Afghanistan. Les États-Unis s’enfuient pendant la nuit


Les talibans s’emparent de plusieurs districts par jour


Par Moon of Alabama – Le 6 juillet 2021

C’est la honte :

Les États-Unis ont quitté l'aérodrome de Bagram en Afghanistan après près de 20 ans en coupant l'électricité et en s'éclipsant pendant la nuit sans avertir le nouveau commandant afghan de la base, qui a découvert le départ des Américains plus de deux heures après, ont déclaré des responsables militaires afghans. ...

"Nous avons entendu des rumeurs selon lesquelles les Américains avaient quitté Bagram... et finalement, à sept heures du matin, nous avons compris qu'il était confirmé qu'ils avaient déjà quitté Bagram", a déclaré le général Mir Asadullah Kohistani, le nouveau commandant de Bagram. ...

Avant que l'armée afghane ne puisse prendre le contrôle de l'aérodrome situé à environ une heure de route de la capitale afghane Kaboul, celui-ci a été envahi par une petite armée de pillards, qui ont saccagé baraquement après baraquement et fouillé dans les tentes de stockage avant d'être expulsés, selon des responsables militaires afghans.

"Au début, nous avons pensé que c'étaient peut-être des talibans", a déclaré Abdul Raouf, soldat depuis 10 ans. Il a dit aussi que les américains avaient appelé de l'aéroport de Kaboul et dit "nous sommes ici, à l'aéroport de Kaboul".

Il y a une vidéo de la base vide. Des centaines de voitures ont été abandonnées. L’équipement réseau du quartier général a été arraché mais l’hôpital de la base semble être resté intact. Il y a même quelques fournitures médicales utiles stockées là-bas.

Pendant ce temps, les Talibans continuent leur opération éclair pour prendre le contrôle du pays. Ils s’emparent des districts les uns après les autres, en particulier dans le nord.

 

J’avais remarqué cela il y a deux semaines :

Il est remarquable qu'un grand nombre de districts pris par les Talibans ne se trouvent pas dans les régions principalement pachtounes mais dans le nord où la population est souvent ouzbèke, tadjike ou issue d'autres minorités ethniques. Avant l'invasion américaine, ces populations étaient souvent anti-talibans.

Les talibans ont probablement quelque 3 à 4 000 combattants dans la province de Badakhshan, au nord-est du pays, mais ils ont réussi à en prendre 90 % en seulement 4 jours, 14 de ses districts étant tombés au cours des dernières 48 heures. Quelque 1 500 soldats du gouvernement afghan qui y étaient stationnés ont fui vers le Tadjikistan. La capitale de la province, Faizabad, est désormais isolée et le seul endroit encore sous le contrôle du gouvernement.

Il y a quelque chose de curieux dans tout cela. Le Badakhshan était un bastion de l’Alliance du Nord qui, à la fin des années 1990, combattait les talibans. C’est le siège du parti Jamiat-e Islami, composé principalement de Tadjiks de souche et disposant de sa propre milice. Le chef du Jamiat-e Islami est Salahuddin Rabbani, qui préside aujourd’hui le Haut Conseil pour la paix en Afghanistan, chargé de négocier avec les talibans.

Cette province montagneuse compte 1 million d’habitants. Mais voici 4 talibans qui débarquent dans une voiture dans le district reculé de Wakhan. Ils ne sont pas combattus par la milice locale mais au contraire accueillis par la population (masculine).

Il est inconcevable qu’une force talibane de la taille d’une brigade puisse s’emparer du Badakhshan en quelques jours et à peu de frais sans passer un accord avec la milice du parti local dominant. Il a dû se passer quelque chose en coulisse dont les médias ne sont pas au courant.

C’est une bonne nouvelle car une victoire rapide des talibans dans le nord rendra moins probable une nouvelle guerre civile. Le journal néoconservateur Long War Journal, lui, est atterré :

L'Afghanistan risque de s'effondrer complètement après que les talibans ont fait des progrès spectaculaires ces derniers jours, frappant au cœur de la base de pouvoir du gouvernement afghan dans le nord et prenant le contrôle de vastes régions du pays - souvent sans opposition des forces gouvernementales. ...

La plupart des gains des talibans ont eu lieu dans le nord. L'importance de la poussée des talibans dans le nord ne doit pas être sous-estimée. Les talibans mènent le combat directement chez les courtiers en pouvoir et les fonctionnaires de l'élite afghane.

Si les talibans peuvent priver le gouvernement afghan et ses bailleurs de fonds de leur base de pouvoir, l'Afghanistan est effectivement perdu. Si le gouvernement perd le nord, il ne pourra pas conserver ses points d'appui ténus dans le sud, l'est, l'ouest et même le centre du pays. Si le gouvernement afghan perd le nord, les talibans pourraient s'emparer sans combattre des centres de population du sud, de l'est et de l'ouest, et commencer leur siège de Kaboul.

Je ne pense pas, pour l’instant, qu’il y aura un long « siège de Kaboul », mais un transfert négocié du pouvoir.

Les événements des dernières semaines montrent une retraite ou une défaite plus ou moins contrôlée des forces gouvernementales, totalement démoralisées, et une prise de contrôle systématique de la plupart des campagnes et des centres de district par des forces talibanes bien préparées. Seules les capitales des grandes provinces ne sont pas encore tombées, bien que certains pensent que Mazar i-Sharif, la capitale de la province de Balkh, tombera ce soir.

Il semble qu’il y ait une volonté d’au moins certaines parties du gouvernement actuel de l’Afghanistan de laisser les talibans prendre le contrôle du pays sans trop se battre.

Cela donne l’espoir qu’un autre long conflit sera évité. Après plus de 42 ans de guerre, l’Afghanistan a besoin de paix. Si le régime des talibans est dur, il est quand même juste et certainement moins corrompu que les structures imposées par les États-Unis. Il faut donner à l’Afghanistan le temps de trouver un nouvel équilibre à partir duquel il pourra ensuite se développer d’une manière adaptée aux circonstances locales ainsi qu’aux traditions et à la moralité des populations locales.

Les 42 dernières années ont montré que rien d’autre ne fonctionnera.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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