… mais ils ont impressionné le monde
Par Andrew Korybko – Le 13 mars 2018 – Source Oriental Review
Le président Poutine a dévoilé la réponse hypersonique de la Russie au soi-disant « bouclier antimissile » des États-Unis et rétabli l’équilibre nucléaire stratégique entre les deux grandes puissances.
Cette annonce dramatique a été faite lors de son discours annuel sur l’état de la nation qui comprenait cette fois plusieurs vidéos présentant chacun des systèmes d’armes qu’il a décrits dans son discours. Cependant, le président Poutine a clairement indiqué que ces armements avaient des objectifs défensifs et qu’ils avaient été créés en réponse à l’abandon en 2002 par les États-Unis du Traité antimissile balistique (ABM) signé en 1972, bouleversant ainsi complètement la parité d’autrefois qui avait stabilisé leurs relations.
Maintenant, cependant, l’avantage que les États-Unis espéraient obtenir sur la Russie en neutralisant probablement sa dissuasion nucléaire avec le temps, pour faire finalement chanter Moscou et le reste du monde, a été annulé et l’équilibre est revenu aux plus hauts niveaux des relations internationales. La réaction internationale à cette prise de conscience fut immédiate, les médias officiels ont décontextualisé des extraits clés du discours du président Poutine pour les faire apparaitre comme l’annonce d’une nouvelle course aux armements. Les médias alternatifs ont été beaucoup plus justes dans leur description de la révolution russe dans les affaires militaires en rapportant avec précision les intentions pacifiques et stabilisatrices du pays du fait du dévoilement de son armement hypersonique à la fine pointe de la technologie.
Pour quelque raison que ce soit, les deux publics ont eu la nette impression que ce développement a complètement surpris les États-Unis, mais rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Il est inconcevable que les agences de renseignement américaines n’aient aucune idée que la Russie développait ces armements, surtout après que Moscou eut annoncé ses intentions il y a dix ans, comme le rappelait le président Poutine. Ce fait démystifie le récit dominant, avancé pour différentes raisons par les médias traditionnels et alternatifs, comme quoi les États-Unis ont été surpris par la révélation de la Russie. Au lieu de cela, il indique que le président Poutine a mis en œuvre une stratégie ingénieuse de soft power pour améliorer l’image de son pays dans le reste du monde.
Lui et ses conseillers ont sagement calculé que ce serait le meilleur moment pour annoncer ces développements militaires à la communauté internationale, surtout après la déception éprouvée avec Trump quand il s’est agi de restaurer les relations bilatérales en raison de la férocité de l’État profond à entretenir une « guerre civile » pour le neutraliser. En outre, l’excellent travail que les forces aérospatiales russes ont accompli en Syrie a rendu leur matériel mondialement célèbre, ce qui laisse supposer qu’il y aura une forte demande pour les exportations d’armes hypersoniques de ce pays à l’avenir.
Après tout, la récente vague de ventes de S400 à une multitude de pays, y compris des partenaires non traditionnels tels que la Turquie et l’Arabie saoudite, change totalement l’équation militaire stratégique et érode encore la domination militaire américaine dans le domaine des capacités offensives aériennes et de missiles. Il en découle logiquement que la Russie aurait également intérêt à saper les capacités défensives des États-Unis à cet égard. Il faudra encore attendre quelques années avant que la Russie envisage même de vendre cette technologie, mais elle va inévitablement proliférer avec le temps, tout comme les drones et toutes les autres avancées qui ont changé la donne.
Les États-Unis s’attendaient certainement à ce que cela se produise mais ne s’attendaient probablement pas à être humiliés sur la scène mondiale après que le président Poutine eut exposé la futilité des milliards de dollars que les contribuables américains ont investis dans le soi-disant « bouclier antimissile » de leur pays. Trump pourrait bientôt planifier la propre annonce de son gouvernement afin de « sauver la face » et convaincre le monde que sa politique militariste « America First » va effectivement « rendre l’Amérique plus grande encore ».
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone