Ce que cache le chant des sirènes de Soros sur le système de crédit social chinois


Andrew Korybko – Le 25 janvier 219 – Source eurasiafuture.com

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Le financier milliardaire des révolutions de couleur a émis, lors du Forum économique mondial de Davos, en début de semaine, des propos apparemment censés, reprenant les préoccupations de nombreux occidentaux quant au système d’État chinois de surveillance omniprésent. Mais le baratin populiste de Soros ne constitue rien d’autre qu’une justification superficielle des ingérences dans les affaires intérieures de la République populaire, ainsi qu’un soutien à la faction des néo-conservateurs de l’« État profond », qui veulent passer à la vitesse supérieure de la Nouvelle guerre froide.

DAVOS/SWITZERLAND, 27JAN11 - George Soros, Chairman, Soros Fund Management, USA, is captured during the session 'Redesigning the International Monetary System: A Davos Debate' at the Annual Meeting 2011 of the World Economic Forum in Davos, Switzerland, January 27, 2011. Copyright by World Economic Forum swiss-image.ch/Photo by Michael Wuertenberg

George Soros, le milliardaire financeur des révolutions de couleur a fait des vagues en début de semaine à Davos, en s’en prenant sévèrement à la Chine, à qui il reproche son système de surveillance omniprésent ; il a dans son discours coché un grand nombre de cases consensuelles chez nombre d’occidentaux : il y avait là-dedans tout ce qu’on pouvait attendre du personnage, mais on y a également trouvé matière à surprise. Sa soi-disant Open Society Foundation (OSF) [Fondation pour une Société Ouverte, NdT], ainsi que le réseau mondial d’intermédiaires qu’elle a tissé au cours des décennies, se prononce officiellement pour la transparence, les droits des citoyens, et pour que les États rendent compte de leurs actions ; c’est là dessus qu’il s’est appuyé pour pointer le doigt vers les abus auxquels pourraient supposément mener le « système de crédit social » de la Chine ; mais de manière très ironique, le récit qu’il a promu ce faisant contenait plusieurs éléments extrêmement populaires au sein des mouvements populistes auxquels s’oppose son organisation.

En réalité, cependant, Soros a de nombreux antécédents où on l’a vu soutenir des mouvements radicaux, qui une fois portés au pouvoir ont établi des modèles de gouvernement fort éloignés de ceux dont son mouvement se veut le porte-drapeau. L’exemple le plus notable à ce jour réside dans le groupe terroriste urbain d’extrême-droite qui s’est emparé du pouvoir en Ukraine à l’issue du coup d’État de l’EuroMaidan de février 2014, et qui a fini par  constituer un régime fasciste. Fondamentalement, entre ce que Soros déclare défendre et ce qu’il soutient dans la réalité, on mesure bien souvent une distance qui s’apparente à celle séparant les antipodes. Cela s’explique par le fait qu’en dépit de ce qu’il nie, son organisation ne constitue rien de plus qu’une facette « acceptable aux yeux du public », mais répondant aux factions néo-conservatrices de l’appareil d’État permanent étasunien que constituent les administrations militaires, de renseignements et diplomatiques (« l’État Profond »).

Il y a contradiction entre l’opposition publique de Soros envers les mouvements auto-proclamés populistes (que l’on trouve principalement en occident) d’une part, et la défense qu’il prend du récit sur la Chine qu’ont nombre de ces mouvements d’autre part ; cela s’explique par la volonté de Soros de rendre populaire sa « marque » OSF, tout en agitant la frénésie anti-chinoise qui agite l’Occident. Chose importante, certaines de ses remarques récentes s’en prenaient également à Trump, à qui il reproche de faire trop de « concessions » à la Chine, au lieu d’adopter une ligne dure en redoublant d’efforts en matière de « guerre commerciale ». Ainsi, parmi d’autres sujets, il faudrait à l’en croire que les sociétés chinoises ne « dominent pas le marché de la 5G » à l’avenir.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Soros et ses sbires ont fini par encourager les éléments les plus à droite des populistes étasuniens, en soutenant une intensification de la Nouvelle guerre froide, et en critiquant Trump qui aurait une approche trop souple envers la Chine. Il s’agit d’un angle de la guerre de l’information qui joue le jeu des néo-conservateurs : sous peine de voir se segmenter sa base électorale, le milliardaire compte voir le président se plier à ses volontés, sous peine de voir ses propres soutiens faire monter des pressions « du terrain » contre lui. Nombre de ces soutiens détestent Soros à cause de tout ce qu’il représente et de tout ce qu’il a fait par le passé pour arrêter Trump, mais certains d’entre eux pourraient succomber à son chant des sirènes de Davos.

Il serait dangereux que les soutiens de Trump se voient influencés par les paroles de Soros : il ne faut jamais oublier que Soros, au delà d’une simple critique du système de crédit social établi par la Chine ou de ses « préoccupations sincères de voir advenir une société ouverte » en Chine, veut transformer en arme la colère croissante du grand public américain de voir la Chine décider de gérer de manière indépendante ses affaires internes en matière socio-politique. L’objectif de fond qu’il poursuit est de rallier ses ennemis populistes, sous forme d’« idiots utiles » à son agenda néoconservateur anti-chinois, en faisant pression « du bas » sur Trump pour qu’il s’en prenne plus agressivement à Pékin.

Un chemin logique de pensée nous confirme que Soros prend ces positions dans le cadre idéologique libéro-mondialiste qui est le sien, mais l’homme est suffisamment sournois pour déguiser ses motivations sous une couche rhétorique populiste-nationaliste, pour tirer profit de l’esprit du temps et manipuler les foules. S’il avait énoncé ses objectifs clairement aux franges de soutien de Trump qui s’apparentent à des « trotskystes » de droite pour essayer de saper les chances de réélection du président l’an prochain, il se serait évidemment vu rejeté en bloc. Son jeu est plus rusé : il adapte son discours à leurs attentes politiques, ce qui lui donne une probabilité bien plus élevée de les influencer. Cela dit, critiquer le système de crédit social de la Chine ne fait pas de quiconque un « idiot utile », à moins qu’il ne serve de « justification » pour renier Trump et jouer l’escalade de la nouvelle guerre froide.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

Note du Saker francophone

Quiconque en occident se préoccupe honnêtement du sujet de la surveillance omniprésente de masse ferait bien de commencer par s'intéresser à ce qu'il se passe « à domicile » avant de jeter l'opprobre sur la Chine. 
Du même auteur, l'article « Chine ou Royaume-Uni, lequel des deux est le plus dystopique ? Pensez-y à deux fois. » contient quelques éléments à ce sujet.

Et pour aller plus loin, l'enquête complète et fouillée de Nafeez Ahmed, « Et la CIA créa Google », démontre preuves à l'apppui l'intégration totale entre l'appareil de surveillance mondialisé étasunien et les startups 'cool' depuis des décennies, et les menaces très sérieuses que cela représente.

Traduit par Vincent pour le Saker Francophone

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