

Enfin, toute force que les États-Unis déplaceraient du point A au point B deviendrait indisponible pour exécuter son rôle normalement assigné au point A. Maintenant, considérez que le point A pourrait être le Moyen-Orient, ou l’Extrême-Orient et vous verrez que cela pourrait être une décision difficile pour les commandants américains.

Guerre lourde

Nous avons un très bon exemple de la façon dont les États-Unis opèrent : l’opération Desert Shield. Au cours de cette gigantesque opération, il a fallu six mois aux États-Unis et un effort logistique sans précédent pour réunir les forces nécessaires pour attaquer l’Irak.

De plus, l’Arabie saoudite était prête depuis des décennies à recevoir une force aussi massive (conformément à la doctrine dite de Carter [promesse d’engagement des forces US pour défendre ses intérêts au Moyen-Orient]) et les efforts américains ne rencontraient aucune opposition de la part de Saddam Hussein.

Maintenant, posez-vous les questions suivantes :

a) En cas de guerre avec la Russie, quel pays voisin de la Russie aurait une infrastructure [de l’Otan] similaire à celle de l’Arabie asoudite, du matériel prépositionné, des bases énormes, des pistes, des ports en eau profonde, etc. ? (Réponse : aucun)

b) Quelle est la probabilité pour que les Russes accordent six mois aux États-Unis pour se préparer à la guerre sans prendre aucune mesure ? (Réponse : 0%)

On pourrait objecter que toutes les guerres ne se déroulent pas selon le scénario lourd de Tempête du désert. Que se passerait-il si les États-Unis préparaient une intervention militaire très légère en utilisant uniquement des forces de réaction immédiate ou rapide des États-Unis et de l’Otan ?

Guerre légère (ou réaction rapide)

Je vais répéter ici quelque chose que j’ai écrit en décembre de l’année dernière :

Les Russes n’ont pas peur de la menace militaire posée par l’Otan. Leur réaction aux derniers mouvements de l’Otan (nouvelles bases et personnel en Europe centrale, plus de dépenses, etc.) est de dénoncer un acte provocateur, mais les responsables russes insistent tous pour dire que la Russie peut gérer la menace militaire.

Comme l’a dit un député russe, « cinq groupes de diversion à réaction rapide sont un problème que nous pouvons résoudre avec un seul missile ». Une formule simpliste mais fondamentalement correcte.

Comme je l’ai déjà mentionné, la décision de doubler la taille des forces aéroportées russes et de faire passer le 45e régiment d’élite à la taille d’une brigade complète a déjà été prise. On pourrait dire que la Russie a préempté la création de la force de 10 000 hommes de l’Otan en faisant passer ses propres forces mobiles (aéroportées) de 36 000 à 72 000. C’est typique de Poutine. Alors que l’Otan annonce en fanfare, avec feux d’artifice, que l’Otan créera une force de réaction rapide spéciale de 10 000 hommes, Poutine double tranquillement la taille des forces aéroportées russes jusqu’à 72 000. Et, croyez-moi, les forces aéroportées russes [unies] sont bien plus capables que l’Euroforce hédoniste et démotivée (28 pays) de 5 000 hommes, que l’Otan peine à recruter. Les commandants américains comprennent parfaitement cela.

En d’autres termes, la guerre légère, ou la réaction rapide, est le domaine d’excellence des Russes et n’est pas le genre de conflit dans lequel les États-Unis ou l’Otan pourraient espérer s’imposer. En outre, si la guerre légère devait durer plus longtemps que prévu et devait être escaladée au niveau lourd, qui des États-Unis ou de la Russie auraient leurs forces lourdes à proximité ?

Shock and Awe

Il y a, bien sûr, un autre modèle à la disposition des commandants américains : Shock and Awe / Choc et Effroi : des attaques de missiles de croisière massives soutenues par des bombardements. Ici je pourrais facilement objecter que bombarder la Russie n’est pas comparable à bombarder l’Irak et que les défenses aériennes russes sont les plus redoutables de la planète.

