La Russie en train de perdre le Kazakhstan, jusqu’alors son fidèle allié


Par Dmitry Sudakov − Le 21 mars 2018 − Source Pravda.ru

Le Kazakhstan, dernièrement, s’est distancé de la Russie. Le ministère des Affaires étrangères kazakh vient de rejeter la demande de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, d’abroger le régime d’exemption de visa de son pays envers les États-Unis d’Amérique. Avant cela, Nursultan Nazarbaïev, dirigeant de l’ex-République soviétique, avait ordonné le retrait de l’alphabet cyrillique au profit de l’alphabet latin. En outre, les fonctionnaires kazakhs ne sont plus autorisés à parler russe en public.

Rien ne laissait présager l’arrivée de l’orage. Après la rencontre trilatérale à Astana (entre la Russie, la Turquie et l’Iran) [en février 2017, NdT], Sergueï Lavrov avait cordialement remercié Nursultan Nazarbaïev d’avoir tenu le rôle de médiateur dans le processus de médiation sur la Syrie.

Après cela, lors d’une conférence de presse, une question avait pris le ministre russe de court. On avait demandé à Lavrov quelle était la position de la Russie sur l’introduction de l’exemption de visa entre le Kazakhstan et les États-Unis. L’assistance avait pu constater que Lavrov n’était pas au courant de ce changement.

Il avait prudemment demandé au Kazakhstan de revenir sur l’exemption de visa avec les USA, mise en place lors de la visite à Washington de Nursultan Nazarbaïev en janvier [2017, NdT]. Lavrov avait déclaré que le Kazakhstan, préalablement à une ouverture de ses frontières aux Américains, aurait dû coordonner sa décision avec l’administration de l’Union économique eurasiatique, l’exemption de visa ayant une influence sur le territoire dans sa globalité.

La crainte de Moscou est de voir des espions américains entrer au Kazakhstan sans visa, et de là rejoindre subrepticement la Fédération de Russie en profitant de l’exemption de visa entre Russie et Kazakhstan. Bien entendu, ce genre de question soulève de sérieux problèmes de sécurité nationale.

Le Kazakhstan a fait fi de la demande de Lavrov. Le lendemain même, le ministre kazakh des Affaires étrangères faisait une déclaration, disant en substance que la décision de l’exemption de visa pour les citoyens de pays étrangers relevait du droit légitime de tout État souverain.

Il va sans dire qu’une déclaration ferme de ce genre n’a pas été émise sans avoir été validée personnellement par Nursultan Nazarbaïev. Le président du Kazakhstan envoyait par là un message clair à la Russie : la période où le Kremlin dictait la conduite du Kazakhstan était révolue.

Outre ce point, le Kazakhstan, bien que membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), s’est également mis à développer une coopération militaire avec les États-Unis. Il y a peu, des responsables de l’ingénierie militaire des Forces armées du Kazakhstan se sont déplacés aux États-Unis, où ils ont assisté à deux formations organisées dans des instituts du Pentagone – à Fort Lee et à Fort A.P. Hill, en Virginie.

À la suite de quoi, le service de presse du ministère de la Défense kazakh diffusait le message suivant : « Au cours des réunions bilatérales, nous avons discuté la tenue de sessions d’entraînement au déminage et à la destruction d’objets explosifs avec la participation de spécialistes américains. »

La décision de passer de l’alphabet cyrillique à l’alphabet latin constitue une autre démarche que le Kazakhstan a entreprise récemment pour quitter le « monde russe ». L’alphabet kazakh est ainsi unifié avec l’alphabet turc, ce qui va faciliter l’entrée en douceur de la république dans l’espace culturel de la Turquie. Le président du Kazakhstan a déclaré : « Le processus d’adoption de l’alphabet latin constitue un changement historique pour notre peuple. »

Pour couronner le tout, Nazarbaïev a également annoncé récemment que les fonctionnaires du gouvernement et du parlement ne devraient plus pratiquer que la langue de la république – le kazakh.

« Nous devons poursuivre la tâche de perpétuation de la langue kazakh. Les activités au sein du parlement et du gouvernement devraient être menées dans la langue du pays, explique-t-il. Dans le même temps, on ne peut pas interférer avec les droits des citoyens en la matière, et nous devrions leur proposer des services de traduction simultanée » ajoute-t-il.

Il s’avère, en effet, que les Kazakhs ne parlent pas couramment leur langue natale. Marat Beketaïev, ministre de la Justice du pays, parlant couramment anglais et diplômé de la London School of Economics, a embauché un professeur particulier pour améliorer son kazakh.

Le Kazakhstan est-il en train de basculer vers le côté turc et la superpuissance transatlantique, dont les agissement récents ont consisté à se renforcer en Asie centrale ?

Dmitry Sudakov

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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