Fondation et Empire – Donald Trump est-il la Mule ? 2/3

Par Jim Quinn – Le 29 mars 2017 – Source LewRockwell

Dans la première partie de cet article, j’ai analysé les similitudes de la Trilogie de la Fondation d’Isaac Asimov avec le Quatrième Tournant de Strauss & Howe, en essayant d’évaluer comment l’ascension de Donald Trump au pouvoir s’inscrit dans les théories présentées par ces auteurs. Maintenant, je vais comparer Trump au personnage le plus intéressant du classique d’Asimov : la Mule.

La Mule

« Un cheval ayant un loup comme ennemi puissant et dangereux vivait dans la peur constante pour sa vie. Au désespoir, il lui vint à l’idée de chercher un allié fort. Sur quoi il s’approcha d’un homme et proposa une alliance, soulignant que le loup était aussi un ennemi de l’homme. L’homme accepta immédiatement l’alliance et proposa aussitôt de tuer le loup, à condition que son nouveau partenaire veuille bien coopérer en mettant sa vélocité à la disposition de l’homme. Le cheval se dit prêt et permit à l’homme de placer la bride et la selle sur lui.

L’homme monta, chassa le loup et le tua. Le cheval, joyeux et soulagé, remercia l’homme et dit : ‘Maintenant que notre ennemi est mort, retirez votre bride et votre selle et rendez-moi ma liberté.’ Sur quoi, l’homme se mit à rire et répondit : ‘Jamais !’, et il appliqua les éperons avec volonté. »

Isaac Asimov, Fondation

 

Je n’avais pas pensé à la Trilogie de la Fondation pendant des décennies jusqu’à ce que quelqu’un la mentionne récemment dans un commentaire sur mon site. Cette personne se demandait si l’arrivée de Trump sur la scène représentait l’avènement de la Mule pendant le déclin de l’Empire galactique. Les nombreux ennemis de Trump aimeraient le décrire comme un seigneur de guerre mutant et monstrueux, tendant à utiliser ses pouvoirs de persuasion pour soumettre le peuple à ses propres impératifs. Je ne vois pas nécessairement Trump comme la Mule, mais comme un facteur perturbateur dérangeant les plans les mieux établis de l’establishment et aidant à révéler les ordres du jour cachés de l’État profond.

La science de la psycho-histoire de Seldon était remarquable pour prédire le comportement de populations importantes, mais sans valeur pour tenter de prédire ce que l’individu pourrait faire. L’émergence de la Mule, un mutant métallique doté d’une capacité télépathique aiguë de modifier les émotions des êtres humains n’aurait pas pu être prédit par le plan Seldon, axé sur les mouvements statistiques d’un grand nombre de peuples et de populations à travers la galaxie.

La Mule était la variable imprévisible dans les équations de l’histoire et la plus grande menace pour le plan Seldon. Elle perturbe l’inévitabilité de l’évolution continue de la première Fondation et de la fin potentielle de l’Âge des Ténèbres. La Mule, à travers la manipulation télépathique, vainc et s’empare de l’empire grandissant de la Fondation, qui s’oriente de plus en plus vers le contrôle et l’absence de contact avec les planètes extérieures dans son domaine d’influence en pleine expansion.

Il y a certainement des parallèles entre l’arrivée de Trump sur la scène et la psycho-histoire de la Mule provoquant l’interruption du plan de Seldon. La Mule a été décrite comme un monstre et sujette à dérision. Cela a alimenté son ambition de prendre le contrôle de la galaxie. Je crois que Trump a décidé qu’il allait être président le 30 avril 2011, lors du dîner de l’Association des correspondants à la Maison-Blanche, alors qu’Obama se moquait implacablement de lui et le ridiculisait devant l’establishment du pouvoir corrompu de Washington. Le fait d’avoir été tourné publiquement en ridicule par un président représentant une communauté de costumes cravates oisifs n’ayant jamais réellement travaillé un seul jour dans leur vie a mis Trump dans une grande colère  et l’a incité à se présenter et à gagner la présidence.

La Mule entre en scène déguisée en un clown nommé Magnifico Giganticus. Au fil du temps, elle utilise ses capacités de manipulation psychologique pour attirer les masses de son côté et finit par s’emparer de la galaxie. Lorsque Trump a annoncé sa candidature, cela a été considéré comme une pirouette de relations publiques pour pouvoir poursuivre sa carrière défaillante dans la téléréalité. Il a un égo gigantesque et brillant. Sa personnalité est celle d’un milliardaire parti de rien, irascible, avec un énorme égo et une soif de projecteurs. Il a été la cible de nombreuses blagues sur ses cheveux et sa peau orange.