Ou je pourrais dire que tandis que les USA ont un excellent palmarès de succès en bombardant des civils, leur action contre une force militaire comme le Corps d’armée serbe au Kosovo a été un échec cuisant.

Aparté 

Soixante-dix-huit jours de frappes aérienne, sans interruption, des États-Unis et de l'Otan, plus de 1000 avions et plus de 38 000 sorties aériennes et tout ça pour arriver à quoi ? Une dizaine d'avions serbes détruits (la plupart au sol), plus de 20 véhicules blindés et chars détruits et plus de 1000 soldats serbes morts ou blessés. Cela contre une force de plus de 130 000 soldats serbes, plus de 80 avions, 1 400 pièces d'artillerie, 1 270 chars et 825 véhicules blindés de transport de troupes (tous les chiffres selon Wikipédia). Le 3e corps d'armée serbe est sorti indemne de cette campagne de bombardements massive qui restera dans l'histoire comme la pire défaite de la puissance aérienne !

Mais même si nous supposons que les États-Unis réussissaient dans leur type de guerre favori à distance, quelqu’un croit-il que cela affecterait sérieusement l’armée russe ou briserait la volonté du peuple russe ? Les habitants de Leningrad ont survécu non pas à 78, mais à 900 (neuf cents !) jours (1942-1944) d’un siège et d’un bombardement infiniment pires et n’ont même jamais envisagé de capituler !

La réalité est que, en position se défense, la Russie a un énorme avantage contre les États-Unis, même si l’on ne considère que les armes conventionnelles. Même si le conflit se déroulait en Ukraine ou dans les États baltes, la proximité géographique donnerait à la Russie un avantage décisif par rapport à toute attaque imaginable des États-Unis et de l’Otan. Tous les commandants américains le comprennent très bien même s’ils prétendent le contraire.

Inversement, une attaque russe contre les États-Unis ou l’Otan est tout aussi improbable, et pour les mêmes raisons. La Russie ne peut pas projeter sa puissance très loin de ses frontières.

En fait, si vous regardez la façon dont l’armée russe est organisée, structurée et entraînée, vous verrez immédiatement que c’est une force conçue pour vaincre un ennemi à la frontière russe ou à moins de 1000 km de celle-ci.

Oui, bien sûr, vous verrez des bombardiers russes, des navires de surface et des sous-marins aller beaucoup plus loin, mais ce sont aussi des missions typiques pour « montrer l’étendard », pas pour des scénarios de combats réels.

L’armée américaine doit régulièrement tabasser un petit pays plus ou moins sans défense, soit pour lui voler ses ressources, soit pour renverser un gouvernement qui défie l’hégémonie mondiale, soit pour faire un exemple.

L’armée américaine n’a jamais été conçue pour mener une guerre majeure contre un ennemi sophistiqué. Seules les forces nucléaires stratégiques américaines sont chargées de défendre les États-Unis contre une autre puissance nucléaire (la Russie ou la Chine) ou de se battre dans une guerre majeure.

Quant à l’armée russe, elle a été conçue pour être purement défensive et ne peut menacer personne en Europe, encore moins aux États-Unis.

Bien sûr, les médias occidentaux continueront à compter les boutons de guêtres américains et russes, mais c’est de la pure propagande conçue pour créer un sentiment d’urgence et de peur dans le grand public. La réalité dans un avenir prévisible restera que ni les États-Unis ni la Russie n’ont les moyens de s’attaquer l’un à l’autre victorieusement, même avec des forces conventionnelles.

Le seul vrai danger est une escalade soudaine non préparée, donc imprévisible, qui conduira à une confrontation qu’aucun des deux côtés ne veut et pour laquelle il n’est pas préparé. L’attaque israélienne contre le Liban en 2006 ou l’attaque géorgienne contre les soldats de la paix russes en 2008 sont deux rappels effrayants que des politiciens parfois stupides prennent des décisions également incroyablement stupides. Je suis confiant que Poutine et son équipe ne prendraient jamais une décision aussi idiote, mais quand je regarde la relève actuelle des candidats présidentiels américains, je peux vous dire que j’ai très, très peur.

The Saker

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone

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