Dans l’ensemble, il a accepté ces blagues, car toute publicité est bonne à prendre lorsque vous vous vendez comme une marque. Il a mis son nom sur des bâtiments, des vêtements fabriqués en Chine, des universités frauduleuses et à peu près tout ce qui lui apporterait quelques dollars de plus. Il est devenu plus célèbre pour son émission de télévision The Apprentice et son slogan « You’re Fired » que pour l’empire immobilier valant des milliards de dollars qu’il avait construit.

Comme la Mule, Trump a utilisé le dédain de l’établissement du GOP [« Grand Old Party », c’est-à-dire le parti républicain, NdT] et la sous-estimation de ses capacités de persuasion pour arracher le contrôle du parti des mains des pirates de l’élite. Au début de sa candidature, je faisais parti des sceptiques du monde libertaire qui ne l’ont pas pris au sérieux. Je le trouvais amusant, mais je ne pensais pas qu’il avait le sérieux nécessaire pour être président. J’ai aimé sa rhétorique de non-ingérence dans les conflits étrangers, de protection de nos frontières, d’application de la règle du droit, d’abrogation de la désastreuse loi Obamacare ainsi que son incessante démolition des médias traditionnels de gauche et de l’establishment de Washington.

Je n’étais pas un grand fan de son agacement sur des questions sans conséquence. Au fil du temps, j’ai commencé à me rendre compte qu’il était probablement le Champion gris de ce Quatrième Tournant, et la régénération vers la prochaine phase serait son élection inattendue au plus haut niveau du pays. Il était la seule personne capable de détruire la pustule fétide connue sous le nom d’État profond.

L’enfance tourmentée de la Mule, combinée à sa capacité mentale à modifier les émotions humaines, a conduit à sa soif de pouvoir, afin de se venger de la race humaine qui lui a causé tant de peine. L’enfance de Trump n’était pas une promenade dans un parc, mais elle était loin d’être marquée par la torture. Son père l’a envoyé à l’école militaire à l’âge de 13 ans pour lui inculquer la discipline. Il semble que son désir de succès ait été stimulé par le désir d’être a la hauteur des attentes de son père et d’avoir même plus de succès que le vieil homme. Contrairement à la Mule, sa motivation n’est pas une forme de vengeance, sauf si vous considérez sa vengeance contre Obama pour les quolibets qu’il a enduré pendant ce dîner.

La Mule avait les capacités mentales pour transformer les antagonistes en adeptes, en convertissant les sentiments d’animosité en fidélité intense. Elle  pouvait également stimuler des sentiments de peur et de panique omniprésents parmi ses ennemis. Elle a utilisé l’influence subtile du subconscient pour recruter des individus à sa cause. La Mule a utilisé ses pouvoirs mentaux pour perturber le plan de Seldon en invalidant son hypothèse selon laquelle aucun individu ne pourrait avoir un impact quantifiable sur les tendances historiques prédites par sa théorie de la psycho-histoire. La Mule est un personnage semblable à un Champion gris qui monte au pouvoir à un moment crucial de l’Histoire en tant que facteur perturbateur des meilleurs plans de l’élite présomptueuse. La Mule utilise ses aptitudes cérébrales extraordinaires pour conquérir la Fondation, non préparée et trop confiante.

Ces deux dernières années, Trump a été sous-estimé à chaque étape. Il a jeté du sable dans les engrenages de l’establishment politique, composé de membres des deux partis politiques et contrôlé par les joueurs de l’État profond habitués à faire à leur façon. Trump a pu utiliser ses pouvoirs de persuasion pour surmonter la propagande médiatique de gauche et inciter une large frange d’Américains mécontents à venir à ses côtés. Le bombardement incessant  de désinformation et de fausses nouvelles diffusées par les médias contrôlés par l’État profond ignore le fait qu’il a remporté 53% des votes des femmes blanches ainsi qu’un grand nombre de syndicalistes issus d’États cols bleus comme le Michigan, l’Ohio, le Wisconsin, la Pennsylvanie et l’Indiana.

Tel que documenté pendant la campagne par Scott Adams, le pouvoir phénoménal de persuasion de Trump a surmonté tous les obstacles jetés en travers de son chemin par l’establishment corrompu. Il n’avait aucun soutien de la part des décideurs du GOP, a été méprisé et ridiculisé par la machine horriblement corrompue de l’establishment démocratique, mésestimé et tourné en dérision par les fausses nouvelles des médias privés et sapé par l’appareil de surveillance à la demande du réprouvé, ranci et rancunier occupant du bureau ovale. Leur haine pure et véritable pour l’homme les a aveuglés et déconcertés par sa tactique, sa stratégie et sa capacité, à la Svengali, d’attirer d’énormes foules d’Américains normaux dans tout le pays.

Trump a perturbé le dévoiement par l’État profond de nos systèmes politique, économique, financier, social et culturel et il est devenu l’homme de la situation destiné à gouverner pendant une période de désordre intérieur, de bouleversement mondial, de chaos civil et, en fin de compte, de guerre à grande échelle. La campagne de pillage par la classe dirigeante, déguisée en capitalisme de marché libre et en démocratie, a été menacée par un inconnu incontrôlable, imprévisible, qui n’agit pas selon leur plan.

La réaction violente organisée par les faux anarchistes de la gauche financés par les milliardaires, utilisant les informations bidons et la propagande de la conspiration russe, ainsi que la campagne NSA / CIA / FBI pour discréditer et/ou renverser la présidence Trump est le genre de réponse que vous attendez d’un dangereux animal pris au piège. L’establishment ne renoncera pas au contrôle sans une lutte sanglante jusqu’au bout.

Puisque nous savons qu’Asimov a modelé sa trilogie sur l’Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain de Gibbon, il y a eu beaucoup de conjectures quant à savoir qui représentait la Mule. Il a des parallèles historiques avec Attila le Hun, Tamerlan, Charlemagne et l’empereur romain Auguste. Basé sur le cadre historique temporel dans lequel il écrivait (1941-1950), je pense qu’on peut supposer qu’il a modelé certains des traits de la Mule d’après Adolf Hitler. Son enfance perturbée, son traumatisme pendant la Première Guerre mondiale, sa capacité hypnotique à manipuler les émotions du peuple allemand, l’audace d’attaquer ceux qu’il percevait comme ses ennemis et d’avoir tenté la conquête mondiale, entre en résonance avec une grande partie de l’histoire de la Mule.

Quand j’essaie de trouver des parallèles avec notre situation actuelle et le rôle joué par Trump, je vois la Trilogie de la Fondation sous une lumière différente. Isaac Asimov était un intellectuel. Il avait un doctorat en biochimie et était membre de Mensa. Il a été professeur d’université pendant la plus grande partie de sa vie. Les universitaires croient aux théories et au charabia académique, comme on peut le constater avec les décennies d’universitaires qui ont géré la Réserve fédérale, détruisant notre monnaie et conduisant des millions de personnes à la servitude économique.

Hari Seldon est un intellectuel qui crée la Fondation, composée d’autres intellectuels académiques. Ensuite, il met en place une deuxième fondation d’intellectuels encore plus talentueux comme plan de sauvegarde au cas où la Fondation échouerait. Les véritables puissants sur cette planète ont toujours un plan de sauvegarde. Vous ne savez jamais si les leaders ou les organisations que vous soutenez font vraiment partie d’un plan plus vaste que vous n’avez pas considéré. Garder la population déstabilisée, confuse et cherchant des ennemis invisibles n’est qu’une partie du plan.

Seldon pouvait prévoir le déclin inévitable de l’Empire galactique, car tout empire dans l’histoire du monde a finalement périclité. Que l’Empire romain ait été gouverné par un despote, un homme sage ou un imbécile, il a continué son déclin durant des siècles, de la gloire à la destruction. Les empires sont créés par des hommes faillibles dont les échecs, les faiblesses et les désirs ne changent jamais. John Adams prévoyait l’avenir d’un Empire américain deux siècles avant qu’il ne devienne un empire. L’Empire américain est en train de se suicider et un seul individu, peu importe son audace et sa détermination, ne pourra pas le sauver de la destruction inévitable.

« Je ne dis pas que la démocratie a été plus pernicieuse dans l’ensemble, et à terme, que la monarchie ou l’aristocratie. La démocratie n’a jamais été et ne peut jamais être aussi durable que l’aristocratie ou la monarchie ; mais pendant qu’elle dure, elle est plus sanglante que les deux. (…) Rappelez-vous, la démocratie ne dure jamais longtemps. Bientôt elle se perd, s’épuise et se tue elle-même. Il n’y a jamais eu de démocratie qui ne se soit pas suicidée. Il est absurde de dire que la démocratie est moins vaine, moins fière, moins égoïste, moins ambitieuse ou moins avare que l’aristocratie ou la monarchie.

Ce n’est pas vrai, en fait, et ceci n’apparaît nulle part dans l’Histoire. Ces passions sont les mêmes chez tous les hommes, sous toutes les formes de gouvernement simple, et lorsqu’elles ne sont pas contrôlées, elles produisent les mêmes effets de fraude, de violence et de cruauté. Lorsque des perspectives claires sont ouvertes face à la vanité, la fierté, l’avarice ou l’ambition, pour leur gratification facile, il est difficile pour les philosophes les plus attentifs et les moralistes les plus consciencieux de résister à la tentation. Les individus se sont conquis. La nation et les grands groupes d’hommes, jamais. »  John Adams, Les lettres de John et Abigail Adams

 Je ne vois pas Trump comme un personnage diabolique du type de La Mule dans cette tragédie shakespearienne, alors qu’elle progresse vers son dénouement malheureux. Je ne vois pas non plus Seldon et son ensemble d’intellectuels élitiste comme les sauveurs de l’univers. Je vois la Fondation comme l’élite de Washington et de Wall Street, qui est le visage de l’establishment ─ Pelosi, Schumer, Ryan, McConnell, Yellen, Dimon, Blankfein, Immelt, Gates, Buffet, etc. La Deuxième Fondation a été cachée à la vue, opérant dans l’ombre, inconnue des masses et contrôlant la galaxie derrière le rideau. Ils étaient l’État profond galactique.

Le plan de Seldon ressemble à un plan Soros actuel. Des requins riches, hautement éduqués, égoïstes, vaniteux et pervers qui croient qu’ils sont les hommes les plus intelligents du monde opèrent dans les coulisses en tant que gouvernement invisible, manipulant les mécanismes de la société et tirant les fils qui contrôlent l’esprit public. Soros, comme d’autres milliardaires sombres et suffisants, n’est pas un fan du populisme.

Ils croient qu’ils ont le droit de diriger le monde comme ils en décident, sans apport ni résistance de la part des masses ignorantes. Avec le panier de déplorables qui se lève et élisent Trump, les joueurs de l’État profond se battent ouvertement et révèlent leur processus de pensée déformée. L’élitiste milliardaire Ray Dalio a récemment révélé ses peurs de populisme et celles de ses compatriotes milliardaires. Il ne se considère pas comme un homme du commun des mortels.

Le populisme est un phénomène politique et social qui touche l’homme commun, habituellement peu instruit, et qui en a assez 1) des différences de richesse et de chances, 2) des menaces culturelles perçues de ceux qui ont des valeurs différentes dans le pays et des étrangers, 3) des « élites de l’establishment » aux postes de pouvoir, et 4) du gouvernement qui ne fonctionne pas efficacement pour eux. Ces sentiments conduisent cet électorat à mettre des responsables solides au pouvoir. Les dirigeants populistes sont généralement provocateurs plutôt que collaboratifs et exclusifs plutôt qu’inclusifs. En conséquence, les conflits se produisent généralement entre des factions opposées (habituellement celles économiquement et socialement à gauche en opposition à la droite), à ​​la fois dans le pays et entre les pays. Ces conflits s’aggravent progressivement en se renforçant automatiquement de diverses manières.

En d’autres termes, le populisme est dans une certaine mesure une rébellion de l’homme commun contre les élites, contre le système. La rébellion et le conflit qui en découlent se produisent à divers degrés. Parfois, le système se plie et il casse. Qu’il s’agisse de courbures ou de ruptures en réponse à cette rébellion et à ce conflit, cela dépend de la souplesse et de la solidité du système. Cela semble également dépendre de la façon dont les populistes qui gagnent le pouvoir sont raisonnables et respectueux envers le système. Les politiques économiques populistes classiques comprennent le protectionnisme, le nationalisme, l’augmentation de la construction d’infrastructures, l’augmentation des dépenses militaires, des déficits budgétaires plus importants et, très souvent, des contrôles de capitaux.

Dalio, Soros et leurs collègues milliardaires considèrent le populisme comme une menace pour leur richesse, leur pouvoir et leur contrôle sur le monde. Mais c’est beaucoup de bruit pour rien. C’est comme se positionner pour le meilleur siège du Titanic alors qu’il coule dans les profondeurs océaniques glaciales de l’Atlantique. La pagaille touche l’Empire américain et personne ne peut inverser son parcours à ce stade. J’aborderai cette situation pénible dans la troisième partie de cet article.

Jim Quinn

Article original paru dans The Burning Platform.

Traduit par Julie, vérifié par Wayan, relu par M pour le Saker francophone

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